Me Galissa Hady Diallo : “Notre différence avec les partis historiques, la NCR n’est pas fataliste…”

il y a 4 heures 21
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Avocat au Barreau de Guinée, Me Galissa Hady Diallo a franchi le pas de l’engagement politique en devenant administrateur général de la Nouvelle Convergence Républicaine (NCR). Dans un entretien accordé à Guinee360, il explique les motivations de ce choix, les ambitions de son mouvement et sa vision pour la Guinée. L’homme de loi revient également sur la nouvelle Constitution, le recensement électoral controversé, ainsi que sur les disparitions forcées et arrestations extrajudiciaires qui marquent l’actualité politique du pays. Lisez!

Guinee360 : La Guinée compte une centaine de partis politiques. Pourquoi avez-vous créé la NCR alors que vous auriez pu rejoindre d’autres?

Me Galissa Hady Diallo : Merci beaucoup pour cette question qui, sans aucun doute, me paraît fondamentale dans la structuration politique de notre pays. Il est souvent arrivé que l’on confonde la nécessité d’agir avec le nombre de partis appelés à compétir. On a souvent confondu la démocratie et le pluralisme.

Quelle est la différence entre ces deux notions?

Ce sont deux choses différentes, bien qu’elles puissent être complémentaires. Nous connaissons, à travers le monde, des pays où le nombre de partis politiques est limité mais qui n’en demeurent pas moins de véritables démocraties. La NCR n’est pas un mouvement politique supplémentaire dans le paysage guinéen. Nous sommes un mouvement de renouveau. Nous sommes un mouvement dont le slogan – qui est bien plus qu’un slogan – est celui d’une Guinée d’exigence. Nous avons récemment élaboré et publié un document détaillé expliquant ce que nous entendons par cette notion d’exigence. Nous avons retracé le parcours de notre pays et mis en évidence ce qui apparaît aujourd’hui non seulement comme une forme de fatalisme, mais aussi comme un renoncement, conséquence de l’abandon de cette exigence. Être responsable politique, c’est intégrer la notion de redevabilité. Et la redevabilité n’est rien d’autre que la reddition de comptes envers ceux qui vous ont confié des responsabilités : les citoyens. Or, dans l’histoire de notre pays, nous avons été très souvent confrontés à des régimes politiques où la redevabilité ne pouvait tout simplement pas être mise en œuvre. Pourquoi ? Parce que l’on ne peut pas demander à quelqu’un, à qui l’on n’a pas confié une responsabilité, de rendre des comptes. La réalité est que, pendant une grande partie – sinon la moitié – de notre histoire, le pouvoir n’a pas été l’émanation directe du peuple. Aujourd’hui, notre ambition est donc de faire revivre cette notion d’exigence, qui trouve ses racines dans la redevabilité : d’abord démocratique, puis structurelle, économique, éducative, et dans toutes ses dimensions liées au développement d’un pays.

Qu’est-ce qui a inspiré la dénomination : Nouvelle Convergence Républicaine?

Pour répondre à votre question, la Nouvelle Convergence Républicaine n’a pas été nommée ainsi par hasard. Nouvelle, parce que nous voulons impulser du renouveau. Mais pourquoi convergence ? Parce que, lorsque vous rencontrez des Guinéens, qu’ils soient ici au pays, ailleurs en Afrique ou dans le monde, si vous en interrogez dix, la moitié – voire plus – vous dira être déconcertée par le contraste entre le potentiel immense de notre pays et la réalité de son développement. Voilà l’équation à laquelle nous sommes confrontés : les potentialités existent, mais nous peinons à trouver la formule pour les transformer en réalités tangibles dans le développement économique. Potentiel humain, ressources naturelles, capital historique : les trois existent. Beaucoup oublient que la Guinée a été à l’avant-garde de la liberté et de la libération du continent africain. C’est un potentiel historique que nous exploitons trop peu. Ainsi, plus d’un Guinéen sur deux vous dira : Je ne comprends pas pourquoi, avec toutes nos potentialités, nous avons encore autant de retard dans le développement.

