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À l’approche du référendum du 21 septembre, le président du Bloc Libéral, Dr Faya Millimouno, signe un réquisitoire sévère contre la junte et l’ensemble de la classe politique. Dans un entretien accordé à Guinee360, il dénonce l’abandon des valeurs par ceux qui accèdent au pouvoir, l’inaction des leaders religieux et l’affaiblissement de la société civile. Appelant le général Mamadi Doumbouya à “respecter sa parole” et à “sortir par la grande porte”, il met en garde contre un verrouillage politique aux conséquences durables pour la démocratie guinéenne.
Guinee360 : Comment analysez-vous la situation politique et sociale actuelle de la Guinée à l’approche du référendum du 21 septembre ?
Dr Faya Millimouno : Quand on est dans l’opposition, on semble donner l’impression aux Guinéens que nous croyons en des valeurs, nous croyons en des principes. Mais lorsque nous sommes dans le pouvoir, on a l’impression que nous sommes partis d’une planète à une autre, qu’on est partis d’un siècle à un autre. Tellement notre mémoire personnelle devient défaillante au point de ne plus se rappeler des engagements les plus élémentaires qu’on a faits. Je donne deux exemples. Alpha Condé a habitué les Guinéens à des déclarations qui ont soulevé beaucoup de masse, qui ont promis, qui ont provoqué assez d’admiration. La lutte pour les valeurs, les principes, les droits et libertés. Quand il était au pouvoir, il a été méconnaissable. Alors qu’il a juré à plusieurs reprises de ne jamais changer la constitution pour se maintenir, il l’a fait.
A qui précisément faites-vous allusion dans le gouvernement de transition ?
Aujourd’hui, nous avons un autre acteur politique, Bah Oury que j’ai connu d’abord comme défenseur des droits, des libertés. Il a été l’un des membres fondateurs de l’Organisation guinéenne pour la défense des droits et libertés. Aujourd’hui, il est Premier ministre. Et sous sa primature, nous sommes en train de faire un recul à pas de géant. Les kidnappings sont devenus monnaie courante. N’est-ce pas, une habitude? Et quand je l’ai écouté une fois dire : chaque Guinéen doit se réajuster par rapport à la nouvelle donne, comme si cette nouvelle donne était une panacée, l’incarnation de nos valeurs, ou de nos principes. Sinon, chacun serait responsable de sa propre disparition. Ça ne pouvait pas ne pas rappeler le fait que Foniké Mange, Billo Bah, Marouane, et Nimaga ont disparu.
Que vous ont inspiré ces propos de Bah Oury?
C’est une grande déception qui justifie aujourd’hui le niveau d’estime très bas que le peuple de Guinée a à l’égard des hommes politiques. Tantôt, on combat des choses en Guinée, ici, qu’on admire ailleurs dans la sous-région. On n’aime pas un troisième mandat en Guinée. On peut l’adorer en Côte d’Ivoire, on peut l’adorer dans d’autres pays. Cette incohérence au niveau des acteurs politiques est une déception.
Qu’en est-il de l’attitude des leaders religieux?
C’est aussi une déception au niveau de nos religieux. Je lisais, il y a quelques jours, la déclaration faite par la conférence épiscopale de l’église catholique de la Côte d’Ivoire, qui, aujourd’hui, montre des signaux d’une crise majeure. Eh bien, l’Église ne s’est pas tue. Elle a interpellé tout le monde, y compris le président Ouattara. Et cette organisation a rappelé ce qui est fondamental. Lorsque la maison commune est menacée d’incendie, chacun doit se sentir concerné. Mais on a l’impression qu’après le départ de notre admirable cardinal [Robert Sarah, Ndlr], on n’a plus le courage de défendre les vérités que nous recommande Dieu dans nos grands livres, le Coran et la Bible.
Et la Société civile ?
Déception, n’est-ce pas, du côté de la société civile. On ne se faisait déjà pas d’illusions. Quand on est de la société civile, on se bat de façon non-partisane pour un certain nombre de valeurs communes. Aujourd’hui, je me demande si on en a, des organisations de la société civile. Peut-être là où il faut les traquer pour les retrouver, c’est qu’elles se sont transformées en mouvements de soutien. Alors, tout cela pour dire, on a une grande victime, la jeunesse, dont l’éducation laisse à désirer, et manquant d’opportunités, de perspectives claires dans leur propre pays. Ils continuent à courir un risque énorme. Le risque d’atteindre l’Europe, le risque d’atteindre l’Amérique. Avec tout ce que nous voyons comme obstacles développés devant eux. L’Europe ne veut pas aujourd’hui avoir des Africains. Même les États-Unis, le Canada qui se montrait de plus en plus ouvert, avec l’arrivée de Trump, je crois que c’est comme si toutes les portes étaient fermées.
Face au verrouillage politique de la junte guinéenne que répondez vous à ceux qui estiment que la démocratie n’est pas africaine ?
J’entends les gens dire que la démocratie n’est pas africaine, c’est une insulte à l’histoire de notre pays. L’Afrique est le berceau de toutes les grandes valeurs pour lesquelles nous nous battons aujourd’hui. La démocratie, les droits de l’homme. C’est vrai, les occidentaux sont parfois plus vocaux à réclamer la paternité de ces valeurs, mais toutes ces valeurs ont pris source ici en Afrique. Parce que dans l’histoire, les peuples africains ont été les peuples les plus opprimés au monde, dans les mains de beaucoup d’autres êtres. Tels que des Arabes, des Européens. Alors, qui a le plus intérêt à ce que les droits soient respectés ? C’est celui qui est opprimé. Donc, la source profonde même de la déclaration des droits de l’homme et de la liberté, c’est l’Afrique. Mais ça n’empêche pas certains nationalistes ou certains panafricanistes africains de dire que non, la démocratie, elle nous est imposée. C’est une valeur universelle qui repose sur des principes et des valeurs que chaque guinéen, chaque être humain ne doit pas rougir ou ne doit se gêner de défendre corps et âme au prix même de sa vie. On s’en éloigne de la démocratie depuis pratiquement l’arrivée du CNRD. Et encore, plus nous avançons dans cette période transitoire, plus on ne peut même plus décrire ce dans quoi nous nous trouvons.
