Gestion des déchets à Conakry : tout le monde accuse, rien ne change

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Caniveaux bouchés par des déchets, bacs à ordures qui débordent, sachets plastiques et ordures éparpillées sur les trottoirs… À Conakry, certains quartiers ressemblent à de véritables décharges à ciel ouvert. Par endroits, des tas d’ordures forment des collines visibles à plusieurs dizaines de mètres. Un décor devenu tristement habituel dans la capitale guinéenne. Au-delà de l’image dégradante que cela renvoie, cette situation pollue l’air, dégrade l’environnement et menace directement la santé des habitants, a constaté Guineematin.com à travers un de ses reporters.

Pourquoi Conakry semble-t-elle prisonnière de ses propres déchets ? Et surtout, quelles solutions peuvent être envisagées pour sortir de l’impasse ?

Pour tenter de répondre à ces questions, notre reporter est allé à la rencontre de quelques responsables du secteur, ce vendredi 8 août 2025.

Alseny Bondabon Camara, directeur communal du service d’hygiène et de salubrité publique de Matoto, évoque en premier lieu les comportements irresponsables de certaines populations.

Alseny Bondabon Camara, Directeur Communal de l’hygiène et Salubrité public de Matoto

« En ce qui concerne les déchets, nous savons tous ce qui se passe quand il pleut. Les gens transforment les caniveaux en dépotoirs, chacun en profite pour sortir ses ordures et les jeter là. C’est ce qui fait que, généralement, un peu partout, on retrouve des ordures regroupées. Mais en ce qui concerne mon service ici, nous sortons, nous contrôlons la propreté des lieux publics et privés, un peu partout, pour vérifier si la population est en contact avec les ordures ou non. Si nous trouvons des cas d’ordures, nous conseillons, nous sensibilisons tout le monde pour qu’ils puissent s’abonner à une PME pour le ramassage. Et pour les points noirs, avant de transporter les déchets aux grands dépotoirs, on essaie de les maîtriser », a-t-il fait savoir.

Évoquant le rôle des petites et moyennes entreprises (PME) chargées du ramassage, le directeur communal du service d’hygiène et de salubrité de Matoto accuse certaines d’opérer en dehors du cadre légal, compliquant ainsi l’organisation de la filière. « Par rapport à ces tricycles au point de regroupement… D’abord, ces tricycles, ce sont les PME qui les gèrent. Et si les PME gèrent ces tricycles, elles doivent venir ici, à la commune, pour se faire déclarer. Si elles ne sont pas déclarées, elles évoluent clandestinement.

Maintenant, si elles sont déclarées, cela ne pose aucun problème pour le dépôt des ordures. Donc, toutes les PME qui sont autorisées à aller déverser dans ces points noirs ont un accès facile pour débarquer les ordures qu’elles ont ramassées. Puisqu’ici, à la collectivité, c’est ce qui est recommandé », a déclaré le directeur.

Poursuivant son explication, Alseny Bondabon Camara souligne les limites structurelles du dispositif actuel, notamment la saturation des dépotoirs officiels. « Vous savez, en ce qui concerne les décharges, il y a de grandes décharges communément appelées « combos » par tout le monde. Et ce sont ces décharges qui sont trop remplies aussi, comme vous le savez. Maintenant, ces points noirs, comme je venais de le dire, les points de regroupement, ce ne sont pas des points uniques. Il y en a plusieurs. Je pense que c’est la production des déchets qui fait défaut. Et ce sont ces décharges qui sont trop remplies aussi ».

Interrogé sur la responsabilité de l’État dans cette gestion chaotique, Alseny Bondabon Camara soutient que des efforts sont fournis. « Ils sont en train de faire des efforts. Parce que moi, je vous dis que le gouvernement ne dort pas, les maires et les présidents de délégations, ils sont sur le terrain chaque nuit. Je vous ai donné des exemples tout de suite. Même nous, dans notre service ici, on échange des plastiques contre du riz. Mais toujours, les gens ne font que déverser dans la rue. C’est un moyen pour l’État de réduire un peu les ordures. C’est ce que les plus hautes autorités peuvent faire : lutter contre ce genre de situation, doter les collectivités en matériels pour ramasser. Tout ça est en place, mais toujours, on ne respecte pas. Les choses ne font qu’empirer », a-t-il regretté.