C’est pourquoi nous voulons faire converger tous ceux qui croient en ce pays : non pas des optimistes naïfs, mais ceux qui pensent qu’il est possible d’inverser la tendance, de transformer les défis et les potentialités en réalisations concrètes. Faire converger les dynamiques, les énergies, les optimistes, et tous ceux qui croient que nous pouvons faire mieux : voilà l’objectif de la NCR. C’est ce qui fait que nous ne sommes pas un mouvement comme un autre, ni un mouvement de plus. Pourquoi républicaine ? Contrairement à ce que certains pourraient croire, ce n’est pas la simple répétition du mot qui fait de nous des républicains. Ce qui fait de nous des républicains, c’est un processus. Ce processus, selon nous, a été biaisé dès le départ : à l’école. L’école est censée former des républicains, c’est-à-dire des citoyens capables de transcender les clivages, de se placer au-dessus de la mêlée, et parfois même de s’effacer pour que l’intérêt général triomphe. Voilà aussi ce qu’est la République. Or, depuis quelque temps, notre système éducatif échoue, non seulement sur le plan académique – avec des faiblesses et des lacunes qui compromettent notre compétitivité au niveau sous-régional, continental et mondial –, mais aussi sur le plan civique. En effet, on observe trop souvent des diplômés qui baignent ensuite dans des considérations subjectives, fallacieuses, et contraires aux principes républicains.

Comment expliquer alors que des personnes passées par l’école puissent un jour prôner le contraire de ces valeurs ?

Être républicain, c’est accepter de s’effacer lorsque les principes républicains sont en jeu. Voilà ce que nous voulons faire émerger : une nouvelle manière de penser et d’agir, qui consiste à faire converger les énergies positives et les volontés optimistes pour construire une Guinée où la République triomphe.

Vous défendez les principes républicains notamment l’unicité de l’Etat d’autres aujourd’hui prônent le contraire, ils soutiennent le fédéralisme. Qu’en pensez-vous?

Le fédéralisme, à titre personnel, j’ai toujours été, ou en tout cas j’ai toujours considéré, le fédéralisme en Guinée comme étant une forme de renoncement. Vous savez, en famille, quand vous avez des problèmes, vous vous regroupez, vous essayez de régler le problème plutôt que de dire que chacun gère son petit truc. Ce n’est pas ça! En Guinée, les gens pensent aujourd’hui qu’en 10 ans, les quatre régions naturelles vont se gérer de façon… Ils vont élire… on va régler le problème. Non! Nous avons les potentialités justement de faire en sorte qu’on triomphe en tant que République unitaire. Pour moi, le fédéralisme ne fera qu’aggraver les clivages, les séparations, ça fera rompre même des digues, ça peut même réveiller des velléités. Donc pour moi, ce n’est pas le fédéralisme qui est un renoncement qu’il faut prôner, il faut prôner l’unité, le travail et la capacité justement de se hisser, de se mettre au-dessus de la mêlée.

Pourquoi les gens prônent le fédéralisme?

Très souvent, quand vous discutez, c’est parce qu’ils vont vous dire que c’est l’ethnie, ceci ou cela. Est-ce que le problème ethnique est un problème de fatalité? C’est un problème qu’on peut régler justement en inculquant les valeurs républicaines, en faisant en sorte que le mérite et l’excellence puissent être récompensés. Cela ne passera pas en disant que chacun aille de son côté avec le peu qu’il a. Aujourd’hui, nous sommes dans un monde où les gens cherchent à s’unir et non à se diviser. (…) Le courage consisterait à dire qu’on est guinéens, on est un, indivisible, et qu’on est capable de trouver des intangibles, dire que ça, on n’y touche pas. Ce sont nos valeurs intangibles. Et puis par la suite, sur le reste, osons le débat! Osons la contradiction! Osons aller chercher les solutions!

Mais en attendant d’arriver à faire comprendre aux Guinéens la nécessité du vivre-ensemble, la question ethnique est toujours prépondérante. Pourquoi, selon vous ?

Je vais vous dire pourquoi, à mon sens, la question ethnique arrive à trouver sa place dans ce pays. C’est parce qu’elle a été enfantée par quelque chose de beaucoup plus grave, que les gens ne veulent pas regarder, mais qui pour moi est beaucoup plus mortifère même que la manipulation éthique.

