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« Même s’ils veulent que je passe la nuit en prison, j’y passerai, la tête haute. Ceux qui veulent m’humilier, ont humilié la France. Je suis innocent »
Voici, en substance, ce qu’a dit l’ancien Président français après sa condamnation.
Cette condamnation qui est une première en France, fait couler beaucoup d’encre et de salives. Elle soulève en outre des interrogations savoir:
1- Pourquoi les faits d’enrichissement illicite, de corruption passive et les autres infractions n’ont pas été retenues contre lui

2- Pourquoi le Tribunal a ordonné l’exécution provisoire de son jugement et décerné simultanément un mandat de dépôt contre un prévenu qui a régulièrement comparu, qui bénéficie toujours de la présomption d’innocence en raison de son droit d’appel qui présente toutes les garanties de représentation 

3- Quelle immunité pour les Présidents français

4- Quelle est la portée de la communication de l’ancien Président à sa sortie d’audience

5- En fin, quelles marges de manœuvre pour les avocats de l’ancien Président pour lui éviter la prison

● Contexte :
L »ex Guide libyen, Mouammar Kadhafi, affirmait, en mars 2011, avoir remis à l’ancien président français la bagatelle de 50 millions d’euros lui ayant permis de remporter l’élection présidentielle de 2007.
Ces faits remontent à 2005, alors Ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy se rendait en Libye pour dit-on nouer des partenariats avec le Colonel Mouammar Kadhafi. Mais le vrai mobile était de demander à ce dernier de l’aider à financer sa campagne en prélude aux élections présidentielles de 2007.
En contrepartie de ce financement, plusieurs avantages pour le guide libyen: redorer son image sur la scène internationale après des années d’embargo; signature de contrats juteux en faveur de la Libye et absoudre ou gracier le chef du service des renseignements libyen, beau-frère de Kadafi, Abdallah Senoussi, condamné à la perpétuité par contumace par la justice française dans l’attaque terroriste de l’avion DC-10 qui avait à son bord 170 passagers dont 142 français en 1989.
En 2010, une preuve du financement de 50.000.000 d’euros est mise sur la place publique à travers Mediapart.
Poursuivi depuis 10 ans avec plusieurs personnalités françaises par le parquet national financier pour enrichissement illicite, association de malfaiteurs, corruption passive, recèle et autres infractions au code électoral, l’ancien Président français est reconnu coupable d’association de malfaiteurs et condamné ce 25 septembre 2025 à 5 ans de prison ferme avec mandat de dépôt décerné à l’audience.
● Les subtilités du droit et de la procédure pénale:
Dans les 4 mois avenir, si rien n’est fait, il passera sa première nuit en prison.
1- En réponse à première question, le fait que les infractions d’enrichissement illicite et de corruption n’ont pas été retenus contre lui est dû premièrement à la mort du guide libyen en 2011 suite à une coalition internationale dirigée par la France sous la présidence de Nicolas Sarkozy qui n’a jamais fait l’objet de poursuite pour ces faits. En d’autres termes, Nicolas Sarkozy a détruit la preuve de sa culpabilité.
Deuxièmement, par l’absence de preuve due à la mort de deux co-auteurs proches de Sarkozy qui auraient transporté les fonds incriminés de Libye en France.
Troisièmement, le faisceau d’indices concordants notamment le coffre-fort long de plus de deux mètres de long et les fonds trouvés avec Sarkozy n’étaient pas suffisants pour motiver sa condamnation pour ces faits.
2- Pourquoi ordonner simultanément l’exécution provisoire et décerner mandat de dépôt ?
En ordonnant l’exécution provisoire de sa décision et en décernant simultanément un mandat de dépôt contre un prévenu qui a régulièrement comparu tout le long du procès, qui présente toutes les garanties de représentation, alors même qu’il bénéficie toujours de la présomption d’innocence, cette décision laisse entrevoir une motivation inavouée: incarcérer à tout prix l’ancien Président. Cette décision met en plus du bâton dans roues de l’ancien Président notamment en cas de saisine du Premier Président de la cour d’appel pour arrêter cette exécution provisoire, le mandat de dépôt va continuer à produire ses effets.