Pour sa part, Sékou Keïta, gestionnaire de la Zone de Tri et de Transfert (ZTT) de Sangoyah, responsable de la PME Traco Pres, président de la coordination nationale des acteurs d’assainissement, pointe de graves dysfonctionnements dans la chaîne logistique, notamment au niveau des transferts vers les décharges.

Sékou Keïta, gestionnaire de la ZTT de Sangoyah

« Sur les 13 quartiers de la commune de Matoto, il y a 7 quartiers qui envoient les déchets ici. Donc, c’est le plus grand point de regroupement de la commune. Sa capacité actuelle est de 5 bacs à ordures par jour, mais à peine on en reçoit un. Quand vous vous renseignez auprès de la commune, soit les camions sont en panne, soit il n’y a pas de carburant pour venir les prendre. C’est ça le gros problème.

Actuellement, la commune nous a dit que leur capacité est de 2 bacs par jour, mais cela n’est pas respecté. Alors que notre capacité de précollecte est de 5 bacs par jour. Quand ce n’est pas transféré, on garde les tricycles ici. Ils garent, ils attendent jusqu’à ce que la commune vienne faire le transfert. Ensuite, on procède au déportage. Et vous voyez, à l’intérieur de la ZTT, il y a des déchets un peu partout. C’est à cause de l’état des bacs à ordures. Aujourd’hui, la capacité de la précollecte est nettement supérieure à celle du transfert. Alors que le système adopté par la Guinée, c’est un système en trois maillons : il y a la précollecte, le transfert et la décharge. Non seulement le transfert n’est pas effectué à temps, il y a de l’irrégularité. Et la décharge est vétuste. On n’arrive plus à absorber toute la quantité de déchets regroupés dans les zones de transit ou les points de regroupement. Donc c’est un facteur qui nous fatigue énormément », a-t-il expliqué.

Contrairement aux affirmations du directeur communal, Sékou Keïta insiste sur le fait que la population a été sensibilisée, mais que le manque de moyens techniques freine l’efficacité du système. « C’est vrai, je comprends, la commune ne peut pas payer ce qu’elle n’a pas. L’État devrait avoir une ligne budgétaire au Ministère de l’Administration du Territoire pour le transfert de ces bacs. Mais il n’y a pas de ligne budgétaire. Ce sont des montants forfaitaires qu’on envoie aux communes à la fin de chaque mois. On leur demande de se débrouiller avec. C’est ce qui explique tout ça. La responsabilité se trouve au niveau des autorités au plus haut niveau. On a sensibilisé la population, je pense que ça a pris. Les populations s’abonnent actuellement. Mais ce que la population demande, c’est l’enlèvement. Quand tu t’abonnes, tu paies un service, il faut que tu profites du service. Et si le service n’est pas effectué à 100 %, tu vas te plaindre. Les PME aujourd’hui ne peuvent pas travailler à 100 %, parce qu’elles n’ont pas où mettre les déchets. Donc, les déchets passent la nuit dans les tricycles ici. Des nuits, ils peuvent passer 3 ou 4 jours ici », a-t-il dénoncé.

Au-delà des blocages techniques, Sékou Keïta regrette le manque de considération que subissent les acteurs de la filière et appelle à une véritable prise en charge étatique. « Il n’y a pas de considération pour la gestion des déchets en République de Guinée. Quand vous vous présentez même face aux autorités et que vous dites que vous êtes éboueur, on ne vous accorde aucune importance. C’est ça le gros problème. Le métier n’est pas valorisé. Et il n’est pas pris en compte par les autorités. L’État doit mettre les moyens dans le transfert. On a eu la chance, avec le schéma qu’on a mis en place. l’État ne finance rien pour la précollecte, c’est le producteur, le ménage lui-même, qui paie pour ses déchets. Quand il paie, les déchets sont regroupés dans des zones comme ici à la ZTT ou dans d’autres points. Ce que l’État doit faire maintenant, c’est financer le transfert et la gestion des décharges. Mais l’État n’arrive pas à couvrir ces dépenses-là comme il se doit. C’est pourquoi on a des problèmes actuellement », a martelé le gestionnaire de la ZTT de Sangoyah.

Mariama Barry pour Guineematin.com

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