Institutionnalité de l’avant-projet de la nouvelle Constitution, considérations plurielles sur le rendez-vous annoncé d’un système politique impraticable !

il y a 4 heures 37
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« Qui trop embrasse mal étreint » Proverbe français !

Le jeudi, 26 juin courant, l’avant-projet de la nouvelle Constitution a été remis au Chef de l’Etat, le Général Mamadi DOUMBOUYA, au cours d’une cérémonie solennelle au palais de la présidence de la République.

En baissant les rideaux de la rédaction de la première mouture du texte, le Conseil National de la Transition consacrait, le prologue d’une étape cruciale, le débat citoyen, avant l’expression démocratique.

A ce titre, je voudrais contribuer modestement, autant que faire se peut, en ma qualité de juriste, quoique amateur, mais aussi et surtout en tant que citoyen, observateur de la vie nationale, à l’édification de la société nouvelle, démocratique et inclusive à bâtir dans la perspective d’un havre de stabilité et de prospérité pour tous.

Ainsi, la lecture et l’analyse de l’avant-projet m’ont suggéré quelques réflexions d’essence juridique, politique, sociale, économique et d’autres. Au nombre des considérations nourries, celles-ci m’ont paru, pour ma part, les moins inutiles à exposer dans le débat de la chose publique.

De la cérémonie de remise de l’avant-projet….        

Au commencement, pour la cérémonie de remise de l’avant-projet de la nouvelle Constitution, on a mis les charrues avant les bœufs dans le protocole. Il aurait été séant que la remise ait patienté jusqu’à l’étape cruciale de projet. L’avant-projet est le premier jet d’un texte, potentiellement sujet à amélioration, le projet lui, est une meilleure version du texte, une plus aboutie. Dans le cas d’espèce, c’est le projet qui sera soumis au référendum. Pour donner de la matière consistante au protocole républicain, il aurait fallu que ce soit le projet qui soit remis au Chef de l’Etat.

De la légistique du texte….

La légistique usitée par les rédacteurs du texte procède, en plus de lacunes de syntaxe comme par exemple la redondance de terminologies (lire art 1er aliéna 5 la république de Guinée) et autres, de la prolixe, un gout prononcé pour le verbeux, sans valeur juridique apparente dont la conséquence est tantôt l’extension inutile du texte, tantôt  des confusions potentielles. A maints égards, les rédacteurs auraient dû faire le choix, comme la plus part de leurs homologues de la sobriété consacrée en la matière.

Des composantes du pouvoir exécutif….

En définissant les composantes du pouvoir exécutif, le texte énumère, au terme de l’article 43 : le Président de la République, le Premier ministre et le Gouvernement. Il s’en suit qu’il y a distinction nette entre le Premier ministre et le Gouvernement. Ainsi, l’exécutif a trois autorités suivant sa sémantique. Or, en réalité, il n’en est rien. Dans le projet de régime tout comme dans les systèmes parlementaires qui ont inspiré ce modèle, l’exécutif est toujours bicéphale, c’est-à-dire composé de deux têtes : en l’occurrence, le Président de la République, chef de l’Etat et le Premier ministre, chef du Gouvernement. Le Premier ministre et le Gouvernement sont indissociables. Le premier se confondant au second. Le Premier ministre ne s’engage pas seul, il engage aussi la responsabilité du Gouvernement. Il arrive et part avec son gouvernement. Il n’y a pas donc de place pour une distinction possible. Ainsi, le Premier ministre et le Gouvernement ne sont pas des sources différentes de l’exercice du pouvoir exécutif. Persister dans cette voie, c’est entretenir, à la limite, une confusion inutile.

