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Le 19 août dernier, un glissement de terrain meurtrier s’est produit à Manéah, dans la préfecture de Coyah, faisant plusieurs morts et d’importants dégâts matériels. Alors que la zone était déjà classée parmi celles à risque selon certaines études, Fatoma Koundouno, enseignant-chercheur et chef du département Génie civil à l’Université Kofi Annan, a, dans une interview accordée à notre média, tiré la sonnette d’alarme. Il a par ailleurs dénoncé l’inaction des autorités, pointant les facteurs humains et appelant à des mesures urgentes pour éviter que de telles tragédies ne se répètent. Lisez !
Mediaguinee.com : La sous-préfecture de Manéah a perdu plusieurs citoyens lors d’un incident meurtrier le 19 août. Certains évoquent un tremblement, un effondrement, un glissement de terrain ou un éboulement. Quelle est la différence scientifique entre ces termes, et de quel phénomène s’agit-il précisément ?
Fatoma Koundouno : Le cas précis de Manéah est un glissement de terrain. Le tremblement est dû à la propagation des ondes sismiques, relatif au séisme. D’un autre côté, le tremblement peut effectivement provoquer le glissement de terrain aussi. Et ce glissement est dû aux fortes pluies qui se sont abattues ces derniers temps sur la zone de Coyah. La raison est simple : c’est que quand il pleut abondamment et que les eaux ne sont pas bien drainées, il y a infiltration d’une très grande quantité d’eau dans le sol. Et cela provoque la décohésion du sol.
Le sol, qui est argileux, devient non cohésif, et ça provoque du coup des glissements dus au poids propre non seulement du sol, mais aussi au poids des constructions qui sont sur ces sols-là.
Alors, entre l’éboulement et le glissement, il y a juste une toute petite différence. Sinon, ce sont pratiquement les mêmes causes qui provoquent les deux. Mais la différence fondamentale, c’est d’abord la surface : celle du glissement est beaucoup plus importante que celle de l’éboulement. L’éboulement, c’est un détachement de roches de la terre qui se dirigent vers le bas, suite à un phénomène de gravité.
Mediaguinee.com : Alors, quelles sont les causes géologiques identifiables de ce glissement survenu à Manéah ?
Fatoma Koundouno : Parlant des causes, il faut déjà noter les activités menées sur cette partie, qui sont justement des causes de ce drame-là, c’est-à-dire les facteurs anthropiques. Il y a donc la construction, l’urbanisation sauvage, comme on le nomme souvent, qui peut aussi provoquer des glissements.
Et comment ça se fait ? C’est qu’au niveau des flancs des montagnes, des collines, au début, il y avait des arbres, des herbes, etc. Ces herbes-là, grâce à leurs racines, permettent de stabiliser le sol. Mais dans cette zone, quand les gens viennent pour construire, ils sont obligés de dessoucher toutes ces racines-là. Du coup, le sol ne devient plus résistant. Et quand il pleut, il y a infiltration d’eau, ce qui provoque ce phénomène de glissement.
On peut aussi accuser un peu les carrières qui sont exploitées par les sociétés. Parce que, pour exploiter ces carrières, ils sont obligés de mettre des dynamites, et ça provoque des secousses. Donc tout cela peut provoquer des affaissements, des éboulements ou bien des glissements de terrain.
Mediaguinee.com : Qu’en est-il de cette partie ? Est-elle classée parmi les zones à risque géologique élevé ?
Fatoma Koundouno : Oui, bien évidemment. Il y a eu déjà quelques études qui ont été menées, et une certaine cartographie a été faite. Même si ça n’a pas été très très poussé, on a situé des zones à risque, des zones inondables, des zones à risque de glissement, etc. Malheureusement, la population est tellement en avance sur l’État que les gens viennent construire sans aval, et c’est tout ce qui provoque ce qui se passe aujourd’hui dans cette partie.
Mediaguinee.com : Alors, quelles sont les mesures que les autorités devraient prendre pour prévenir ce type de catastrophe ?
Fatoma Koundouno : Pour les quelques mesures de prévention qu’on peut adopter, il y a déjà la surveillance qu’il faut dans ces zones. Les spécialistes doivent être constamment dans ces zones-là pour s’assurer de l’évolution des mouvements du sol. Faire des sondages, par exemple, qui doivent nous permettre de connaître un peu les risques de glissements qui peuvent advenir, mais aussi des aménagements.
Il s’agit ici de planter des arbres, des herbes, et même de faire des enrochements. Ces mesures-là permettront de stabiliser le sol. En même temps, l’État doit déguerpir les gens et essayer de les déloger de ces zones instables. Il n’y a pas d’autre choix que de quitter. C’est comme les zones inondables aussi.
L’État doit également sévir pour déguerpir… C’est difficile, mais nécessaire. Il faut enlever tous ces gens-là qui ont construit dans ces zones-là, afin d’appliquer de façon stricte des mesures liées à l’urbanisation. Comme construire va nécessiter qu’on demande un permis de construire. Il y a les mairies pour ça, il y a les différentes directions de l’habitat qui existent, qui connaissent un peu, dans chaque endroit, quelles sont les zones à risque. Comme ça, même si la personne est en possession d’une parcelle, l’on ne devrait pas l’autoriser à construire.
Malheureusement, ce n’est pas appliqué. Les gens viennent construire sans autorisation. C’est pour tous ces facteurs que l’État doit sévir contre cela : commencer d’abord par la sensibilisation, puis procéder à des sanctions sévères.
Mediaguinee.com : Quel rôle aujourd’hui pour l’État guinéen dans sa politique d’urbanisation et d’octroi de permis de construire ?
Fatoma Koundouno : Aujourd’hui, il est d’une grande nécessité pour l’État d’appliquer le nouveau plan cadastral, qui prévoit quand même beaucoup de choses. Mais je ne sais pas pourquoi, jusqu’à maintenant, ce n’est pas encore totalement appliqué.
Obliger chaque citoyen qui veut construire à chercher à se renseigner sur sa zone. Les autorités sont là pour donner les directives. Au-delà, ces autorités doivent imposer les mesures qu’il faut. Par exemple, obliger les citoyens à solliciter d’abord le permis de construire avant de commencer toute construction, et aussi à aménager des zones à risque.
Maintenant, il y a parfois certains endroits, même au niveau des flancs des montagnes, des collines, où l’on peut construire, comme en Suisse par exemple, qui est un pays de collines. Les gens construisent sur des flancs de montagne ; mais dans ce cas, il faut prévoir ce qu’on appelle des murs de soutènement, qui permettent de stabiliser le sol qui est derrière.
Sâa Robert Koundouno
L’article Interview – Fatoma Koundouno, expert en géotechnique, à propos du drame de Manéah : «l’État doit sévir pour déguerpir… C’est difficile, mais nécessaire » est apparu en premier sur Mediaguinee.com.