Le ministre Bogola Haba fait le scanner de la gestion du football guinéen : « …nous perdons les champions »

il y a 15 heures 72
PLACEZ VOS PRODUITS ICI

CONTACTEZ [email protected]

Lors de l’assemblée générale extraordinaire de la Fédération guinéenne de football (Feguifoot), tenue jeudi dernier dans un réceptif hôtelier de Conakry, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Kéamou Bogola Haba, n’a pas mâché ses mots face à l’état du football guinéen. Très critique, il a exposé les maux profonds qui gangrènent ce secteur depuis des décennies.

Le patron du département a dénoncé une gestion inefficace et un système paralysé par des querelles de personnes, appelant les dirigeants du football guinéen à recentrer leurs priorités sur l’essentiel.

Il a souligné plusieurs freins majeurs à l’épanouissement du ballon rond dans le pays : la concentration des clubs de Ligue 1 et Ligue 2 à Conakry, le manque de moyens financiers, et la très faible mobilisation du public dans les stades.

« Sur 14 clubs de Ligue 1, 12 se trouvent en Basse-Côte. Tout le reste, il y a deux clubs à l’intérieur, dans les trois autres régions — je veux parler de la Haute-Guinée, de Kankan et de Siguiri. Alors que la loi sur le sport vous oblige à couvrir l’ensemble du territoire. Et ça, c’est un gros défi auquel je vous appelle à vous atteler. Nous ne pouvons pas avoir le football concentré dans une seule région, et que cela se limite à la capitale », a-t-il dénoncé.

Pour Bogola Haba, la solution réside dans une décentralisation effective, en conformité avec la loi 018, et dans une gouvernance tournée vers le développement du football dans toutes les régions. Il a mis en garde les dirigeants :

« Je souhaiterais que le comité exécutif ne passe pas tout le temps sur la question de qui sera le vice-président, le plus âgé, le moins âgé, ou évidemment le président, mais que vous vous concentriez sur comment vous allez couvrir l’ensemble du territoire national. Sinon, vous ne respectez pas la loi 018. Et nous perdons les champions. »

Dans la même dynamique, le ministre s’est attaqué au modèle économique des clubs, jugé obsolète et non viable :

« J’ai demandé au président comment nous allons sortir de cette affaire d’amateurs, pour avoir des clubs à capitaux élevés, afin de relancer le marché des transferts en Guinée ? Parce que nos clubs sont uniquement des clubs formateurs, de détection, qui ne peuvent pas maintenir les talents. »

Il a également dénoncé l’absence de contrats formels pour les entraîneurs, les bas salaires et les conditions précaires des joueurs :

« Nous n’avons pas de contrats en bonne et due forme avec les entraîneurs ; les joueurs n’ont pas de contrats suffisants ; nous n’avons pas de salaires décents pour les joueurs. Cela veut dire que nous sommes obligés de former, et que les autres championnats viennent prendre chez nous. »

Pour Haba, il est urgent de transformer les clubs en véritables entreprises sportives :

« Il faut leur donner l’opportunité, leur fournir les garanties nécessaires pour qu’ils puissent investir, afin que nous ayons des clubs de capitaux solides, capables de résoudre ce problème. Ça, c’est un défi que je souhaiterais qu’on puisse résoudre. »

Autre défi majeur soulevé par le ministre : la démobilisation du public. Il s’est indigné de voir des stades presque vides lors des matchs de championnat.

« Le premier, le deuxième… quand ils jouent — vous savez que je participe régulièrement à l’ensemble des matchs — vous pouvez imaginer combien de fois les stades de 5 000 places ne sont même pas remplis. Et les gens ne paient pas suffisamment. »

Pourtant, l’État réalise des investissements massifs dans les infrastructures sportives à la demande de la Feguifoot et du public.

« Nous sommes aujourd’hui à plus de 2 500 milliards de francs guinéens d’investissement pour le stade de Nongo et le stade du 28 septembre, ce qui fait environ 250 millions de dollars. Le budget global pour l’ensemble des stades à construire ici, si nous voulons avoir la CAN, s’élève à environ 8 000 milliards — soit près de 800 millions de dollars. »

Il a insisté sur la nécessité de garantir un retour sur investissement :

« Nous avons un projet de construction de stades dans les 33 préfectures ainsi que dans les 14 communes de Conakry. Mais qui va y siéger si, aujourd’hui, au 1er match du championnat, au 2e jour, on ne peut même pas avoir 2 000 personnes au stade ? Est-ce que nous allons rouvrir le stade de Nongo seulement pour 2 ou 3 matchs du Syli national ? Sinon, ce sera un éléphant blanc que nous allons bâtir. »

Enfin, le ministre a interpellé l’ensemble de la famille du football sur la nécessité d’un sursaut collectif :

« C’est seulement quand nous aurons le public que nous aurons les mécènes. C’est seulement quand nous aurons le public que nous pourrons revendiquer les droits télé. À la date d’aujourd’hui, la Ligue 2 est lancée sans sponsor. Et ce sont les petits revenus que la FIFA vous donne pour votre fonctionnement qui sont aujourd’hui utilisés pour lancer la Ligue 2. Cela ne peut pas continuer. »

ALSENY BALDÉ

Lire l'article en entier