Du rétrécissement des prérogatives du Président de la République…

Le Président de la République sort de l’avant-projet avec un pouvoir fort édulcoré, comparé en tout cas à la tradition de l’exercice du pouvoir dans notre pays. Deux considérations étayent cet angle de vue. Il s’agit :

  • Premièrement, du rétrécissement de son pouvoir de nomination dans les emplois. Traditionnellement, le Président de la République exerce exclusivement cette charge. Ce qui étendait son influence sur l’administration civile et militaire, notamment sur la haute hiérarchie. L’avant-projet en fait, dorénavant un domaine partagé avec le Premier ministre. (Art 65 et 84) ;
  • Deuxièmement, l’attribution de nomination aux hautes fonctions du Président de la République devient une compétence liée assortie d’un avis obligatoire du Sénat, dans les nominations civiles et celui du Conseil supérieur de la Défense nationale en ce qui concerne le domaine des armées. Il reste tout de même que cet avis doit être défini. S’il est simplement consultatif ou s’il lie le Président de la République. Pour faire simple, le Président de la République peut-il nommer dans les fonctions énumérées si l’avis du Sénat ou du Conseil supérieur de la Défense nationale n’est pas favorable ?

Il reste entendu alors que ce régime de nomination est une diminution importante de la vocation du Président de la République dans l’appareil d’Etat. Dans notre sociologie du pouvoir, ces dispositions sont institutionnellement conflictogènes, notamment dans les rapports entre le Président de la République et le Sénat qui peuvent diverger sur nombre de choix.

En outre, entre l’avant-projet et le Président du CNT, il y a un équivoque a levé en ce qui concerne la durée du mandat du Président de la République. Pour le premier, c’est un quinquennat alors que le second annonce un septennat, même si dans ce cas, le texte l’emporte, parce que verba volant, scripta manent. Dans tous les cas, la pratique de longs mandats présidentiels est surannée dans les démocraties qui nous servent de modèles. Les enjeux démocratiques, de la stabilité et de développement commandent aujourd’hui la pratique de mandat présidentiel réduit.

Le rétrécissement du domaine présidentiel s’est fait en faveur du Premier ministre et pour donner de la matière à l’érection du Sénat.

Du renforcement de la stature du Premier ministre…

Contrairement au Président de la République, le Premier ministre s’en sort avec sa stature valorisée, dans l’écriture de l’avant-projet. Des pouvoirs réels et plus étendus lui sont conférés, dont entre autres :

  • Proposer la nomination et la révocation de membres du Gouvernement ;
  • Nommer dans des emplois civils ;
  • Exercer le pouvoir règlementaire ;
  • Bénéficier de délégation du pouvoir du Président de la République ;
  • S’adresser au Conseil de la Nation…

Jamais, dans nos systèmes, le Premier ministre n’avait été autant renforcé dans l’appareil d’Etat.

Mais, l’envers du décor est que ce renforcement des prérogatives premier ministérielles pourrait impacter sur la stabilité du tandem exécutif.

Toutefois, le Premier ministre a dorénavant deux patrons. En plus, du Président de la République, lui et le Gouvernement sont responsables devant l’Assemblée nationale qui peut les renvoyer par le truchement de la motion de censure, quoique difficile à mettre en œuvre.

De la durée de la campagne pour l’élection présidentielle…

L’article 46 dispose à l’aliéna 5 :

« La campagne électorale est ouverte, par décret du Président de la République, trente (30) jours avant le jour du scrutin et close quarante-huit heures 48 heures avant celui-ci. »

Il y résulte que la durée de la campagne comptant pour l’élection présidentielle est fixée à 28 jours francs. Soit deux (2) jours de moins que par le passé. Mais, il n’est pas exclu même que les rédacteurs aient voulu consacrer les 30 jours traditionnels de campagne. Sauf que le texte lui rabote dans sa sémantique de 2 jours cette durée. Question de légistique ? Bien malin qui pourrait le dire. En raison de l’importance du rendez-vous et des réalités de l’exercice du débat démocratique, il aurait convenu dans le meilleur cas, de faire une extension à minima de 10 jours, soit 40 jours francs, sinon au pire, maintenir le statu quo pour que de vrais sujets soient débattus et que l’opinion électorale fasse véritablement sa religion.