3- De l’immunité des Présidents français : contrairement à notre pays, en France, l’immunité présidentielle n’est admise par la constitution que pour protèger la fonction présidentielle et non le Président:
Le Président n’est ni pénalement, ni civilement responsable sauf pour des actes détachables de la fonction présidentielle tels que les dettes particulières contractées par lui qui n’ont rien à voir avec la fonction présidentielle.
En Guinée, la nouvelle constitution offre une immunité totale au Président de la République. Il peut faire ce que bon lui semble même pour des actes détachables de sa fonction. En tout cas c’est ce que je pense de l’article 74 al2 de la dite: 《les anciens Présidents jouissent d’une immunité civile et pénale pour les actes accomplis dans l’exercice « régulier » de leur fonction 》.
4- La portée de la communication de l’ancien Président à sa sortie d’audience : Après sa condamnation, devant les médias, il déclarait en substance : 《 s’ils veulent que je passe la nuit en prison, j’y passerai, avec la tête haute. Je suis innocent. Je ferai appel….》.
Pour répondre aux questions posées ci-haut,
Il faut au prime à bord rappeler que Me Nicolas Sarkozy est un avocat avant d’être homme politique.
En disant avoir la tête haute s’il passait la nuit en prison, Nicolas Sarkozy voulait tout simplement clamer une fois de plus son innocence, car pour lui, il est condamné pour des faits qui ne font pas l’objet de la poursuite. Pour rappel, les régimes de Mouammar Kadhafi et Laurent Gbagbo sont tombés sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il est donc persuadé de sa chance de succès en appel. À travers cette communication, Nicolas Sarkozy réussit à s’attirer la sympathie de l’opinion. Il se transforme en victime. Le but est d’éviter son incarcération et obtenir l’infirmation de la décision en appel.
Pour rappel, l’infraction d’association de malfaiteurs est une infraction de commission. Elle suppose la participation à un groupement ou une entente formés en vue de la préparation d’un ou plusieurs crimes ou délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement, pourvu que cette préparation soit concrétisée par des faits matériels.
Partant de cette définition de l’infraction retenue, les faits remontant à 2005, par quels actes matériels la prétendue association a troublé l’ordre public français dès lors que la corruption n’a pas été prouvée ? Il faudra avoir la décision pour connaître le raisonnement du juge.
5- les différents fronts pour ses avocats :
Sans maîtriser le code de procédure pénale français qui semble être le « copier-coller » de celui de la Guinée, je me permets tout de même de donner mon avis quant aux possibilités qui s’offrent désormais aux avocats de l’ancien Président et les obstacles procéduraux susceptibles de se dresser sur leur chemin:
Il faudra tout d’abord relever qu’en procédure pénale, l’appel est possible contre toutes les décisions d’un tribunal de première instance. Cet appel serait suspensif si le juge n’avait pas ordonné l’exécution provisoire de sa décision. Premier obstacle. Le tribunal a décerné un mandat de dépôt contre le prévenu. Dans ce cas le mandat d’arrêt continue à produire ses effets nonobstant l’appel. C’est à dire, le prévenu est conduit à la maison d’arrêt malgré son appel. Mais, le législateur trouve une exception: le tribunal sur opposition ou la cour, sur appel, par décision spéciale et motivée peut ordonner main levée du mandat.
À travers cette disposition, puisqu’en raison de la qualité du prévenu, il n’a pas été directement conduit en prison, les avocats pourraient saisir la cour d’appel pour demander mainlevée du mandat avant le délai de 4 mois. Il peuvent également faire accélérer la procédure d’appel pour faire la même demande à la cour en attendant l’audience du fond au cours de laquelle ils pourraient obtenir sa relaxe.
Sous le contrôle des grands pénalistes notamment français.
Me David Béavogui
Avocat au Barreau de Guinée
L’article Condamnation de Nicolas Sarkozy : « quelle immunité juridictionnelle pour les Présidents français ? » (Me David Béavogui est apparu en premier sur Mediaguinee.com.