Fête du 14 juillet: « Nous n’avons aucune leçon à donner ni de conseil. La France en Guinée n’est pas chez elle » (Luc Briard)

il y a 21 heures 114
PLACEZ VOS PRODUITS ICI

CONTACTEZ [email protected]

Dans le même discours, Luc Briard a mis en exergue les réalisations et les projets de coopération entre la France et la Guinée ainsi que les nouvelles orientations et les priorités dans sa coopération avec le régime de Conakry.

Chers tous, en vos grades, rangs et qualités, tout protocole observé.

Nous vous souhaitons, avec ma femme Solène, la bienvenue pour ce jour particulier de la fête nationale française. Je commence par la remercier elle qui travaille toute la journée dans mon équipe notamment sur la diplomatie féministe, d’avoir su prendre la charge mentale de la parentalité pour me laisser affronter cette 1ère année dense.

C’est un moment d’émotion pour moi, puisque c’est la première fois que je vais prononcer un discours à cette occasion. Le lendemain de mon arrivée, Monsieur le ministre, vous me disiez que le métier le plus difficile à Conakry était celui d’ambassadeur de France. On y est ce soir, je sais ce discours attendu. Je veux en profiter pour vous convaincre que la France est un partenaire privilégié de la Guinée, non pas parce que nous avons une histoire commune, mais parce que nous avons un avenir à partager.

Cet avenir de la relation, il est fondé sur trois piliers.
• Le plein respect de la souveraineté de l’État hôte,
• Notre engagement indéfectible dans la défense du droit international,
• La volonté chevillée au corps de coconstruire des solutions avec nos partenaires institutionnels et ceux de la société civile pour répondre aux besoins et aux défis globaux.

Je veux commencer par remercier nos mécènes, très nombreux, derrière moi. J’y vois une marque de confiance et vous pouvez compter sur l’équipe France.

Ce sont bien plus que des mécènes. Ce sont des acteurs de nos souverainetés économiques, qu’ils soient accompagnés par nos outils, de BPI France, de la DG Trésor, du groupe AFD et Proparco, ou qu’ils aient la capacité en propre d’investir ici en Guinée, parce qu’ils ont confiance dans la Guinée. Comme les autorités en ont en notre savoir-faire en signant des prêts avec nos institutions.

Ce sont des acteurs de la relation, parce qu’ils créent au quotidien des co-entreprises. Ils co-industrialisent le pays. Ils sont aussi des défenseurs de nos principes économiques, participation à la fiscalité, RSE robuste, accompagnement de la formation professionnelle.

Ce sont des acteurs de la souveraineté économique dans plusieurs domaines.

- La souveraineté alimentaire, notamment dans la question de la chaîne logistique, qui passera pour l’agriculture par le désenclavement rural. C’est le projet de co-industrialisation entre Matière et IC Transport pour les ponts métalliques. C’est aussi celui, dans la filière avicole, entre Sonoco et NTD, financé, ces deux projets, par BPI. C’est aussi le secteur privé, avec ses fonds propres, comme le groupe Castel-Sobragui, avec son projet de deuxième usine, qui ouvrira en avril 2026 à Sanoya.

- la souveraineté industrielle, avec ce projet d’usine de transformation de la bauxite en alumine par Alteo/UMS à Boke, pour répondre non seulement à votre souveraineté industrielle, en respectant les obligations des industries minières, mais aussi à la nôtre, puisque UMS a racheté le site Altéo à Gardanne et dans la Tarentaise. En Guinée, une grande partie de l’approvisionnement mondial des minerais et des produits de transformation. C’est clairement une carte que vous avez su exploiter, vous membre du CNRD.

- Souveraineté sanitaire, avec le fait que, grâce aux hôpitaux régionaux construits par Eiffage avec l’appui de l’APHP, les évacuations sanitaires seront moins nombreuses, puisque les Guinéens et les Guinéennes seront soignés ici.

- Souveraineté régalienne, puisqu’une partie des redevances de l’espace aérien vous seront reversées grâce à l’exploitation du radar civilo-militaire de Thalès.