De la date du scrutin présidentiel et de la convocation des électeurs aux urnes : des délais contradictoires…

L’alinéa 2 de l’article 46 dispose :

« Le Président de la République fixe, par décret en Conseil des ministres, après consultation de l’Organe technique indépendant en charge de la gestion des élections, le jour du scrutin, dans l’intervalle indiqué à l’alinéa précédent, au moins, cent vingt (120) jours avant celui-ci. »

Et l’article 49 de disposer :

« La Cour constitutionnelle arrête et publie la liste des candidats, cinquante (50) jours avant le jour du scrutin. À la suite de cette publication, le Président de la République convoque les électeurs par décret en Conseil des ministres »

Une lecture combinée de ces deux (2) dispositions relève au mieux, une insistance inutile au pire, des délais contradictoires. La première disposition intime au Président de la République l’obligation de fixer le jour du scrutin au minimum 120 jours avant sa tenue. Et la seconde de convoquer les électeurs 50 jours avant le jour du scrutin. Or, fixer la date du scrutin revient à convoquer le corps électoral aux urnes. Il faille clarifier et retenir lequel délai est vraiment opérant.

Des discours du Président de la République et du Premier ministre devant le Conseil de la Nation…

« Le Président de la République peut s’adresser au peuple de Guinée, soit directement, soit en session plénière du Conseil de la Nation. » (Art 69)

« Le Premier ministre prononce un Discours de Politique générale devant le Parlement réuni en Conseil de la Nation, au plus tard, soixante (60) jours, à compter de sa nomination. Ce discours de politique générale est suivi de débats sans vote. » (Art 82).

Le Conseil de la Nation est une innovation heureuse de l’avant-projet. Il est une grande assemblée républicaine réunissant les représentants légitimes du peuple de Guinée, en l’occurrence, le Président de la République et les parlementaires. Malheureusement, le régime de sa réunion prête à problème.

Dans des démocraties qui prévoit des instances de cette nature, la convocation de cette assemblée procède d’une occasion rarissime et pour des matières graves. Par exemple : déclaration de guerre, de l’état de siège, révision constitutionnelle…comme c’est le cas en France, par exemple.

Or, ici, le texte en fait une tribune presque anodine, disponible à la fois, pour le Président de la République et le Premier ministre. Pour le premier, à sa seule discrétion : « Le Président de la République peut s’adresser au peuple de Guinée, soit directement, soit en session plénière du Conseil de la Nation» (Art 69) et pour le second pour la présentation de sa politique générale. Ainsi, en matière de créneau républicain, le Président de la République et le Premier ministre sont logés à la même enseigne, ont le même privilège.

Le Discours de présentation de Politique générale qui sert de prétexte, pour les rédacteurs de l’avant-projet, à une convocation d’une session du Conseil de la Nation peut bien être présenté devant la seule Assemblée nationale qui plus, exerce seule la motion de censure. Le Gouvernement étant responsable devant l’Assemblée nationale peut présenter devant elle sa politique générale.

Pour ma part, la tribune du Conseil de la Nation doit une occasion privilégiée réservée à la plus haute charge de l’Etat, le Président de la république et, pour des matières de la plus haute importance.

Des modalités de l’élection des députés…

Suivant les dispositions de l’article 106, le tiers (1/3) des députés est élu au scrutin national à la représentation proportionnelle alors que les deux tiers  (2/3) sont élus au scrutin uninominal à un tour.

Ce qui est un renversement net de l’ordre jadis. Mais, le régime des nouvelles modalités de désignation des députés pose un problème de représentation du peuple dans son unité. Le député issu de la représentation nationale est élu par tout le corps électoral, alors que l’uninominal est élu par une partie de celui-ci, en fonction des circonscriptions territoriales dont les démographies électorales sont aussi variables que distinctes.

Les 2/3 constituent plus que la majorité absolue de l’Assemblée nationale. Mais, ils sont issus des territoires, des circonscriptions dont ils ne perdent pas l’attache. Il y a un risque sérieux que le débat et l’intérêt partisans l’emportent sur la défense de l’intérêt national dans l’exercice parlementaire.