De quoi s’agit-il?

C’est la médiocrité! La médiocrité a enfanté l’instrumentalisation ethnique. C’est pour cette raison que quand vous n’êtes pas capable de faire le travail qu’on vous demande, forcément vous allez trouver des arguments pour qu’on oublie vos lacunes.

Aujourd’hui, le débat porte sur la diversité ethnique. En avez-vous tenu compte à la NCR?

Nous, on ne va pas faire un changement qui consiste à aller sur les profils et vous donner un argument comme quoi oui, on a tenu compte de tous les équilibres ethniques, ce serait quand même dramatique. Nous, on a des lunettes qui ne voient que les Guinéens. Aujourd’hui, au sein de la Nouvelle convergence républicaine, on est représenté par des sensibilités académiques, professionnelles et de spécialisation dont la Guinée a besoin. C’est ça qui est fondamental. Maintenant, si les gens ont envie d’aller regarder pour voir s’il y a tel nombre de familles ou tel autre, je pense qu’ils seront servis. Mais nous, ce n’est pas ça l’idée qu’on veut véhiculer. Ce n’est pas le plus important. Il y a d’autres profils qui sont autour de la nouvelle convergence républicaine et je pense que viendra bientôt le moment où vous allez les découvrir, les entendre et les interviewer. Je suis ravi à l’idée qu’ils seront à la hauteur des défis qui attendent la Guinée.

Pourtant, le projet de nouvelle constitution impose aux partis politiques de tenir compte de la diversité des régions…

Moi, j’ai été très critique ces dernières années pour une idée qui émergeait, consistant à dire qu’il faut imposer aux partis politiques d’avoir la représentation de toutes les régions au sein de leurs structures. Mais je suis catégoriquement opposé à cela.

Pourquoi ?

Parce que si vous exigez qu’on ait une coloration de noms, alors que les partis politiques doivent être des institutions d’idées… On partage les mêmes idées, la même vision, les mêmes valeurs républicaines, les mêmes préoccupations pour une justice équitable et pour une économie qui puisse renforcer notre souveraineté. (…) Donc, pour moi, il est indispensable de ne pas tant fixer aux partis politiques l’obligation d’avoir des colorations ethniques en leur sein, mais plutôt de vérifier si ce sont des personnes qui partagent les mêmes valeurs. Pour la NCR, il ne s’agit pas tant de savoir si vous portez tel nom de famille ou si vous venez de telle partie de la Guinée, mais de savoir si vous portez la Guinée dans votre cœur, votre esprit et votre raison.

Comment est venue l’idée de créer la NCR ?

Beaucoup ne le savent pas, mais avant la NCR, il y avait ce qu’on appelle Perspectives Guinée. C’était une structure regroupant des Guinéens convaincus, attachés à ce pays et désireux de le voir briller et se développer, qui avaient travaillé sur un certain nombre de sujets : l’éducation, les institutions, la justice, l’économie, et la réforme territoriale fondamentale dans notre pays. Mais auparavant, il existait ce qu’on appelait la CORDDE, un autre mouvement qui s’opposait, ou du moins cherchait à sensibiliser le pouvoir d’Alpha Condé à ne pas s’engager dans l’aventure hasardeuse du troisième mandat. Ce mouvement existait déjà avant 2019, puisque Perspectives Guinée a été créée cette année-là. Cela fait donc bientôt dix ans que nous réfléchissons sur ces questions et que nous faisons des propositions.

Vos propositions ont-elles été prises en compte ?

Un certain nombre de nos propositions ont été prises en compte. Mais vous savez, les propositions restent toujours des propositions. Soit elles ne sont pas prises en compte, soit elles le sont mais mises en œuvre de façon approximative. C’est ce qui est arrivé, par exemple, pour l’augmentation du nombre de communes dans le pays. À Perspectives Guinée, nous avions travaillé sur la nécessité de renforcer la décentralisation et d’augmenter le nombre de communes. Si vous prenez le cas de Ratoma, qui allait de Taouyah à Sonfonia, c’est énorme ! Compte tenu des défis à relever dans cette zone — santé, salubrité, éducation, sécurité, tranquillité — il devenait impossible que la mairie de Ratoma puisse tout gérer efficacement. Nous avions donc fait des propositions plus ambitieuses, suggérant, par exemple, que la grandeur de Ratoma et de Matoto justifiait au moins dix communes. Même Kaloum, nous y voulions deux communes.