- Souveraineté des imaginaires, avec le projet de Thomson Broadcast, de télévision numérique terrestre, qui permettra de diffuser des contenus locaux, produits ici par des artistes, des journalistes, des créateurs de contenus. Et évidemment, Canal+, et de ses chaines en langue nationale, celle d’Orange, avec sa plateforme de contenus.

Les groupes français sont prêts, à venir/rester/investir en Guinée.

La Guinée n’a plus besoin de l’aide publique au développement. Elle a besoin d’investissements solidaires et durables. Je salue :

- l’action de l’AFD, dont je remercie la très dynamique directrice Jeanne qui nous quitte : aussi bien dans l’agriculture que dans l’énergie, mais aussi dans le capital humain, pilier de Simandou 2040, à travers son appui au PRODEG.

- les projets du service de coopération d’action culturelle, chère Solène, avec sa dimension aussi bien universitaire que son appui à l’entrepreneuriat des créateurs. Et ça rejoint vos priorités en matière d’industrie créative et culturelle. Et évidemment, je salue le travail du CCFG et de ses deux co-directrices. C’est notre temple culturel commun.

Cette articulation entre les investissements et les investissements solidaires et durables, il y a un domaine où il est le plus fort, c’est la santé. Je suis très fier de notre appui à la recherche guinéenne. Je salue les deux immenses chercheurs guinéens, le Dr Keïta et le Dr Touré que viennent de remporter le prix de la Fondation Mérieux, mais également l’élimination de la maladie du sommeil. En novembre, nous aurons la chance d’inaugurer le laboratoire biologique de l’Institut Pasteur Guinée. Je me réjouis de l’assistance technique multisectorielle mais importante en santé d’Expertise France, cher Nicolas. Cela me donne aussi l’occasion de remercier, puisqu’ils nous quittent, notre conseiller régional santé, Pierre-Alain Rubbo et notre experte Sandrine qui est restée 9 ans.

Parce que oui, le travail d’une ambassade, c’est un travail collectif avec, dans le souci, de co-construire, avec vous tous, des solutions pour une seule cible prioritaire pour les autorités guinéennes, comme pour nous,

2/ la jeunesse. La vôtre, évidemment, puisque le capital humain est au cœur de votre stratégie. Et ce soir, j’ai voulu mettre en avant trois exemples pour montrer comment on peut célébrer cette jeunesse innovante en Guinée, dans trois domaines agriculture, Tech et économie sociale et solidaire.

- C’est le projet CEDA, centre d’incubation agricole, le projet de jardin biologique pour notre Résidence afin de l’approvisionner avec des filières courtes. Merci, cher Amadou Bah, de porter ce travail extraordinaire à Sonfonia de retour à la terre en formant les jeunes à l’agriculture.

Il y a les huit jeunes du Orange Digital Center qui, dans la tech, fabriquent les solutions de demain avec la volonté de faire ensemble, de construire ensemble des solutions. C’est absolument remarquable, comme vous pourrez le tester vous-mêmes dans leur espace dédié. Merci, cher Mohamed Lamine Keïta.

- Et les cocardes que vous arborez, elles viennent de l’Atelier Solidaire, merci cher Mohamed Doumbouya qui est cette entreprise d’économie sociale et solidaire qui est un des moteurs très importants de l’économie guinéenne.

C’est votre jeunesse mais c’est aussi la nôtre avec tous ces jeunes volontaires qui viennent de tous les horizons en France, qu’ils soient volontaires internationaux en administration, en entreprise ou de solidarité internationale (à Boffa, Labé, Kankan, Kindia, Forecariah, Conakry).

Car ce qui fait la force de notre relation, mesdames et messieurs membres du gouvernement, c’est nos histoires mêlées par l’Histoire qui sont le meilleur moteur de notre projection vers l’avenir.

- C’est évidemment les alumnis de nos universités comme de nos grandes écoles, notamment l’ENA. Et je voudrais remercier ici le travail exemplaire d’Alumni Guinée que porte Djiba Diallo et l’Institut français de Guinée.

- Ce sont aussi nos diasporas et vous êtes nombreux ce soir : membres des cabinets, entrepreneurs, acteurs de la société civile, rapatriés vous qui avaient fait le choix du retour, après une, deux ou trois générations passées en France.

