PLACEZ VOS PRODUITS ICI
CONTACTEZ [email protected]

Autrefois, elle faisait battre le cœur du commerce en Afrique de l’Ouest. Guéckédou, ville carrefour située à la lisière de trois nations — la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone — brillait par l’intensité de ses échanges transfrontaliers. Il y a vingt-cinq ans, son marché était le plus vaste et le plus animé de toute la sous-région. Les allées grouillaient de vie, les étals croulaient sous les marchandises venues des confins du continent, et les voix se mêlaient dans un kaléidoscope linguistique où se marchandaient aussi bien les tissus que les espoirs.
Mais l’histoire n’a pas été tendre avec Guéckédou
L’éclatement des rébellions au Liberia, puis en Sierra Leone dans les années 1990, et les incursions rebelles de 2000 dans la région, ont marqué le début d’une période sombre. L’afflux massif de réfugiés a exercé une pression considérable sur les ressources locales, désorganisant les structures sociales et économiques. À cela se sont ajoutées des catastrophes sanitaires majeures : l’épidémie d’Ebola (qui trouva dans cette région l’un de ses épicentres), la fièvre de Marburg, sans oublier la pandémie mondiale de COVID-19. Chaque fois, c’est une ville meurtrie mais debout qui a su faire face, parfois au prix de lourds sacrifices.
L’agriculture, pilier de la subsistance locale et bien au-delà, a souffert des mouvements de population et du manque d’infrastructures. L’élevage, la pêche, la santé publique et l’éducation ont été autant de victimes collatérales. Même le tourisme — autrefois embryonnaire mais prometteur, grâce à la richesse naturelle de la région — s’est éteint dans le silence des drames humains. Le commerce, ce qui faisait battre le cœur de Guéckédou, a connu un coup d’arrêt brutal. Les flux se sont taris, les marchés se sont vidés, les camelots ont remballé leur courage.
Ce serait mal connaître Guéckédou que de la croire résignée
Car cette ville est une leçon de résilience. Malgré les fléaux, elle tient. Les bras encore couverts de cicatrices, mais les mains tendues vers l’avenir, Guéckédou s’emploie à se relever. Et elle ne demande pas la charité, seulement des ponts — au propre comme au figuré.
Parmi les chantiers prioritaires identifiés pour relancer son développement figurent deux ouvrages stratégiques : le pont sur le fleuve Makona, qui relierait la commune urbaine au Liberia via Kiessaneye, et celui de la commune rurale de Nongoa, menant directement en Sierra Leone. Ces deux infrastructures sont bien plus que des structures de béton et d’acier : elles sont des symboles. Symboles d’un retour vers les échanges transfrontaliers, vers une économie fluide et intégrée, vers la place qu’occupait jadis Guéckédou dans la sous-région.
Ces ponts, une fois érigés, seront les veines par lesquelles pourra à nouveau circuler le sang du commerce. Ils permettront aux producteurs locaux de vendre leurs denrées sans entraves, aux commerçants de retrouver leurs partenaires d’antan, aux jeunes de se projeter dans un avenir autre que l’exode ou la précarité. Ils réanimeront le marché central de Guéckédou, aujourd’hui en veille, mais prêt à rugir de nouveau.
Il est donc impératif que les décideurs nationaux et les partenaires techniques et financiers prennent la mesure de cet enjeu. Investir dans Guéckédou, c’est réhabiliter une capitale économique en sommeil. C’est redonner vie à une région clé pour la stabilité et la croissance de toute la Guinée forestière. C’est reconnaître la dignité d’un peuple qui, malgré l’adversité, n’a jamais cessé de croire en des jours meilleurs.
Guéckédou n’a pas dit son dernier mot. Elle a prouvé qu’elle savait survivre. Il est temps, maintenant, de lui donner les moyens de renaître.