Est-ce que le découpage est la solution ?

Il faut dire un avant de dire deux. Il fallait un découpage qui permette de rapprocher davantage les gouvernés de ceux qui les gouvernent et de les impliquer dans la gouvernance directe de leurs communes et localités. Il fallait aussi que les responsables de ces communes ne soient pas seulement capables ou prétendent l’être, mais qu’ils aient réellement l’envie de faire. L’envie d’agir manque fondamentalement dans le terrain politique de notre pays. Créer les communes et permettre à des personnes motivées de compétir pour les diriger était essentiel. Autre proposition, qui peut surprendre certains : la création du Sénat déjà dans le projet de nouvelle constitution. Nous estimons que la façon dont le pays a fonctionné, notamment le nombre de 114 députés, n’est plus adaptée au regard de l’évolution démographique et des besoins institutionnels, scientifiques, sociaux et économiques du pays. Rien n’est figé. Il faut simplement mener les réformes nécessaires. Nous avons donc travaillé sur ces sujets et fait des propositions, mais souvent elles sont ignorées ou mises en œuvre de façon approximative.

C’est donc ce qui vous a poussé à vous engager politiquement ?

Ce n’est pas seulement cela. Notre envie d’agir dépasse la simple proposition. Elle a besoin de concrétisation. Nous voulons donner corps à cette action, nous engager et faire partie de ceux qui font. Très souvent, il y a profusion de paroles, de critiques et de lamentations, mais quand il s’agit d’agir, il y a très peu de monde. Il faut une nouvelle manière de faire : s’engager, agir, croire au pays, être optimiste mais réaliste, et comprendre que les balbutiements du passé rendent la tâche complexe. Pour remédier à cette situation, il faut s’engager et agir pour porter ce pays plus haut.

La NCR est de quel courant politique ?

Je vais répondre par une question simple : pour s’occuper de l’assainissement de nos villes, de la tranquillité nécessaire à la population, de l’école, de la sécurité routière, de la fluidité et disponibilité des transports publics, a-t-on besoin d’être de droite, de gauche, libéral ou socialiste ? Nous voulons être du côté de l’action. Nous sommes républicains. Nous ne perdons pas notre temps dans des débats futiles. En Afrique, certains présidents étaient socialistes, d’autres libéraux, mais dans les deux cas il y a une fibre de solidarité qui reste fondamentale et indestructible… Il faut également valoriser la liberté individuelle, la créativité, l’entrepreneuriat et la circulation des biens et des personnes.

Les reproches faits aux partis politiques concernent souvent le manque d’alternance. La NCR va-t-elle se démarquer des autres ?

Débattre et se contredire n’est pas de l’animosité. Nous fonctionnons dans le débat et la délibération, sans qu’une idée s’impose. On nous dit souvent que les partis doivent garantir l’alternance, mais un parti politique est une association. La loi ne peut que vérifier sa conformité aux valeurs républicaines et autoriser sa création. Les partis doivent fonctionner de manière autonome et instaurer l’alternance de manière interne.

Qu’est-ce qui explique le manque d’alternance au sein des partis ?

Dans certains partis, c’est la même personne depuis des années, souvent celle qui finance le parti. Les autres membres n’ont parfois pas de carte ou ne cotisent pas, bien que ce soit statutaire. Lorsque la succession se pose, il faut vérifier si ceux qui critiquent connaissent vraiment ces problèmes. L’alternance est nécessaire, mais elle doit s’appuyer sur des responsabilités assumées par tous et sur les convictions plutôt que sur des considérations ethniques ou financières.

Quelles sont les ambitions de la NCR ?