Parce qu’en effet, 7 millions de Français ont une ascendance africaine. Beaucoup de Français vivent en Afrique. Et, chers compatriotes, chers alumnis, vous êtes les ponts, les passerelles entre nos deux espaces. Cette résidence est votre maison. Et nous nous réjouissons de notre disposition de facilitation de visas pour les alumnis de niveau master ou doctorat. Merci au consulat.

C’est important parce que nous, France, avons les Suds en nous. Par l’histoire, mais aussi par la géographie, à Mayotte, aux Antilles, en Nouvelle-Calédonie, nous sommes le Sud. Et donc, ce n’est pas l’Occident contre le Sud. C’est une jeunesse hybride qui veut sauver la planète, notre bien commun.

3/ C’est le troisième aspect. Ce monde qui vient et que nous vous léguons, il faudra le laisser en paix. La France est puissamment attachée au droit international comme garant de la stabilité. Nous félicitons de l’engagement des autorités guinéennes, M. le ministre, dans l’architecture internationale de paix à travers les organisations de maintien de la paix. Très important, dans ce temps de multilatéralisme fragilisé, de défendre des solutions collectives de sécurité.

Cet attachement au droit, il fait partie de nos principes hérités de l’histoire.

- Le 14 juillet 1789, la France s’émancipait de l’arbitraire royal. C’était, c’est l’aspiration à la liberté et à l’égalité en droit !
- Le 14 juillet 1790, elle faisait le choix du vivre ensemble. La nation, comme référendum du quotidien, disait Ernest Renan. C’était, c’est la fraternité !

Nous n’avons pas toujours été à la hauteur de ces principes. Il y a 140 ans, à Berlin, la conférence sur le partage inique et violent de l’Afrique par les puissances européennes le rappelle. Mais parce que nous connaissons notre histoire, nous savons désormais que l’Union fait la force. Et je tiens à remercier Jolita, notre ambassadeur de l’Union européenne et tous mes collègues des États membres, la Belgique, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, parce qu’aujourd’hui, l’Union européenne et ses États membres, c’est un espace de droits.

Nous sommes allés deux fois sur le terrain ensemble pour des immersions diplomatiques, un peu à l’image de ce que vous avez fait, pour aller voir si nos réponses du terrain étaient les bonnes solutions.

Nous n’avons aucune leçon à donner ni de conseil. La France en Guinée n’est pas chez elle. Elle n’est ni actrice ni commentatrice de la scène politique locale. Nous sommes confiants sur le retour à l’ordre constitutionnel, désormais avec ce texte qui sera proposé au suffrage en septembre.

Nous ne renonçons à rien de nos principes. La France parle à tout le monde,
• Aux autorités, je viens de le dire,
• À l’opposition, y compris en exil,
• À la société civile, qui compte sur nous pour faire passer des messages dans le silence des portes closes.

Ce que nous savons, nous Français, c’est que dans les 3000 pages de notre histoire, nous avons toujours su écouter les paroles critiques qui aujourd’hui complètent le panthéon de nos auteurs socles, sans lesquels il manquerait quelque chose à la France :
-  Quand l’esclavage était une pratique courante, Condorcet s’est élevé reprenant le flambeau de Montaigne.
-  Quand les zoos humains de l’exposition coloniale de 1931 abaissaient violemment notre seuil moral, les surréalistes organisaient une contre-exposition.

Nous avons besoin de toutes les voix pour faire société, pour faire nation ensemble !

La France n’est pas au-dessus dans un universalisme de surplomb. Nous ne sommes pas non plus en dessous dans une sorte de déversoir où conflueraient toutes les rancœurs et les amertumes. Monsieur le ministre, la France souhaite être ce partenaire privilégié pour l’avenir en étant dans une relation symétrique, réciproque ; à côté, à vos côtés, aux côtés de nos jeunesses qui veulent fabriquer leurs propres récits et que nous avons soif d’entendre.

Vive l’amitié franco-guinéenne !
Vive la République !
Vive la France !

Lire l'article en entier