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Huit mois après avoir été enlevé dans la nuit du 19 février 2025 par des hommes lourdement armés, Abdoul Sacko, Coordinateur national du Forum des Forces Sociales de Guinée FFS, sort enfin du silence. Dans une déclaration poignante, il remercie ceux qui se sont mobilisés pour sa libération et dénonce les dérives autoritaires du régime actuel. Refusant de céder à la peur, Abdoul Sacko alerte sur l’état de la nation : gouvernance de propagande, répression organisée, affaiblissement des institutions et effondrement moral. Ci-dessous l’intégralité de sa déclaration!
Chers compatriotes : Avocats, médias, collaborateurs et organisations de défense des droits de l’homme, médecins, hommes politiques, ordres socio-professionnels à travers le Barreau, ami(e)s, religieux et anonymes. Chers partenaires : Institutions et ONG internationales, médias, diplomates, humanitaires et ami(e)s.
À toutes et à tous, la main sur le cœur, mes sincères remerciements, en mon nom et au nom de ma famille. Merci pour votre mobilisation exemplaire, marquée par la diligence, la précision, l’audace et la constance, face à l’attaque brutale dont nous avons été victimes, ma famille, mes voisins et moi, dans la nuit du 19 février 2025, par des hommes en treillis lourdement armés à bord d’une dizaine de véhicules non immatriculés. Mes opinions et aspirations légitimes pour les droits et libertés sont les seules raisons de ces violences, infligées avec rage et mépris par nos ravisseurs, causant des séquelles physiques et psychologiques profondes. Pour ma famille, le seul “tort”, comme tant d’autres en larmes et dans l’angoisse, est d’avoir un fils, un époux, un père, un frère qui croit en une Guinée de vérité, de justice et de prospérité partagées par la force de la loi. Heureusement, votre solidarité, exprimée dès les premières heures de cette épreuve, a été et demeure, par la grâce de Dieu, un puissant remède.
Grâce à elle, ma vie a été sauvée, ma santé se rétablit progressivement, et mon intégrité physique et morale se reconstitue avec espoir. En conséquence, malgré l’absence d’enquête officielle à ce jour par les services judiciaires et sécuritaires de l’État pour faire la lumière sur ce crime, cette solidarité me permet de reprendre progressivement, et maintenant avec plus de vigueur et de résilience, mon engagement citoyen. Un engagement que je porte depuis ma plus tendre enfance, au service de la patrie, de la démocratie, et donc de l’humanité. Dans cette continuité d’engagement citoyen et en ayant les séquelles de l’injustice, je ne saurais rester sans exprimer ma solidarité et ma compassion envers tous nos compatriotes victimes de disparitions forcées, de kidnappings, d’exils forcés, d’emprisonnements arbitraires ou de menaces pour leurs opinions. Je pense également à toutes celles et tous ceux qui sont touchés ou menacés par des catastrophes (inondations, éboulements,…) à travers le pays, dont le tragique drame de Manéah. Nous saluons les efforts de solidarité en cours et prions pour le repos des innocentes âmes arrachées, le rétablissement des blessés et la résilience pour les pertes matérielles et autres subies. Nous n’oublions pas les autres victimes d’une gouvernance défaillante, dépourvue du sens du devoir et de responsabilité, dont celles du drame de l’incendie inédit du dépôt des Hydrocarbures de Kaloum et des bousculades meurtrières au Stade de N’zérékoré, pour lesquelles jamais le peuple n’a eu droit à un rapport d’enquête par les services étatiques.
En effet, pour tout citoyen guidé par une conscience patriotique et humaine, il est évident que notre pays recule sous une gouvernance de propagande excessive, nourrie par l’ignorance de certains et la cupidité d’autres. Cette dérive engendre douleurs, désespoir, haine et absence de perspectives communes. Pourtant, beaucoup ont rêvé avec les discours d’engagement du coup d’État du 05 septembre 2021.
Malheureusement, aujourd’hui, le constat est amer. Dans notre Guinée du « Travail – Justice – Solidarité » rêvée par nos pères de l’indépendance, le clivage s’entretient contre leur héritage, entre deux catégories de citoyens, sous la teneur de la peur et de la terreur instaurées en mode de gouvernance au compte du CNRD : D’un côté, des Guinéens détenteurs de pouvoirs ou impliqués dans la gestion des affaires, piégés pour bon nombre dans une illusion où ils pensent servir la patrie en s’appuyant sur les discours prononcés aux premières heures du braquage du pouvoir. Exploités par la partie toxique du système, ils deviennent les otages soumis aux manipulateurs, au détriment de l’intérêt général. De l’autre côté, des Guinéens perçus comme des menaces parce qu’ils détiennent des compétences, des informations stratégiques ou un patriotisme actif pouvant freiner l’élan des intérêts cachés. Ceux-là sont opprimés, diabolisés et traqués par une machine de répression physique, économique, morale, politique et institutionnelle. Pour construire cette Guinée du « Travail – Justice – Solidarité » rêvée de 1958 : La justice et les services de défense et de sécurité doivent retrouver leurs vocations républicaines respectives, pour s’affranchir de leur instrumentalisation politiqus, les abus dans la gestion des ressources publiques, la cupidité et la culture de l’immoralité publique doivent être éradiqués, le débat d’idées, le mérite et la responsabilité doivent primer sur l’imposture, le clientélisme et la soumission institutionnelle, les autorités morales, religieuses et traditionnelles, ainsi que le peuple, doivent rappeler aux dirigeants leurs limites éthiques et spirituelles , la musique et l’art doivent résister à la récupération propagandiste et redevenir des vecteurs d’unité et de conscience sociale.
Nos partenaires internationaux doivent rester engagés envers la Guinée, en gardant espoir pour une nation fidèle aux principes démocratiques. À toutes et à tous, Guinéens, partenaires et ami(e)s, je rappelle avec certitude : tout ce qui se construit ou s’acquiert avec cette gouvernance oppressive ou en sa compagnie, se consumera avec le temps, au détriment de son bénéficiaire, de façon inattendue et irréparable.
Chers compatriotes, chers partenaires, face à cette triste réalité, l’objectivité et la sagesse nous obligent à rester mobilisés, avec plus de détermination, pour rompre ce cycle insupportable de larmes, de haine, d’humiliation, de division et de soumission. Restons convaincus que les valeurs démocratiques ne sont pas étrangères à notre histoire. Elles en sont issues, comme le prouve notre accession à l’indépendance nationale. Enfin, retenons que, contrairement à ceux qui prêchent le fatalisme et la résignation, il est tout à fait possible de reconstruire la Guinée rêvée du 28 septembre et du 2 octobre 1958 : une Guinée de liberté, de dignité, de coopération internationale forte et de développement durable.
L’article Abdoul Sacko brise le silence : “Ma seule faute, c’est d’avoir cru en une Guinée de justice” est apparu en premier sur Guinee360 - Actualité en Guinée, Politique, Économie, Sport.