Retrait des permis miniers: des confrontations judiciaires en perspective ? (Par Mohamed Soumah)

il y a 6 heures 33
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Depuis quelques mois, la Guinée connaît une série de décisions administratives majeures portant sur le retrait de permis de concession et d’exploitation minière, émis à l’encontre de plusieurs sociétés nationales et étrangères. Ces décisions, prises dans un contexte de redéfinition de la gouvernance du secteur minier, traduisent une volonté manifeste des autorités de reprendre le contrôle sur les ressources naturelles du pays. Toutefois, elles suscitent de vives réactions et ouvrent la voie à de possibles confrontations judiciaires, tant au niveau national qu’international.

Une démarche légalement encadrée mais juridiquement risquée

En tant que juriste spécialisé en droit minier et environnemental, je reconnais que l’État guinéen agit dans les limites des dispositions prévues par le Code minier guinéen. L’article 152 de ce code précise clairement que « le permis d’exploitation peut être retiré pour inexécution des obligations légales, réglementaires, techniques, financières, sociales ou environnementales ».

Cependant, ce même article souligne le caractère conditionné du retrait : « toute décision de retrait doit être précédée d’une mise en demeure restée sans effet dans un délai imparti ». Cette procédure garantit le droit à la défense du titulaire et assure la légalité de la mesure. Or, dans la pratique, certains retraits récents semblent avoir été décidés dans l’urgence, sans que les détenteurs aient eu l’opportunité d’être entendus, exposant ainsi l’État à des recours pour excès de pouvoir ou rupture abusive de contrat.

Un contexte de transition et de souveraineté revendiquée

Les autorités de la transition ont engagé une vaste opération de relecture des conventions minières. L’objectif annoncé est de mettre fin à l’occupation spéculative des permis, à la non-réalisation des investissements promis, et aux atteintes à l’environnement souvent constatées sur le terrain. Ces mesures, en apparence salutaires, s’inscrivent dans un effort de reprise en main de la souveraineté économique du pays.

En tant que praticien du droit environnemental, j’observe que cette dynamique coïncide également avec une meilleure prise en compte des dispositions relatives à la protection de l’environnement (articles 130 à 137 du Code minier), notamment l’obligation de réaliser des études d’impact environnemental et de respecter les plans de gestion environnementale et sociale.

Des entreprises prêtes à se défendre : vers un contentieux minier ?

Plusieurs entreprises, parfois soutenues par leurs États d’origine ou des fonds d’investissement, préparent activement des recours. Elles s’appuient sur :
– Le principe de stabilité juridique, prévu par les conventions minières ;
– Les garanties d’investissement offertes par le Code minier (articles 20 à 25) ;
– Les mécanismes internationaux d’arbitrage, notamment via la Convention CIRDI, à laquelle la Guinée est partie.

L’affaire BSG Resources reste encore dans les mémoires. Ce précédent a coûté des années de procédures à la Guinée, en plus de lourds frais d’arbitrage et d’un impact sur la réputation du pays en tant que destination d’investissement.

Concilier souveraineté et crédibilité juridique

Le véritable défi aujourd’hui pour la Guinée n’est pas tant de retirer des permis que de garantir une démarche juridiquement irréprochable. Cela suppose :
– Le strict respect des procédures légales (mise en demeure, audition, décision motivée) ;
– La transparence administrative dans la gestion du cadastre minier ;
– Le renforcement des institutions judiciaires pour juger les litiges miniers de manière indépendante.

Il s’agit aussi de restaurer la confiance avec les investisseurs tout en assurant que les ressources du sous-sol profitent réellement aux populations guinéennes.

Conclusion personnelle

En tant que fils de ce pays, juriste formé à la croisée des traditions africaines et des normes internationales, je crois profondément que la Guinée a les moyens de gérer ses ressources avec justice, rigueur et souveraineté. Mais cette ambition ne peut se réaliser que si l’État reste exemplaire dans le respect de la loi, garant des équilibres entre développement économique, justice sociale et préservation de l’environnement.

Nous devons éviter que la Guinée ne devienne un champ de batailles juridiques, là où elle devrait être un modèle de gouvernance minière en Afrique.

Mohamed Soumah (Kolomodou)

Juriste – Masterant en droit minier et environnemental

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