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Le projet minier du siècle, Simandou, n’avance pas. Il « communique ». À coups de selfies éclatants et de stories éphémères. Nos dirigeants ont troqué les dossiers contre leur reflet sur l’écran. L’urgence n’est plus de décider, mais de poster le premier, avec le bon filtre et une légende pseudo-inspirante pour masquer le vide sidéral. La gouvernance n’est plus un métier, c’est une séance photo permanente, un narcissisme d’État à l’ère du numérique.
Le spectacle est quotidien, obscène. Costumes sur mesure qui crient plus fort que leurs porteurs, bazinsrepassés au laser, montres suisses qui valent dix ans de salaire d’un instituteur, sourires de carton-pâte devant des décors en polystyrène. On ne voit plus un gouvernement, mais une bande de créateurs de contenu en roue libre. On ne nous propose plus des politiques, mais du « contenu » à consommer et à oublier. On ne tient plus un conseil des ministres, on anime sa story. On réclame des résultats ? On nous balance un hashtag. On exige des réformes ? On nous offre un filtre. Ce n’est plus un État, c’est un compte TikTok qui joue à la République.
Derrière le luxe clinquant, l’opacité la plus totale. Où sont les vrais documents sur Simandou ? Les études ? Les audits ? Les contrats ? Rien. Nada. Le silence est d’or, surtout quand l’or est en jeu. Les vérités pourrissent dans des coffres, tandis que les rumeurs fusent sur WhatsApp. Ce projet stratégique, capable de soulever le pays, est traité comme un secret de starlette. Simandoun’est pas un projet national, c’est un décor pour photos de profil, une backdrop pour vanité.
Pendant ce temps, le pays tombe en poussière. Nos écoles s’effondrent, nos enfants s’entassent sur des briques, dans des classes qui sentent le moisi et le désespoir. Le prix d’un seul costume de ministre paierait des murs, un toit, des tables. Le prix d’une de leurs montres équivaudrait à des cahiers pour une région entière. Mais ce n’est pas leur problème. Eux, ils posent. Ils postent. Ils paradent. L’élégance n’est pas le crime. L’arrogance, si.
Chaque nouveau costume est une gifle. Une gifle en soie. Une gifle en Dior. Une gifle qui crie : « Vos galères sont invisibles, notre standing est sacré ». Nous, nous nous battons pour de l’eau potable. Eux, ils posent avec des mojitos. Nos enseignants dorment à même le sol de leur salle de classe. Eux, font des séminaires « de réflexion » à Dubaï. Nous comptons nos pièces pour les fournitures. Eux, alignent leurs mocassins à mille euros.
Sous les flashs, l’abîme se creuse. Leur objectif n’est plus de gouverner, mais d’être admirés. Enviés. Copiés. Chaque photo est un message : « Regardez comme nous sommes loin de votre misère ». Leur apparence est devenue une arme. Le luxe, une insulte silencieuse cousue main.
Et pour couronner le tout, chaque publication officielle se pare désormais de citations pieuses, comme si le Bon Dieu en personne était leur community manager. La foi est devenue un filtre sacré pour masquer l’incompétence crasse. Mais Dieu ne signe pas les contrats et les prières ne remplissent pas les ventres. Nous n’avons pas besoin de providence, mais de compétence. La République n’est pas une secte d’influenceurs en costard.
Pendant ce temps, la vraie vie continue, sans filtre ni retouche : les prix flambent, les emplois disparaissent, la pauvreté ronge tout. Nous vivons dans la poussière, la débrouille et l’angoisse. Eux, jouent les stars sur Instagram.
Il est temps de débrancher cette mascarade. De fermer les applis. De ranger les téléphones. De rouvrir les vrais dossiers, ceux qui puent la poussière et la sueur du peuple. On ne gouverne pas avec des likes. On ne construit pas un pays avec des filtres. La prochaine publication que nous attendons n’est pas votre photo dans l’ascenseur privé. C’est le contrat intégral de Simandou. Publié. En entier. Accessible à tous. Nous avons le droit de savoir.
Combien ? Combien coûte ce costume, Monsieur le Ministre ? Combien de petites filles auraient pu avoir un cartable ? Combien de dispensaires auraient pu avoir une ampoule ? Combien de mères auraient pu accoucher dans la lumière, et non dans le noir ? Ce n’est pas une tenue. C’est du mépris en costume trois-pièces.
Nous n’avons pas besoin d’être séduits. Nous avons besoin d’être respectés. L’Histoire se moquera de vos followers. Elle jugera vos actes. Ou votre absence totale.
Ousmane Boh KABA
L’article Ministres en Dior, écoles en ruine : bienvenue dans l’État Instagram (Par Ousmane Boh Kaba) est apparu en premier sur Mediaguinee.com.