De l’âge minimum à la candidature au poste de sénateur et la portion congrue réservée au sénat dans le partage des prérogatives parlementaires…  

L’âge minimum défini pour la candidature au poste de sénateur est fixé à 40 ans, au terme des dispositions de l’article 110, alinéa 1er de l’avant-projet. Pour le poste de député, l’âge minimum est de 21 ans et 35 ans pour celui de candidat à la présidence de la République. La majorité sénatoriale ainsi fixée à 40 ans est une discrimination fondée sur l’âge, sans intérêt probant. Car, il exclut d’office les jeunes, une frange importante de la population, de sa composition. C’est alors une véritable foire des adultes. Comparé à l’âge minimum de Président de la République, il semble que le Constituant ait trouvé plus de challenges dans les charges sénatoriales que présidentielles. Ce qui n’est pas du tout évident à démontrer.

Dans le partage des prérogatives parlementaires, il ressort que le Sénat a bénéficié de la portion congrue. Les maigres ressources à lui dévolues, l’en font un organe symbolique. La réforme qui l’a ainsi porté semble avoir un gout d’inachevé, traduisant l’atermoiement des rédacteurs de l’avant-projet dans son érection, craignant de le mettre sur un piédestal parlementaire capable de faire ombrage à l’action de la représentation nationale par vocation, l’Assemblée nationale. Mais, le pouvoir d’audition de la haute administration exclusivement réservé à lui, en fait un organe puissant de facto. Il y a un risque qu’il en fasse un instrument de chantage pour peser dans l’institutionnalité.

Du conflit de compétence entre le Parlement et l’Assemblée nationale…

L’avant-projet définit les matières qui relèvent des compétences partagées entre le Sénat et l’Assemblée nationale ainsi que les matières exclusivement réservées à l’Assemblée nationale ou au Sénat.

Mais, le régime des associations est matière à problème. Tantôt, il relève des compétences partagées, tantôt, il est du seul domaine de l’Assemblée nationale.  Car le Constituant dispose ainsi :

« L’Assemblée nationale et le Sénat votent la loi dans les matières concernant:

 ….

  1. c) le régime des associations et des organisations assimilées … » (Art 115) ;

« La loi détermine les règles relatives :

….

au régime des associations, des partis politiques et au statut de l’opposition… » (Art 118).

Il y a lieu de révoquer une compétence ici. Soit, consacrer la matière à la compétence exclusive de l’Assemblée nationale ou en faire clairement une compétence partagée.

Des rapports entre le pouvoir exécutif et législatif…

L’avant-projet de Constitution instaure un véritable déséquilibre entre les pouvoirs exécutif et législatif dans leur collaboration. Les rédacteurs tranchent dans plusieurs matières en faveur du premier. Il s’agit notamment de :

  • La motion de censure: un moyen d’action qui permet à l’Assemblée nationale de sanctionner le Gouvernement. Malheureusement, il ne peut être voté que si les ¾ des députés y sont favorables. Ce qui est nettement une quadrature du cercle. Car c’est une majorité plus difficile à trouver que pour déclarer la guerre. Ailleurs, comme par exemple en France, il suffit juste de la majorité absolue des députés. Soit 50% plus 1 député. Concrètement, pour une assemblée de 100 députés, en France, par exemple, il suffira de 51 députés pour voter la motion de censure alors que dans l’Avant-projet, il faudrait un minimum de 75 députés.
  • Dissolution de l’Assemblée nationale : le texte propose la dissolution de l’Assemblée nationale comme un moyen de pression dont dispose l’exécutif sur elle. Il suffira par exemple de l’échec d’une motion de censure pour que soit envisagée la dissolution de l’Assemblée nationale. Mais, même l’action conjuguée de deux assemblées ne suffisent pas pour obtenir la révocation du Gouvernement. Celui-ci ayant d’abord le choix de renoncer à sa position avant que sa démission ne soit envisageable. Il aurait été plus juste pour un meilleur équilibre des pouvoirs que lorsque la seconde assemblée a adopté la même position que la précédente, que le Gouvernement démissionne.

Heureusement, le régime juridique défini en la matière, en termes de l’âge de la mandature de la représentation nationale, l’arbitrage de la Cour constitutionnelle, la rébellion possible du Gouvernement se refusant de se soumettre à la décision de la Cour et autre, en fait quasiment une cinquième roue du carrosse.

