Djanii Alfa : “La Guinée est en train de rater, une fois encore, le chemin” [Interview]

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Djanii Alfa sort son nouvel album ce 3 mai 2025 à Paris. À cette occasion, il a accordé une interview exclusive à Guinee360.com, promettant un concert « légendaire ». Il revient également sur la situation sociopolitique en Guinée, le fichage de son passeport par Interpol, ainsi que sa mise en retrait du FNDC. Le rappeur aborde aussi la récente sortie du général Amara à Mamou, les mouvements de soutiens, etc… Un entretien sans détour.

Guinee360 : Pourquoi avoir choisi Paris pour lancer votre album, et non Conakry ?

Djanii Alfa : C’était l’endroit le plus accessible à nous logiquement, vu la situation d’insécurité que nous vivons. On aurait préféré faire ça au pays, mais pour des raisons que personne n’ignore, cela n’était pas possible. Donc, pour des raisons logistiques et de nouvelles perspectives, parce qu’il y a une nouvelle structure avec laquelle nous avons signé pour notre brooking, qui s’appelle D6 Project, qui est installée ici à Paris.

Parlez-nous un peu de votre nouvel album, “Jour de paix”.

C’est un album de rap africain conscient, diront certains. J’ai développé des thèmes sur lesquels j’avais voulu partager avec mon public. L’album est composé de 19 titres. Il y a plusieurs featurings : notamment avec Smarty du Burkina Faso, Souadou de la Sierra Leone, Habib Fatako, Limo que j’apprécie beaucoup, etc. Ce qu’il faut comprendre, l’album fait deux volets. Il y a un premier volet qui s’appelle ‘prémices du Jour de paix’. Les prémices, c’est déjà 20 titres avec plusieurs featurings.

Concernant votre passeport, on a évoqué un fichage à Interpol. Que s’est-il passé ?

Il ne s’est absolument rien passé. J’ai été victime de comportement arbitraire. Je suis resté inactif pendant près de deux ans. À un moment donné, j’ai pris la responsabilité de repartir en Guinée pour faire mon passeport. Je ne peux pas donner le droit à quelqu’un de me priver de ma citoyenneté et de ma liberté de mouvement. Grâce à Dieu, je suis rentré à Conakry, j’ai fait mon passeport en moins d’une semaine et je suis reparti.

Avant ce retour, certains éléments ont disparu de votre page Facebook. Que s’est-il passé ?

Ce sont des conneries, ça. Internet, c’est ma vitrine. Tout ce que j’ai dit se trouve dedans. C’est quelque chose que je dis et j’assume. Mais après, il faut comprendre qu’au-delà de mes activités pro-démocratie, je suis un artiste. Donc, c’est mon travail. Sur ma carte d’identité, il est écrit que je suis artiste. Je n’efface jamais mes publications. Chaque publication que j’ai faite, c’est longtemps réfléchi et, une fois que le message est passé, justement, je trie, je synthétise, et je fais des archives.

Vous aviez annoncé la fin de votre carrière. Aujourd’hui, vous sortez un nouvel album. Pourquoi ce revirement ?

C’est ce que je dis. Les gens vont souvent dans les interprétations des choses qu’ils ne comprennent pas. Il y a plusieurs albums qui étaient prévus, mais des décisions politiques — le signalement de mon passeport, l’empêchement de me mouvoir pour la musique — ont fait que le plan ne s’est pas déroulé comme prévu. Donc, je ne vais pas arrêter alors que je n’ai pas pu faire ce que j’avais prévu. Sinon, ce serait me mentir à moi-même et à mes fans, qui ont compris ce que j’avais appelé ‘le dernier tour de piste’.

Est-ce donc votre dernier album ?

Ça reste à voir. Pour le moment, c’est le dernier qui va sortir le 3 mai. Après, on ne sait pas.

Que peuvent attendre vos fans lors du concert du 3 mai ?

De la bonne musique, de la bonne ambiance, du partage, de la positivité et de l’amour. Ce sera un spectacle à couper le souffle. Pour ce concert du 3 mai, ce sera légendaire, du live. J’invite tout le monde à venir vivre ce moment avec moi. Les places sont très limitées, parce que je voulais une proximité réelle avec le public. Donc venez avec vos amis, on va vivre un moment légendaire.

Votre discrétion sur les réseaux sociaux ces derniers mois a surpris. Pourquoi ce silence relatif ?

Ça n’a rien à voir avec la préparation de mon album. Moi, la musique, je fais tout le temps. C’est mon métier. Ce qui m’empêche de faire de la musique, c’est quand je dors. Mais après, à un moment donné, je me suis fait un peu rare sur les réseaux sociaux parce que je n’aime pas les débats de caniveaux. J’aime avoir des débats constructifs. Et à un moment, les réseaux sociaux guinéens m’avaient un peu soûlé, parce qu’il n’y avait pas de niveau dans les débats.

