Simandou : « l’arme » géopolitique qui renforcera la position de la Guinée sur l’échiquier international (Par Emmanuel Millimono)

il y a 2 heures 21
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Tic-tac… Le chrono tourne et nous rapproche irréversiblement vers l’entrée en production de la plus grande mine de fer au Monde. Dans deux mois en effet, la Guinée s’apprête à marquer, avec fracas, son entrée sur l’un des plus gros marchés au monde : celui de l’acier. Jusque-là parmi les leaders mondiaux de la bauxite, minerai essentiel à la production de l’aluminium, c’est désormais le meilleur minerai de fer que le pays se prépare à proposer au monde entier, en y occupant une place de leader, à cause de la teneur exceptionnelle de la mine de Simandou.

L’entrée en production de simandou permettra à la Guinée d’écrire l’une des pages les plus décisives de son histoire économique. Ce mégaprojet, considéré comme le plus grand gisement de fer inexploité au monde, est porteur d’espoir et d’enthousiasme pour le peuple de Guinée.

Située dans la région de Beyla et Kérouané, au sud-est du pays, cette chaîne montagneuse qui concentre environ 2 milliards de tonnes de fer, de haute teneur, est perçue comme catalyseur de l’économie nationale, si ses revenus sont gérés avec efficacité et transparence. Elle aura surtout le don de faire de la Guinée un acteur clé du marché mondial de l’acier et, au-delà, un poids lourd sur l’échiquier géopolitique international.

Ce vieux rêve est enfin proche de se réaliser, après des décennies de négociations, de promesses, parfois sur fond de désillusions. Simandou aiguise des appétits, nourrit des espoirs, suscite parfois des craintes et des doutes, mais Simandou reste une opportunité, jamais égalée pour la Guinée, d’accroître ses revenus et de travailler à la transformation en profondeur de son économie.

Dans un contexte où la demande en fer sur le marché mondial est en pleine croissance, l’arrivée de la production guinéenne sera comme du pain béni pour les industries du monde. Des pays comme la Chine ont des besoins de plus en plus croissants, s’ajoutent ensuite d’autres comme l’Inde et des puissances émergentes en constant développement infrastructurel.

Avec son minerai dont le taux de teneur est supérieur à 65%, la Guinée, à travers Simandou, n’aura pas de peine à s’imposer comme leader d’un marché mondial essentiel pour l’industrie et la construction. Elle se positionnéra en effet en tant que fournisseur stratégique à même de rééquilibrer et redessiner complètement les grandes tendances commerciales dans ce domaine.

Rendre à César, ce qui appartient à César

Ne nous voilons pas la face, sans remettre en cause le travail des administrations précédantes. Simandou serait encore longtemps resté au stade de rêve, n’eut été le courage et la perspicacité d’un militaire qui a su transcender les grands enjeux mondiaux, mis ensemble des acteurs aux valeurs et aux capacités financières littéralement différentes.

Depuis son arrivée au pouvoir, le Général Mamadi Doumbouya a fait de ce projet une quasi-priorité nationale, à côté des autres défis du quotidien. En s’employant à trouver la trajectoire nécessaire à la valorisation de simandou, Mamadi Doumbouya a créé les conditions de valorisation d’une mine dont les retombées financières sont estimées à 15 milliards de dollars sur 25 ans.

Simandou, en effet, a longtemps été sujet à de nombreux tiraillements entre des multinationales qui n’avaient pas forcément le même calendrier que la Guinée. A cela, il faut ajouter les lenteurs administratives. Les deux, ainsi que bien d’autres facteurs, combinés, ont longtemps fait que ce gisement de classe mondial a eu du mal à se mettre sur les rails depuis 1990.

Le montage du projet et ses modalités de mise en œuvre en avaient fait un projet lourd, difficile à dérouler et fini par faire de lui une sorte de chimère aux yeux de la population. Peu importe la volonté politique, aucun gouvernement n’aurait pu le mettre en œuvre dans sa configuration d’origine, en un si laps de temps.

Pour alléger le projet et faciliter sa mise en œuvre, le Général Mamadi Doumbouya a choisi d’instaurer une nouvelle dynamique, en réunissant autour d’une même table les différents partenaires impliqués – Rio Tinto, Winning Consortium Simandou, et l’État guinéen via la société publique Soguipami, et consacré l’entrée déterminante de BAOWU.