De la saisine par voie d’action du citoyen de la Cour constitutionnelle…

En voulant démocratiser davantage la saisine de la Cour constitutionnelle en matière de contrôle de constitutionnalité des lois, l’avant-projet a instauré les voies d’action et d’exception.

Cette évolution dans la saisine du juge constitutionnel en matière de contrôle de constitutionnalité comporte de sérieux risques de dysfonctionnement pour l’institution. Cet élargissement peut provoquer une hypertrophie de saisine du juge même sans matière consistante. Car, sous peine de déni de justice, chaque fois que celui-ci est saisi, il a l’obligation de statuer. Le contrôle par voie d’exception garantissait déjà un contrôle de conformité à la Constitution du travail législatif par le citoyen.

Mais, pour l’ouverture démocratique escomptée, le processus aurait pu se limiter, en plus des sources classiques énumérées, à des associations légalement constituées, à une pétition citoyenne.

Ainsi, il faut alors en conclure que le jeu n’en vaut vraiment pas la chandelle.

De la durée du mandat de juge constitutionnel…

Sur le fondement de l’article 146 alinéa 2, la durée du mandat de juge constitutionnel est de neuf (9) ans non renouvelable. C’est un in statu quo ante, le maintien de la situation existante.

Or, la Cour constitutionnelle est la gardienne de la Constitution. Les matières qu’elle connait sont parmi les différends les plus sensibles de la République. La limitation dans le temps de la durée de l’exercice du juge y siégeant rétrécit sérieusement les marges de manœuvre de celui-ci, par rapport à l’indépendance dont il doit faire montre vis-à-vis des autres acteurs de l’Etat, notamment de l’exécutif.

L’évolution attendue était la désignation ad vitam aeternam sinon à vie du juge constitutionnel. Avant la réforme et après, la situation du juge constitutionnel est un peu comme, bonnet blanc et blanc bonnet.

De la durée du mandat de la Cour spéciale de Justice de la République et de la procédure devant elle…

Les rédacteurs ont aligné la durée du mandat de la Cour Spéciale de Justice de la République sur la durée de la législature. (Art 167). Or, le parlement est composé de deux (2) chambres, l’Assemblée nationale dont la durée du mandat est de cinq (5) ans et le Sénat six (6) ans. Il y a donc une confusion réelle. La durée du mandat de la Cour est-elle alignée sur celle de l’Assemblée nationale ou du Sénat ? Il y a un effort de clarification à faire.

Aussi, en lieu et place d’un recours en révision offert aux justiciables devant elle, il aurait convenu que le recours contre les arrêts de la juridiction soit connu du juge constitutionnel, gardien de la Constitution, elle-même définissant l’étendue et les limites des prérogatives des justiciables de la Cour, ainsi que certaines des matières incriminées, en l’occurrence, la haute trahison.

De la confusion dans l’organisation territoriale…  

L’article 187 de l’avant-projet, en ses alinéas 3 et 4, dispose que :

« Les circonscriptions territoriales sont les régions, les préfectures et les sous-préfectures.

Les collectivités décentralisées sont les provinces et les communes ».

Il y résulte qu’un nouveau type de territoire émerge, les provinces. Sauf qu’il n’est pas défini. En France, par exemple, avant d’être suranné, le concept a longtemps désigné les territoires autres que Paris ou la région parisienne. Au Canada, les provinces désignent à peu près un Etat fédéré avec ses pouvoirs propres (exécutif, législatif…).

Cette innovation conceptuelle des rédacteurs peut comporter des difficultés d’organisation territoriale. Ainsi la question qui demeure, la province correspond territorialement à quoi si ce n’est pas une région, une préfecture, une sous-préfecture, une commune ?

Du régime de la révision de la Constitution…

En régissant la modification du texte, les rédacteurs ont retenu en plus de l’option référendaire, la possibilité de la faire indirectement, notamment par l’entremise du parlement. En clair, la révision peut être opérée si le Président de la République a décidé de la soumettre au seul parlement. Il n’y a que l’intervention d’une pétition citoyenne très prolifique pour faire barrage à cette manche courte de la modification constitutionnelle.