Nous sommes un mouvement politique créé en mai 2025. Nous voulons être présents dans le débat politique et participer activement à l’action pour le pays. Nous nous intéressons particulièrement à la décentralisation, car le développement doit partir de la base. À la tête des communes et régions, nous voulons des personnes motivées, capables, non parachutées, mais désireuses de travailler. Même au Sénat ou à l’Assemblée nationale, nous voulons nous concentrer sur l’essentiel, comme la sauvegarde de l’environnement.

Comment vous financez-vous ?

Comme tout mouvement politique, nous avons des adhérents qui s’acquittent de leurs cotisations. Nous cherchons à nous développer et à nous implanter, et les financements futurs seront conformes à la législation guinéenne. L’essentiel pour nous est d’identifier des personnes partageant nos valeurs, optimistes mais réalistes, prêtes à agir.

Avez-vous engagé une procédure de régularisation auprès du MATD ?

À ma connaissance, les mouvements sont considérés comme des associations. La loi régissant les partis politiques n’inclut pas les mouvements. Nous tendons vers la création d’un parti politique et ferons les démarches administratives nécessaires lorsque nous remplirons les conditions légales.

La scène politique guinéenne est dominée par des partis historiques. Comment comptez-vous vous imposer ?

L’histoire appartient au passé, ce qui naît est l’avenir. Nous sommes l’avenir. Nous nous inspirons de l’histoire pour impulser une nouvelle dynamique. Notre différence avec les partis historiques : nous ne sommes pas fatalistes et croyons qu’il est possible d’avancer en combinant les intelligences des Guinéens. Nous voulons agir dans le présent tout en préparant l’avenir.

Vous voulez dire que les autres formations, c’est l’histoire?

Non, vous parliez des partis historiques.

Le projet de nouvelle constitution est en phase de vulgarisation. Dites-nous si elle représente une avancée, un recul ou un simple recyclage ?

Alors, le projet de nouvelle constitution, je pense qu’on est encore à l’étape de la vulgarisation, car la campagne n’est pas légalement ouverte pour le Oui ou le Non. Normalement, selon la loi, cette campagne dure 15 jours avant le 21 septembre. Pour ce qui est des positionnements, au niveau de la NCR, nous sommes en train d’étudier le projet, de le lire et de le comprendre. La NCR prendra position ultérieurement par rapport à ce projet. Comme je vous le disais, un certain nombre de propositions faites par Perspectives Guinée se retrouvent dans ce texte, mais nous restons encore sur notre faim pour beaucoup de points, notamment sur la rationalisation du pouvoir présidentiel. Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet et beaucoup proposé, car le super-présidentialisme — ou l’hyper-présidentialisme — qui consiste à attribuer tous les pouvoirs au président de la République, risque de compromettre la démocratie. En réalité, il faut répartir les tâches : le président s’occupe des questions stratégiques, le Premier ministre gouverne, les ministres et leurs services exécutent, et la décentralisation fonctionne. Cela permet de détacher les responsabilités et de faire en sorte que chacun s’occupe d’une partie précise.

Pourtant, dans un exemple banal, on reproche souvent au président des problèmes comme des caniveaux mal faits ou des puits non fermés dans les quartiers, alors que ce n’est pas de sa responsabilité. Parfois même la dégradation des routes ne relève pas de lui. Nous voulions aller plus loin, donner plus de marge de manœuvre au Premier ministre et élargir les pouvoirs de nomination au niveau ministériel, car beaucoup de services n’ont pas besoin de décret présidentiel ; un arrêté du ministre ou du Premier ministre aurait suffi. La plupart des constitutions successives le précisent : le Premier ministre nomme aux emplois civils et militaires. Pourtant, j’ai rarement vu un militaire ou un haut cadre nommé par le Premier ministre. Il faudra donc aller plus loin, car le fait que toute la hiérarchie administrative soit désignée par le président pose problème pour l’équilibre des pouvoirs et l’indépendance des institutions.

