En politique, le Judas c’est toujours l’autre (Par Tibou Kamara)

il y a 7 heures 33
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Les Guinéens n’en croient toujours pas leurs yeux ni leurs oreilles. Verraient-ils le monde s’effondrer autour d’eux, avec leurs vieilles certitudes et leurs anciens préjugés ? On réalise, avec tous les revirements de situation et les reniements politiques spectaculaires, que personne n’est fidèle à personne, que nul ne tient durablement à quelqu’un en particulier. C’est plus valable aujourd’hui qu’hier, avec ce nouveau vent ravageur qui souffle sur le pays et balaie les fausses apparences, les jugements hâtifs et toutes les idées reçues. Les visées et prétentions personnelles que l’on n’avait pas clairement perçues, ou que l’on avait du mal à cerner dans les postures, sont placées systématiquement au-dessus des pactes de sang et des serments publics et solennels. Chacun avance avec un poignard dissimulé derrière le dos. Comme l’a prévenu Talleyrand, « La trahison est une question de dates ». En Guinée, plus qu’ailleurs, c’est une question de propositions, d’opportunités, d’intérêts conjoncturels, égoïstes et immédiats. On le voit mieux maintenant que par le passé, sous les régimes successifs. C’est comme si toutes les digues avaient cédé d’un seul trait et que, par ces temps qui courent, seule comptait la survie, comme dans une jungle. Plus personne ne veut être fidèle à personne. Ni le passé désarmant ni les réserves du futur ne retiennent dans la raison, ni ne limitent les appétits exacerbés. L’instant de l’ivresse du pouvoir bouscule et dévore tout.

Non qu’il n’y ait plus ni conscience ni convictions, mais l’une et l’autre ont déserté allègrement l’arène politique, jugées incompatibles avec certaines exigences.

Les personnes d’honneur, inflexibles, tournées vers un idéal, engagées pour la cause commune, sont à chercher et à trouver dans l’ardeur patriotique et l’esprit libre des gardiens de la morale et de l’éthique ancestrales.

Une poignée d’intellectuels et d’avocats de la société refuse de succomber aux tentations et penchants morbides des politiques, toutes générations confondues. Ce sont des étoiles filantes dans un ciel gris de transgressions. Cette minorité éclairée, face à une majorité bruyante et agissante, ne plie pas, ne rompt pas. Ceux qui crient haut et fort ne sont pas toujours ceux qui ont raison ou sont assurés d’avoir le dernier mot. La lumière finit par jaillir des ténèbres les plus profondes. Mais, avant, dans l’intervalle, l’obscurantisme brille de tous ses éclats et s’impose comme une funeste fatalité.

En observant de près tout ce qui se passe aujourd’hui dans le landerneau politique du pays et les changements dans les mœurs, revient en mémoire la réflexion de Molière : « L’hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertus ».

Le Guinéen a toujours été un « loup pour le Guinéen ». Maintenant, chaque acte, chaque propos est un miroir tendu vers la société. L’image renvoyée n’est ni flatteuse ni glorieuse, même si la vertu sous-jacente et coriace s’insinue dans la ruine.

Quand tout semble aller de travers et qu’il devient pénible de distinguer ce qui est permis de ce qui est interdit, les limites sont repoussées, le Rubicon est franchi. En fin de compte, l’obscurantisme se propage à la vitesse de la lumière. Aux difficultés existentielles s’ajoute une crise morale grave.

Après tout ça, ce que l’on voit et entend dans notre univers kafkaïen, l’homme public ne peut espérer ni clémence, ni confiance, ni gratifications. Qui peut vraiment encore jeter la pierre à l’autre dans un « Paradis » qui se veut l’enfer de toutes les valeurs cardinales ?

Tibou Kamara

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