Conakry : la campagne nationale de compréhension de la justice transitionnelle lancée à l’Université de Sonfonia

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Dans un contexte national marqué par la quête de vérité, de mémoire et de réconciliation, la Guinée franchit une nouvelle étape décisive. Ce vendredi 21 novembre 2025, l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia a servi de cadre au lancement officiel d’une vaste campagne citoyenne destinée à mieux faire comprendre la justice transitionnelle. Portée par le Centre d’Innovation et de Recherche pour le Développement (CIRD) et financée par l’ambassade de France en Guinée et en Sierra Leone, cette initiative ambitionne de rapprocher la justice des communautés, en s’appuyant sur les jeunes, les enseignants et les organisations de la société civile. Il s’agit d’une cérémonie riche en symboles et en prises de parole fortes, où chaque intervenant a souligné l’urgence d’un travail collectif sur la mémoire et la paix, a constaté sur place Guineematin.com à travers un de ses reporters.

La cérémonie, organisée dans l’amphithéâtre Djibril Tamsir Niane, a réuni plusieurs personnalités : l’ambassadeur de France en Guinée et en Sierra Leone, le chef de cabinet du Ministère de la Justice, la présidente du CIRD, les formateurs, ainsi que des dizaines d’étudiants venus de Conakry et de diverses régions du pays. Une mobilisation qui traduit l’importance accordée à cette campagne nationale.

C’est dans ce contexte de réflexion profonde que Maître Billy 1 Keïta, chef de cabinet du Ministère de la Justice et des Droits de l’Homme, a ouvert les échanges par un discours axé sur le sens et la portée morale de la justice.

Maître  Billy 1 Keïta, chef de cabinet du ministère de la Justice

« La justice est en soi une notion, je dirais ainsi, il y a une décennie ou plus d’une décennie, laquelle notion n’était pas encore connue dans nos amphis. Je voudrais dire que c’est une notion qui pèse lourd sur la conscience morale de nos concitoyens. Qui parle de justice, parle de sociabilité. La sociabilité exige l’inscription d’une histoire, l’histoire d’un pays, d’un peuple. Et l’histoire se constitue, dans la plupart des cas, sur deux aspects. L’aspect positif, vivre ensemble dans une ambiance cordiale, mais aussi l’aspect négatif, qui amène généralement les conflits. D’où la place de la justice pour mettre en exergue la substance des lois, les règles qui régissent le rapport des citoyens au sein de la cité. À la transgression de ces lois, la justice s’applique », a-t-il expliqué.

Pour illustrer l’importance du pardon et de la tolérance dans la gestion des conflits sociaux, le chef de cabinet a ajouté que la répression n’est pas la seule solution. « Mais, tout ne peut pas passer par la répression. La loi permet à l’avocat de demander l’indulgence du juge, les circonstances atténuantes. La justice transitionnelle exige la tolérance, la culture de la paix et de la concorde sociale. Écrire une histoire pour ne pas l’oublier, mais accepter d’abandonner les faits qui ont causé des préjudices énormes. Elle a marché au Rwanda, en Afrique du Sud, pourquoi pas en Guinée ? Elle exige la tolérance, l’acceptabilité, le pardon pour faire avancer les choses dans la cité. Mais cela ne voudrait pas dire qu’on oublie. Comme l’a souligné Nelson Mandela, il faut toujours pardonner même si on ne parvient pas à oublier. Donc, en Guinée, même si on ne peut pas oublier, on peut accepter de pardonner pour que nous puissions avancer », a martelé Billy 1 Keïta.

Prenant la parole à son tour, l’Ambassadeur de la France en Guinée et en Sierra Leone, Luc Briard, a tenu un discours empreint d’humilité et de responsabilité historique.

Luc Briard, ambassadeur de France en Guinée et en Sierra Leone

« C’est avec beaucoup d’humilité que je suis là ce matin, parce que je ne veux pas me substituer ou interférer avec l’histoire guinéenne. Je prends la part qui est celle de la France, qui a, dans son comportement colonial, offert un substrat à la violence d’État. Et il ne faut pas l’oublier. Nous prendrons toute la part qui nous revient. Le président de la République a fait un énorme travail mémoriel, que ce soit avec le Rwanda, l’Algérie ou la question des restitutions des patrimoines africains. Toutes les pages de l’histoire de France doivent être écrites et lues », a affirmé l’ambassadeur.

Dans une perspective de transmission et d’éducation citoyenne, il a rappelé le rôle des jeunes dans la construction d’un pays apaisé. « Je veux écouter comment la jeunesse de ce pays lit et se comporte vis-à-vis de son histoire. Toute la difficulté est de respecter l’histoire de son pays avec ses faces positives et ses faces négatives. Le chercheur, le professeur, le docteur d’un côté, et le juge de l’autre, doivent faire ce travail d’apaisement en disant, “et l’histoire, et le droit”. Vous prenez ce matin un flambeau que vous allez porter au plus près de vos communautés pour débattre. En français, c’est “débattre”. Vous vous êtes beaucoup battus, il est temps de débattre ensemble pour abaisser la violence. Et je pense que ce mot, “débattre”, est au cœur même de ce que nous allons écouter ce matin », a dit Luc Briard.

La présidente du CIRD, Safiatou Diallo, est revenue sur l’importance de ce projet dans la construction d’une paix durable.

Safiatou Diallo, fondatrice du CIRD

« La campagne autour de la justice transitionnelle est un projet ambitieux, mais surtout un de ces projets enthousiasmants pour lesquels on ne veut pas rester en marge. L’engagement du CIRD se fait en mobilisant les enseignants-chercheurs, les jeunes et les organisations de la société civile sur toute l’étendue du territoire. L’enjeu est de porter la parole au plus près de nos communautés », a-t-elle confié.

Elle insiste également sur le rôle de l’histoire dans la compréhension des crises actuelles. « L’histoire des nations a deux facettes, l’une positive et l’autre négative. Elles doivent être assumées et transmises pleinement aux générations futures. L’histoire de la Guinée n’échappe pas à cette exigence. Elle offre un tableau riche en événements dont l’analyse permet d’élever les défenses de la paix », a souligné Safiatou Diallo.

Abordant les formations qui débuteront dans les prochains jours, la fondatrice du CIRD précise : « les formations visent à outiller les jeunes à travers des conférences, des débats et des causeries éducatives. La paix disait quelqu’un, ce n’est pas un mot simplement, c’est un comportement. Et ce comportement se construit. Il exige la vérité. Il ne serait pas vain que la campagne trouve ses prolongements dans les services de l’État, notamment auprès des forces de sécurité et de défense, qui sont les premiers acteurs de violence dans notre pays. Nous serons sensibles à tous les projets nous accompagnant dans ce sens », a-t-elle conclu.

Entre mémoire, vérité et réconciliation, cette campagne citoyenne s’annonce comme un tournant majeur dans la construction d’une paix durable en Guinée. En mobilisant les jeunes, les universitaires, les chercheurs et les partenaires internationaux, le CIRD espère inscrire durablement la justice transitionnelle au cœur des communautés.

Mariama Barry pour Guineematin.com

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