Vous êtes l’un des rares acteurs politiques et sociaux qui continuent de dénoncer la gestion du Cnrd. Soupçonnez-vous le général Mamadi Doumbouya, derrière le calendrier électoral, d’avoir des intentions de s’éterniser au pouvoir ?
Les paroles du général Mamadi Doumbouya, qui, en tant que soldat, a parlé. L’incarnation de l’honneur, ce fut d’abord, dans l’Afrique traditionnelle, la parole du donzo, c’est-à-dire le guerrier, qui est l’incarnation de l’honneur. C’est-à-dire, celui qui a décidé d’offrir sa vie pour sauver l’honneur. Eh bien, dans l’État moderne, le soldat devait aussi être l’incarnation de cet honneur-là. En rappelant, lorsqu’il a parlé, qu’il était un soldat et qu’il n’était pas venu pour confisquer le pouvoir, je continue encore à espérer qu’à un moment donné, seul devant un miroir, le général Doumouya va se dire je suis le même Doumouya et je suis dans la même Guinée. Pour se dire, c’est seulement quelques petits mois qui me séparent aujourd’hui de mes premières déclarations. Sinon, tout son entourage est déjà d’un côté. A cause de cet entourage, Mamadi Doumouya doit se renier. Que ce soit le chef du gouvernement, que ce soit les membres du gouvernement, toute l’administration publique guinéenne, que ce soit l’administration déconcentrée, les délégations spéciales. Tout le monde aujourd’hui fait la pression. Quand je dis tout le monde, je veux parler de tous ceux qui détiennent le pouvoir. Parce qu’il y a une réalité que seuls les observateurs lucides peuvent comprendre : le silence de la majorité des Guinéens. Ce n’est pas parce que les Guinéens, dans leur majorité, approuvent ce qui est en train de se faire. Mais, des fois, quand on est face à un choc qui nous dépasse, ça provoque une sorte d’inhibition. C’est comme si on ne ressent pas la douleur, mais on la ressent. C’est-à-dire qu’après le théâtre que Alpha Condé a fait, après le théâtre que Bah Oury et son gouvernement sont en train de faire, les Guinéens, dans leur majorité, se disent : « Mais alors, finalement « Qui peut-on croire? » Je l’avais dit au président Alpha Condé quand il m’avait invité en 2019. C’était pour m’encourager à mettre mon parti dans le combat pour la législative de 2020, qui était combiné avec le référendum. Quand il a dit qu’il faut aller aux élections, j’ai dit : « Monsieur le Président, ne cherchez pas un troisième mandat. » Parce que si vous cherchez un troisième mandat, vous n’allez pas seulement vous faire du mal, vous allez faire du mal à tous ceux qui, un jour, ont décidé de mener le combat sur l’arène politique. Parce que je ne suis pas sûr, si vous, en tant que Alpha Condé, vous vous réunissez pour aller chercher un troisième mandat, un guinéen va désormais croire en un homme politique. C’est ce qui me fait dire aujourd’hui qu’il n’y a qu’un seul qui peut encore sauver la Guinée, le soldat Mamadi Doumbouya.
C’est-à-dire, c’est de son vivant, il était là, il était au camp, lorsque beaucoup de ceux qui sont en train aujourd’hui de l’encourager, ceux qui sont en train de dire aujourd’hui qu’il est Dieu lui-même. Hier, c’était Alpha Condé, le Dieu lui-même. J’’invite Mamadi Doumbouya à le faire, il suffit de prendre 10 minutes de son temps et puis d’aller sur les réseaux sociaux. Je sais que certains acteurs qui sont ses plus grands soutiens aujourd’hui ont pris soin sur leur propre page d’enlever, mais puisque ça a été partagé, leurs déclarations sont encore sur les réseaux sociaux. Tout cela pour dire que si Mamadi Doumbouya s’assoit, fait un examen de conscience, lit l’histoire de notre pays, il devrait simplement se convaincre en disant : « je ne vais pas aller dans cette direction ». Et donc, respecter sa parole, sortir par la grande porte. Il y a eu des choses que les Guinéens ont déjà déplorées sous la présidence de Mamadi Doumouya. Parce que je continue encore à espérer que Foniké Mengué, Billo Bah, Marouane et Nimaga, et puis bien d’autres, moins connus, parce que ceux que nous citons là, peut-être qu’ils ne sont pas les seuls qui ont disparu en Guinée. Au moment où le porte-parole du gouvernement a dit « celui qui ne suit pas le mouvement sera lui-même responsable de sa propre disparition». Il y a donc des gens anonymes, des gens inconnus, qui peuvent allonger cette liste. Nous savons tout ça. Mais il y a encore quelque chose qui peut faire que les Guinéens tournent leur regard vers l’avenir. Si le président Mamadi Doumbouya dit : « je respecte ce peuple et je vais donc respecter ma parole.»
L’article Faya Millimouno : “La Guinée s’est éloignée de la démocratie depuis l’arrivée du CNRD” est apparu en premier sur Guinee360 - Actualité en Guinée, Politique, Économie, Sport.