Il y a aussi un autre point — sur lequel nous reviendrons peut-être après les élections — concernant la décentralisation. Aujourd’hui, souvenez-vous : lors du coup d’État de 2008, on a dit que le président de l’Assemblée nationale, en l’occurrence Somparé, aurait dû succéder au président conformément à la Constitution. Que s’est-il passé ? Les militaires au pouvoir avaient déclaré que l’Assemblée était caduque. En partie, ils n’avaient pas tort, car les élections législatives n’avaient pas été organisées. Entre 2013 et 2020, alors que le mandat est de cinq ans, aucune élection législative n’a eu lieu, ce qui fait sept ans. Quand on a élu cette Assemblée, le coup d’État est intervenu peu après. Les maires ont été remplacés par des délégations spéciales, alors que le Code des collectivités prévoit un mandat de trois mois renouvelable une seule fois pour ces délégations. Au-delà, il faut organiser des élections. Tout cela reste des idées sur lesquelles nous avons fait des propositions. La NCR donnera sa position finale sur l’ensemble de la Constitution et des textes associés en temps voulu.

Le projet prévoit une immunité pour les anciens présidents. Qu’en pensez-vous ?

La lecture intégrale de l’article parle de l’exercice régulier de leurs fonctions. Mais je ne veux pas me prononcer sur ce sujet pour l’instant, car ce serait couper l’herbe sous le pied de la NCR, qui donnera sa position sur l’intégralité du texte. Cependant, la transition est l’occasion de réformer et de mettre en place quelque chose qui nous permette d’aller de l’avant et d’éviter les erreurs du passé. Concernant l’immunité, je ne sais pas si sa place est dans la Constitution, mais nous reviendrons amplement sur ce point.

Le référendum constitutionnel est prévu le 21 septembre. Allez-vous battre campagne pour le oui ou pour le non ?

Comme je l’ai dit, nous sommes en train d’étudier le texte. Nous attendons la convocation officielle, c’est-à-dire l’ouverture de la campagne. C’est pendant la campagne qu’il faut se positionner pour le Oui ou le Non. Actuellement, nous sommes dans la phase de vulgarisation, qui consiste à comprendre le texte avant de prendre position.

Les résultats du recensement électoral publiés par le MATD ont fait beaucoup parler. Pour la première fois, Kankan est plus peuplée que Conakry. Comment jugez-vous ce résultat ?

J’ai entendu dire qu’il y avait d’abord un problème concernant la masse totale de la population recensée. Le corps électoral de la Guinée était auparavant d’environ 5 millions, et là, on parle de 7 millions. La question majeure est de savoir si tout le corps électoral figure dans les fichiers. D’autres questions, plus techniques, peuvent expliquer les résultats : les moyens déployés sur l’ensemble du territoire ont-ils été suffisants pour permettre à tous de se faire recenser ? C’est cela la vraie question. Par exemple, le Bloc libéral a révélé que 30 % des équipes avaient été déployées en Haute-Guinée. Le gouvernement n’a pas démenti. Donc, si l’on tient compte du nombre d’équipes dans cette région, on peut comprendre le résultat. Peut-être que le Bloc libéral dispose d’autres éléments pour l’expliquer.

Sur les droits humains, certains ont été victimes de violences, comme l’ancien bâtonnier Maître Mohamed Traoré ou le coordinateur du Forum des forces sociales de Guinée, Abdoul Sacko. D’autres, comme Foniké Mengué et Billo Bah, sont portés disparus depuis plus d’un an. Quelle est votre réaction face à ces enlèvements et arrestations extrajudiciaires ?

La réponse est simple, en tant qu’avocat : tout acte des autorités publiques doit respecter les règles et procédures en vigueur. Aucun texte de loi ne permet l’arrestation arbitraire des individus. J’ai entendu certains ministres dire que « les adultes ont le droit de disparaître »… je ne connais aucun texte qui le permette. La liberté individuelle est fondamentale et protégée par les lois de la République. Toute atteinte doit se justifier par un impératif d’ordre public, de protection ou de prévention des risques pour les biens et les personnes. Pour les cas spécifiques de disparitions, la NCR clarifiera sa position. Perspective Guinée a déjà publié des communiqués sur ces situations. Au-delà, c’est un combat pour la justice : il faut que la justice fonctionne, qu’elle protège la liberté, la vie, l’intégrité physique et le bien-être des citoyens. Sans État de droit, rien de tout cela ne peut fonctionner.

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