INTERVIEW- Ibrahima Sory 2 Condé, DNA Alphabétisation et Promotion des Langues Nationales : ‘’le choix des langues nationales à officialiser est un autre défi majeur’’

il y a 13 heures 72
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Les langues nationales accèdent enfin au statut officiel, au même titre que le français, dans le projet de nouvelle Constitution guinéenne. Ibrahima Sory Condé, figure de proue de la promotion des langues nationales en Guinée, a été l’un des acteurs clés de ce combat pour leur reconnaissance. Dans une interview exclusive accordée à MédiaGuinée, celui qu’on appelle affectueusement Nafadji Sory Condé revient sur les défis à relever pour rendre cette disposition réellement effective. Il insiste notamment sur la nécessité d’un engagement concret de l’État, accompagné de moyens suffisants pour traduire la loi en actes. Il en a également profité pour appeler le peuple de Guinée à voter massivement “Oui” au référendum. Interview…

 

L’officialisation conjointe du français et des langues nationales est un pas important vers la valorisation de notre patrimoine linguistique. Cela renforce notre identité culturelle, tout en permettant une inclusion plus large des locuteurs de langues maternelles. Ce dispositif ouvre également la voie à la maîtrise de la science, de la technique et de la technologie dans nos propres langues.

MédiaGuinée : En tant que Directeur national adjoint (DNA) de l’Alphabétisation et de la Promotion des Langues Nationales au ministère de l’Enseignement Pré-Universitaire et de l’Alphabétisation, avec plus de deux décennies de lutte pour la valorisation des langues nationales, quelles sont vos impressions sur le changement de statut juridique des langues nationales dans le projet de nouvelle Constitution ?

Ibrahima Sory 2 Condé : Je considère l’article 5 du projet de nouvelle Constitution de la Guinée comme une avancée significative, un bond historique et un acte majeur en faveur des générations actuelles et futures.

Même si les langues nationales deviennent officielles, le français conservera un rôle dominant dans l’administration, l’éducation et l’économie. Cela pourrait limiter leur utilisation effective dans les sphères publiques.

D’abord, l’officialisation conjointe du français et des langues nationales est un pas important vers la valorisation de notre patrimoine linguistique. Cela renforce notre identité culturelle, tout en permettant une inclusion plus large des locuteurs de langues maternelles. Ce dispositif ouvre également la voie à la maîtrise de la science, de la technique et de la technologie dans nos propres langues.

Ensuite, l’engagement de l’État à promouvoir l’enseignement des langues nationales est crucial. Il permettra d’améliorer le processus d’enseignement-apprentissage, notamment pour les enfants, et contribuera à l’augmentation du taux de réussite scolaire.

Par ailleurs, la garantie de traduction des textes juridiques dans les langues nationales renforcera l’accès au droit pour tous, surtout dans les zones rurales où le français est peu maîtrisé. Cela favorisera une gouvernance plus inclusive.

Enfin, l’article prévoit une loi organique qui précisera les modalités d’application, ce qui est essentiel pour éviter toute ambiguïté dans sa mise en œuvre.

Un autre défi majeur concerne le choix des langues nationales à officialiser dans un pays qui en compte une vingtaine. Huit d’entre elles avaient été retenues durant la Première République. La future loi organique devra clarifier cette sélection, tout en promouvant la diversité linguistique.

MédiaGuinée : Quels seront les défis linguistiques après l’adoption de cette Constitution par référendum ?

Ibrahima Sory Condé : Même si les langues nationales deviennent officielles, le français conservera un rôle dominant dans l’administration, l’éducation et l’économie. Cela pourrait limiter leur utilisation effective dans les sphères publiques.

Un autre défi majeur concerne le choix des langues nationales à officialiser dans un pays qui en compte une vingtaine. Huit d’entre elles avaient été retenues durant la Première République. La future loi organique devra clarifier cette sélection, tout en promouvant la diversité linguistique.

MédiaGuinée : Quels sont, selon vous, les moyens à mettre en œuvre pour appliquer cet article linguistique ?

Ibrahima Sory Condé : Une bonne loi ne suffit pas. Il faut des mesures concrètes, notamment :

  • L’adoption d’une loi organique d’orientation linguistique ou d’un code linguistique, actuellement en élaboration au CNT ;
  • La formation et le recrutement d’enseignants spécialisés en langues nationales ;
  • La création de matériels pédagogiques (grammaires, dictionnaires, supports audiovisuels) ;
  • La traduction systématique des textes juridiques dans les langues nationales ;
  • Le recours à l’intelligence artificielle et à la digitalisation pour soutenir la diffusion et l’apprentissage de ces langues.

Mais sans budget dédié et sans volonté politique affirmée, ces mesures risquent de rester purement symboliques.

 

Si la Guinée parvient à concrétiser ces principes, elle pourra devenir un modèle en Afrique francophone pour la promotion des langues nationales, sans pour autant rejeter le français.

MédiaGuinée : Quelles sont vos suggestions pour une application efficace ?

Ibrahima Sory Condé : Pour réussir la mise en œuvre, je propose :

  • De prioriser quelques langues nationales majeures dans une première phase, sans pour autant exclure les autres ;
  • D’utiliser ces langues dans les médias publics (radio, TV, presse écrite) pour les campagnes de sensibilisation ;
  • D’encourager leur emploi dans les collectivités locales (mairies, tribunaux) ;
  • D’associer les linguistes, locuteurs natifs et structures de promotion linguistique pour standardiser l’orthographe et la terminologie ;
  • D’intégrer les expériences d’enseignement déjà en cours comme ELAN (École et Langues Nationales), mais aussi celles fondées sur nos alphabets autochtones (N’ko, Adlam, Kore-Sèbèli), qui ont montré des résultats probants dans l’apprentissage formel.

MédiaGuinée : Quel est votre mot de la fin ?

Ibrahima Sory Condé : L’article 5 consacré aux langues est une excellente base juridique, mais son impact dépendra de l’engagement concret de l’État et des moyens mis à disposition.

Je lance un appel solennel au peuple de Guinée, et en particulier aux promoteurs des langues nationales, à voter massivement “Oui” au référendum afin d’adopter cette Constitution, qui est sans doute l’une des plus progressistes d’Afrique.

Si la Guinée parvient à concrétiser ces principes, elle pourra devenir un modèle en Afrique francophone pour la promotion des langues nationales, sans pour autant rejeter le français.

Je tiens à saluer le travail remarquable du Conseil National de la Transition, dirigé par Dr Dansa Kourouma, qui a su écouter le peuple et les experts tout au long du processus d’élaboration de ce projet constitutionnel. Mes remerciements vont également à Son Excellence le Général Mamadi Doumbouya, dont la vision a rendu ce projet possible.

Enfin, je lance un appel solennel au peuple de Guinée, et en particulier aux promoteurs des langues nationales, à voter massivement “Oui” au référendum afin d’adopter cette Constitution, qui est sans doute l’une des plus progressistes d’Afrique.

Réalisée par Ousmane CAMARA

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