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La récente sortie médiatique du Premier ministre Bah Oury, marquée par une mise en garde aux Forces Vives de Guinée à la veille des manifestations annoncées pour le 5 septembre, ainsi que par ses propos sur la rareté des liquidités dans les banques, continue de faire réagir la classe politique. Dans un entretien avec Guinee360, Edouard Zoutomou Kpoghomou, président de l’UDRP et vice-président de l’ANAD, accuse le chef du gouvernement de vouloir restreindre le droit de manifester. Il dénonce aussi l’absence de véritable dialogue politique et alerte sur une crise économique profonde, nourrie selon lui par une perte de confiance généralisée envers les banques.
Guinee360 : Comment réagissez-vous à la mise en garde du Premier ministre selon laquelle la loi sera appliquée en cas de manifestation ? Est-ce, selon vous, une menace ou une garantie de la liberté de manifester ?
Édouard Zoutomou : Je pense que le Premier ministre est en train de proférer des menaces, à peine voilées. Pourtant, son patron, le général Doumbouya, avait annoncé que les partis politiques étaient autorisés à reprendre leurs activités. Or, les manifestations font partie des activités politiques.
Le tort, en Guinée, c’est de toujours supposer que ce sont les manifestants qui créent les problèmes, alors qu’on n’a jamais trouvé d’armes entre leurs mains. Au contraire, ce sont eux qui subissent les balles issues des armes militaires. Le Premier ministre devrait prendre du recul et comprendre que la responsabilité de sécuriser les manifestations incombe à la fois au gouvernement et aux organisateurs. Refuser cela, c’est une fuite en avant et même une fuite de responsabilité.
Le gouvernement, selon vous, fait-il assez d’efforts pour engager un dialogue sincère avec l’opposition ?
Pas du tout. Nous avons toujours dénoncé un faux dialogue. Un vrai cadre de dialogue doit être inclusif et participatif. On ne vient pas avec des idées arrêtées pour les imposer aux autres. Le problème en Guinée, c’est que le dialogue est une mascarade : on convoque les acteurs, on leur lit un texte, chacun rentre chez soi, et les avis contraires sont rejetés. Ce n’est pas du dialogue sincère. Dans une transition, la solution doit être consensuelle. Or, le gouvernement n’a pas montré la volonté de créer un véritable cadre de concertation.
Partagez-vous l’avis du Premier ministre selon lequel les Guinéens souhaitent la stabilité plutôt que des manifestations régulières ?
C’est surprenant que cela vienne de Bah Oury. Hier encore, il était en première ligne pour réclamer la démocratie face au capitaine Dadis. Aujourd’hui, il dit que les gens ne doivent pas manifester. C’est une contradiction flagrante. Le droit de manifester est un droit inaliénable. Mais il doit s’accompagner d’un partage de responsabilité dans la sécurisation des événements. Regardez en Côte d’Ivoire : des millions de personnes ont manifesté sans heurts, parce que les autorités avaient pris leurs responsabilités. Ici, au contraire, on cherche à interdire l’expression populaire, comme si l’on imposait une dictature.
Craignez-vous une répression des prochaines manifestations, sous prétexte d’appliquer la loi?
Une manifestation pacifique ne devrait poser aucun problème. Mais si, même pacifique, elle est interdite, alors nous sommes face à une dérive démocratique. Cela signifie que le gouvernement veut instrumentaliser les forces de défense et de sécurité contre les citoyens. Les Forces vives ont déjà annoncé des manifestations pacifiques. Nous voulons que le gouvernement joue son rôle d’accompagnement, afin que ce droit fondamental soit respecté.
Un mot sur le manque de liquidité dans les banques. Quel regard portez-vous sur cette situation ?
Le manque de liquidité est avant tout un problème de confiance. Les relations entre une banque et ses clients sont basées sur la confiance. Or, aujourd’hui, les gens n’ont plus confiance et retirent leur argent. Quand un grand commerçant dépose des fonds et qu’on lui dit qu’il ne peut pas les retirer, cela crée un climat de révolte. Le gouvernement a manqué de rigueur dans la gestion des priorités. Au lieu de canaliser les fonds vers les secteurs productifs, on les distribue à des fins politiques. Résultat : les caisses sont vides et la population subit.
Bah Oury appelle à réduire l’usage du cash grâce à la digitalisation, tandis que Karamo Kaba annonce l’arrivée de nouveaux billets. Que vous inspiré ce désaccord ?
Cela prouve un manque de stratégie. Dire qu’il faut limiter le cash est une chose, mais si la confiance n’existe pas, ni le cash ni la digitalisation ne régleront le problème. La vraie solution est structurelle : il faut rétablir la discipline budgétaire, restaurer la confiance entre les banques et les clients, et éviter de recourir systématiquement à la planche à billets. Sinon, nous risquons une inflation incontrôlable, comme au Zimbabwe.
Entre la planche à billets défendue par la Banque centrale et la réforme structurelle prônée par le gouvernement, quelle est la voie durable ?
La réforme structurelle est la meilleure voie, mais elle exige rigueur et discipline. La planche à billets n’est qu’un palliatif qui accentue l’inflation. Si on ne met pas en place une gestion transparente et responsable, nous reviendrons toujours à la case départ.
L’article Édouard Zoutomou : ” Bah Oury est en train de proférer des menaces à peine voilées” est apparu en premier sur Guinee360 - Actualité en Guinée, Politique, Économie, Sport.