Par une approche ferme mais inclusive, il a su imposer la concertation et la transparence, permettant la signature d’accords historiques garantissant non seulement l’exploitation du minerai, mais aussi la construction des infrastructures vitales : une ligne de chemin de fer de plus de 600 km reliant Simandou au port en eau profonde de Morebayah. A travers la mise en place du comité stratégique en charge de Simandou, les négociations étaient désormais centrées, ce qui a facilité l’obtention d’accords et accéléré la mise en œuvre du projet.

Ce qui a changé ? Au lieu d’avoir des acteurs différents, qui n’ont pas les mêmes capacités de financement, n’ont pas les mêmes calendriers stratégiques, on a une sorte de consortium qui se soumet à un calendrier commun qui emporte avec lui les intérêts de la Guinée. Au lieu de se retrouver avec plusieurs petites infrastructures et des points d’exportations aussi nombreux que les sociétés exploitantes, la Guinée se dote d’un seul -mais grand- chemin de fer et d’un port unique en eau profonde.

L’autre prouesse réussie dans ces négociations à la CNRD est la mise en place de la compagnie du transguinéen (CTG). Celle-ci, contrairement au montage de départ, dévient immédiatement, au nom de l’Etat guinéen, propriétaire et exploitante des infrastructures dédiées au projet.

Simandou, un levier économique majeur pour la Guinée

Au-delà des retombées géopolitiques, Simandou est avant tout une chance unique pour la Guinée et sa population. Le projet devrait générer des milliers d’emplois directs et indirects, dynamiser le secteur du BTP et stimuler la création de petites et moyennes entreprises locales. Les recettes fiscales attendues pourraient transformer en profondeur la capacité de l’État à investir dans l’éducation, la santé et les infrastructures sociales de base.

De plus, la construction du chemin de fer et du port ouvre de nouvelles perspectives logistiques pour le pays. Ces infrastructures, bien qu’érigées pour le minerai, serviront à d’autres secteurs, ce qui facilitera l’intégration économique nationale et régionale. En renforçant ses capacités de transport, la Guinée se donne les moyens de diversifier son économie et d’attirer davantage d’investissements étrangers.

L’enjeu est également politique et diplomatique. En réussissant à lancer Simandou, la Guinée envoie un signal fort : celui d’un pays capable de gérer un projet d’envergure mondiale, de sécuriser les partenariats stratégiques et de s’imposer comme un interlocuteur crédible sur la scène internationale. Ce succès rehaussera l’image du pays, longtemps réduite à ses crises politiques, et replacéra la Guinée comme puissance minière incontournable.

La transparence, clé de réussite…

L’engouement suscité par l’entrée prochaine en production de Simandou est tel que certains guinéens en font la solution à tous les maux dont souffre le pays. Pauvreté, déficit d’infrastructures, précarité en milieu rural… devraient, aux yeux du guinéen lambda, trouver leurs remèdes à travers simandou. Ont-ils tout à fait tort ?

C’est pourquoi, le plus grand combat que devra mener le Général Mamadi Doumbouya, qui reste inexorablement la figure politique qui aura fait de ce projet une réalité, reste le défi de la transparence et de la bonne gestion des ressources tirées de cette exploitation. Il est temps pour la Guinée, scandale géologique, de tirer pleinement profit de ces riches gisements du sol et du sous-sol.

Cela passe par le renforcement de la bonne gouvernance, la culture de la transparence sur toute la chaîne des retombées de simandou, la bonne utilisation des ressources générées par ce projet. Infrastructures de qualité (durables et modernes), désenclavement du pays, éducation de référence, amélioration des conditions de vie de la population, transformation du système économique en profondeur…, tout doit compter.

Simandou n’est pas seulement une mine : c’est un projet structurant, un catalyseur de transformation et une arme économique et diplomatique. Le lancement prévu dans deux mois marquera un tournant, à condition que la gouvernance demeure transparente et que les bénéfices soient équitablement répartis. La Guinée a désormais entre ses mains une opportunité rare : transformer sa richesse minérale en prospérité partagée, et consolider ainsi sa place dans le concert des nations.

Emmanuel Millimono

Journaliste

Consultant médias

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