Du reste, les restrictions liées à la révision constitutionnelle, notamment l’apparition des matières dites des intangibilités constitutionnelles, la ‘’période de sureté’’ de trente ans du texte constitutionnel à venir relève du débat classique. A savoir, le pouvoir constituant d’un jour peut-il restreindre celui d’un autre jour ? La doctrine constitutionnelle en tout cas diverge sur la question.

De la messe de Requiem pour des institutions…

L’avant-projet consacre une messe de requiem pour nombre d’institutions classiques. Le Conseil économique, social, environnemental et culturel, le médiateur de la République, le Haut conseil des collectivités locales sont passés pour n’être que des vieux souvenirs institutionnels dans notre République. Elles n’ont pas eu la même grâce que leurs consœurs : la Haute Cour de Justice, l’Institution nationale indépendante des droits humains, la Haute Autorité de la Communication et la Commission électorale nationale indépendante qui ont été préservé grâce à leur mu.

Dans tous les cas, la démocratie est le régime, par excellence, des institutions. Elles participent, dans un meilleur contexte, à l’amélioration de l’exercice du pouvoir d’Etat et au développement du pays. Toute institution peut être alors moins inutile, si tant est qu’elle joue le rôle qui lui est dévolu dans la République dans les limites de ses marges de manœuvre.

Le revers de la médaille est que le fonctionnement des institutions grève les dépenses de l’Etat. Cette mort programmée de plusieurs institutions amenuise aussi ce qu’on pourrait appeler à raison l’inflationnisme institutionnel. Il serait utile de faire les comptes des défuntes institutions, distinguer les actifs et les passifs pour conclure si le projet visant leur extinction est opportun ou non.

Globalement, il ressort de l’analyse de l’avant-projet de la nouvelle Constitution  que les rédacteurs ont fait montre d’une grande volonté de réforme. La légistique loquace et quelques innovations apparues procédaient clairement d’un besoin d’exorciser nos vieux démons constitutionnels, à savoir : la Constitution taillée sur mesure, les instabilités et autres violations constitutionnelles.

Sauf que pour la sécurité constitutionnelle, il faudrait faire davantage que de la littérature juridique et les autres mécanismes de sécurité institués. La stabilité constitutionnelle dépend toujours du niveau de conscience citoyenne des dirigeants et des peuples. Chaque peuple demeure en réalité le véritable gardien de sa Constitution. Les peuples de nations qui passent pour des exemples réussis de démocratie nous en donnent l’illustration.

Mais, le problème pour les rédacteurs de l’avant-projet est qu’en voulant écrire la meilleure Constitution ont poussé le bouchon trop loin. Qui trop embrasse mal étreint, dirait la maxime. Le régime annoncé est alors impraticable ou du moins sous nos cieux. Les institutions et interactions prévues entre les acteurs constitutionnels sont contradictoires et conflictogènes. Le meilleur régime est le plus simple à pratiquer ou qui correspondrait au mieux à la culture politique et sociale de l’Etat.

En France, il fut en son temps, la 4ème République. Elle fut marquée par une grande instabilité politique et une paralysie institutionnelle. En 12 ans, elle connut 24 gouvernements successifs. Le Constituant de la 4ème République rêvait de construire le meilleur régime qui soit pour la France. Sauf qu’il s’est mépris !

Il est temps de tirer les leçons des histoires constitutionnelles d’ici et d’ailleurs. Mais, une chose est sure, c’est à l’aune du niveau de culture institutionnelle et des us qu’il faille élaborer les dispositifs constitutionnels. Le débat qui est ouvert normalement doit servir à prendre en compte ces dimensions pour faire évoluer le texte. Et, il ne faut pas alors jouer à la politique de l’Autruche en continuer à avancer la tête dans le sable. C’est le meilleur gage de la Constitution « qui nous ressemble et nous rassemble ». C’est le pari ultime que devra gagner ceux qui sont aux manettes de cet exercice, pour être du bon côté de l’histoire et au rendez-vous du peuple de Guinée.

Bangaly KEITA

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