Peut-on s’attendre à vous voir sur des scènes comme l’Arena ou le Bataclan ?

J’ai mes plans. Ce ne sont pas les tendances ou les volontés de quelqu’un qui feront changer mes décisions. J’ai une équipe avec laquelle je travaille depuis plus de dix ans. Nous avons une vision, mais on n’est pas dans la précipitation. Les gens parlent de l’Arena, Stade de France, pourquoi pas.

Quel est le programme après Paris ?

Il y a tout un tas de choses qui sont en train d’être mises en place. Beaucoup de dates vont suivre. On annoncera le moment venu. Il y a aussi des villes africaines, européennes, américaines et guinéennes. Et il n’y a pas un Guinéen qui peut m’empêcher de rentrer chez moi. Mais à un moment donné, il faut savoir que, si je crains pour ma sécurité, celle de mes proches, etc., je dois faire des choix. J’ai des amis qui ont disparu parce qu’ils ont voulu manifester contre la vie chère, pour la liberté de la presse, ou qui ne se sentent pas en sécurité au pays.

Quel regard portez-vous, de loin, sur la situation actuelle de la Guinée ?

J’observe la Guinée de très près. C’est nous qui quittons la Guinée, mais la Guinée ne quittera jamais en nous. On peut être partout, mais la Guinée restera toujours en nous. Ce que j’observe de la Guinée, c’est très dommage. De manière politique, la Guinée est une fois encore en train de rater le chemin.

Vous avez été un artiste engagé. Vous voyez-vous un jour sur le terrain politique?

La politique n’est pas un métier. Pourquoi je créerais un parti politique quand j’ai un ami, un camarade de lutte comme Aliou Bah, président d’un parti, qui se retrouve en prison pour soi-disant offense au chef de l’État ? Ou quelqu’un comme Sidya Touré se fait expulser de sa maison sans décision de justice ? Ou encore Cellou Dalein obligé de vivre hors de la Guinée. Tous ces partis politiques vieux de dizaines d’années n’ont pas droit d’organiser un meeting. En Guinée aujourd’hui, il y a un seul parti politique : le CNRD. Si toutes les conditions sont réunies, l’histoire nous le dira. Pour le moment, ne mettons pas la charrue avant les bœufs.

Quel est votre avis sur les artistes qui soutiennent publiquement Mamadi Doumbouya, comme Black M, Singleton ou King Salaman ?

Il n’y a pas d’analyse à faire de ça. Je ne suis contre personne. Moi, je suis un défenseur des libertés, pro-démocratie. Je ne peux en vouloir à quelqu’un de soutenir X ou Y. À partir du moment où le CNRD n’est pas un parti politique, pourquoi quelqu’un se lève pour les soutenir si ce n’est pas de la démagogie ou des intérêts personnels ? Au nom de quoi ? Dans les conditions normales, le CNRD n’est pas censé pouvoir se présenter à une quelconque élection. Il est censé organiser des élections libres et transparentes, auxquelles ils ne participeront pas, ainsi que le gouvernement, et rendre le pouvoir au civil. Donc quand quelqu’un soutient une éventuelle candidature de Mamadi Doumbouya, que ce soit en musique ou en politique, alors qu’il a juré sur la charte de la transition, ça s’appelle une incitation au parjure. Ils doivent être poursuivis et condamnés.

Le général Amara Camara a tenu des propos polémiques à Mamou. Quelle est votre réaction ?

Il n’y a rien de nouveau sous le soleil. À partir du moment où on est dans un pays où c’est la politique de diviser pour régner… Quand tu t’exprimes, on ne cherche pas à comprendre ce que tu dis, on regarde ton nom de famille pour juger la pertinence de tes propos. Ce qui est étonnant là-dedans ? Maintenant, à partir du moment où nous avons institutionnalisé la division ethnique à travers les coordinations nationales (Haali Pular, Mandingue, Basse-Côte et Forêt), si les Peuls se sentent insultés par les propos du général Amara, qu’ils demandent à leur coordination d’aller lui demander des comptes.

Votre retrait du FNDC serait-il lié à des tensions internes ?

C’est faux. C’était une décision personnelle. Je ne voulais pas servir de bâton pour frapper des gens, c’est-à-dire que des personnes lambda s’appuient sur moi pour critiquer toute une communauté. Certains voient le Peul que je suis. Il n’y a pas de trahison au FNDC. Le FNDC n’est pas un parti politique, mais plutôt un mouvement citoyen qui se bat pour les droits humains et pour les libertés. Mais les gens veulent politiser.

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