Kagbélen–Sangoyah : une route sacrifiée entre lenteurs étatiques, silence contractuel et absence de responsabilité sociétale

il y a 2 heures 21
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Dans un reportage intitulé « Sangoyah-Kagbélen, l’enfer au paradis », publié il y a près d’une année et faisant référence à un titre d’un single signé par un groupe d’artistes dont Azaya, qui magnifie le charme authentique de la Guinée, sa population et sa culture, Mediaguinee avait décrit une infrastructure morte aux promesses enterrées. Et, près d’un an plus tard, ce tronçon reste toujours dans un état de délabrement avancé. Nids-de-poule béants, boue glissante, fossés d’eau stagnante : tout concourt à faire de cette route un cauchemar quotidien pour les usagers.

Mais dans ce chaos routier, à qui revient la responsabilité ? À l’État, censé assurer l’achèvement des infrastructures ? À la société contractante, restée étonnamment muette ? Ou aux industries environnantes, qui peinent à assumer leur responsabilité sociétale ? Enquête.

Au regard de sa position stratégique, cette infrastructure devait incarner un maillon essentiel dans le développement urbain et économique de Conakry. Lancés il y a plusieurs années, les travaux sont aujourd’hui figés dans le silence et l’abandon. Les images captées récemment par un reporter de Mediaguinee dressent un tableau sombre : chaussée éventrée, nids-de-poule profonds comme des cratères, boue épaisse recouvrant véhicules et piétons, fossés débordant d’eaux stagnantes – autant de sources potentielles de maladies et d’accidents.

Cette route, censée fluidifier la circulation et désenclaver plusieurs quartiers, est aujourd’hui le théâtre d’un immobilisme qui interroge.

L’État : entre responsabilités institutionnelles et défaillance de suivi

D’abord, il faut rappeler que le rôle de tout État est primordial dans la conduite de projets d’infrastructure publique. Pourtant, après le lancement des travaux, plus rien : ni communication claire sur l’avancement, ni explication quant au retard abyssal accusé. L’absence de mécanismes de suivi efficaces et de sanctions contractuelles visibles alimente l’indignation citoyenne.

Dans un précédent reportage réalisé par Mediaguinee en 2024 sur ce tronçon, certains conducteurs dénonçaient ce silence étatique qui, selon eux, ignore le danger auquel ils font face :

« L’État semble indifférent à notre calvaire. Nous avons vu des policiers intervenir non pas pour aider, mais pour réprimer les protestations. Ce tronçon est devenu une scène de désastre et nous sommes laissés pour compte », avait déclaré Samadou Diallo, conducteur de camion.

La société contractante : un silence qui pèse lourd

Bien que son nom ne soit pas cité, la société chargée de ces travaux porte une lourde part de responsabilité. Plusieurs années après la pose de la première pierre, la chaussée reste dans un état quasi impraticable. Ni présence visible sur le terrain, ni reprise des travaux, ni communication avec le public. Ce silence prolongé s’apparente à une démission, renforçant le sentiment d’impunité qui entoure certains marchés publics en Guinée.

À cela s’ajoutent le manque de transparence sur les clauses du contrat, le budget alloué, les délais initialement fixés ou les sanctions prévues en cas de manquement – autant d’éléments qui illustrent une gouvernance déficiente dans l’exécution des infrastructures publiques.

Qu’en est-il de la responsabilité sociétale des entreprises ?

Le long de ce tronçon, plusieurs unités industrielles opérant dans les secteurs du BTP, de l’agroalimentaire ou de la logistique ont établi leurs bases. Tous les jours ou presque, des tonnes de ciment sont extraites et transportées pour divers besoins. Ces camions, qui font leur tour quotidien, aggravent davantage la situation.

Pourtant, en vertu de la loi sur le Contenu Local, ces entreprises ont l’obligation d’investir dans les communautés environnantes et d’améliorer leur environnement immédiat. Mais à ce jour, rien – ou presque – n’a été entrepris pour soulager les souffrances des riverains ou participer à la réhabilitation de la voie.

Cette responsabilité sociétale des entreprises (RSE), encore perçue comme un simple concept théorique par beaucoup, devrait pourtant être un levier d’action pour restaurer une infrastructure aussi stratégique.

Quelques bennes de latérite, un drainage de fossés, un appui aux autorités locales : des gestes simples mais symboliquement puissants qui manquent cruellement. Pourtant, les unités industrielles persistent dans le silence.

Vers une action collective ou la pérennisation de l’abandon ?

Il ne s’agit plus seulement d’une route, mais d’un symbole : celui d’un échec partagé entre autorités publiques, entreprises contractantes et opérateurs privés.

La relance de ce chantier nécessite non seulement une volonté politique forte, mais aussi une implication active de tous les acteurs concernés. L’État doit exiger des comptes. La société contractante doit assumer ses obligations. Et les entreprises locales doivent comprendre que leur ancrage territorial implique des responsabilités concrètes – conformément à la loi portant Contenu Local.

Sâa Robert Koundouno

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