Détention abusive, présomption d’innocence, corruption… Algassimou MC Diallo tire la sonnette d’alarme

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Les cas de détention préventive prolongée et autres erreurs judiciaires sont régulièrement dénoncés par les défenseurs des droits de l’homme. Malgré tout, ces pratiques persistent et constituent un frein à l’épanouissement des justiciables. Dans un entretien accordé à un reporter de Guineematin.com, Algassimou MC Diallo, président de l’ONG Santé Hygiène Carcérale, tire la sonnette d’alarme. Ce défenseur des droits des détenus accuse la justice guinéenne de fermer les yeux sur de nombreuses erreurs judiciaires. Selon lui, des innocents sont abandonnés en prison, sans jugement ou sans preuves solides, dans un silence inquiétant des autorités.

Guineematin.com : monsieur Diallo, vous parlez souvent d’erreurs judiciaires. Que signifie cette exprès dans le contexte guinéen ?

Algassimou MC Diallo, président de l’ONG Santé Hygiène Carcérale

Algassimou MC Diallo : une erreur judiciaire, c’est lorsqu’une personne est jugée, condamnée et punie à tort, souvent à cause de dysfonctionnements dans la chaîne judiciaire. Normalement, pour établir la culpabilité de quelqu’un, il faut réunir trois éléments : l’élément légal, l’élément intentionnel et l’élément matériel. Or, dans de nombreux cas en Guinée, ces éléments sont négligés par des professionnels censés garantir la justice. Résultat : des innocents se retrouvent en prison parce que des officiers ou des magistrats n’ont pas fait correctement leur travail. Et cela, je le déplore profondément.

Quels sont les cas les plus flagrants d’erreurs judiciaires que vous avez rencontrés ?

Ils sont nombreux. Prenons l’exemple d’un jeune homme arrêté par hasard par une patrouille de police, qu’on a ensuite inclus dans un dossier de vol à main armée, sans preuves. Ou encore ces affaires de coups et blessures où ce sont les témoins qu’on inculpe à la place des auteurs. Je vous parle aussi de cas d’agressions sexuelles sans victime identifiée, ni rapport médico-légal. Plus grave encore, nous avons attiré l’attention d’un magistrat sur un officier de police judiciaire (OPJ) qui envoyait systématiquement des dossiers criminels (vol aggravé, coups mortels…) sans le moindre élément matériel, pas même une aiguille ou un couteau ! Heureusement, ce magistrat a réagi en posant les bonnes questions, ce qui a mis un terme à ces dérives.

Cela signifie-t-il que la corruption ou la pression influencent les procédures judiciaires ?

Malheureusement, oui. Il n’est pas rare qu’un citoyen soit emprisonné simplement parce qu’il a refusé de donner de l’argent à un policier. Parfois, on vous fait signer des procès-verbaux sans vous laisser relire ce que vous avez dit. Cela, c’est inacceptable. En plus, les magistrats manquent de moyens logistiques, de salaires décents, et souvent même de papier pour travailler. Il n’y a pas de financements adéquats pour des enquêtes supplémentaires, ni pour l’aide juridique aux personnes sans ressources.

Quelles seraient les solutions à envisager selon vous ?

Il faut revenir aux États généraux de la justice pour remettre à plat tout notre système. Aujourd’hui, l’incarcération est censée être l’exception, pas la règle. Mais nous faisons face à une surpopulation carcérale dramatique, parce que nous piétinons les textes et les procédures. Quand un prévenu affirme qu’il a été torturé ou qu’il a passé une semaine en garde à vue, sans base légale, le juge a l’obligation d’ouvrir une enquête, de douter, de vérifier. Ce n’est souvent pas le cas. Et que dire de ces personnes détenues pendant 10 ans avant d’être reconnues innocentes ? C’est le comble de la défaillance !

Avez-vous des exemples récents d’erreurs judiciaires graves ?

Oui. Le cas de Cécé Raphaël HABA, l’un des accusés dans le dossier du 28 septembre 2009. Il a passé plus de dix ans en prison, pour rien. Et pourtant, dans le délibéré, aucune mention de dédommagement par l’État. Il a perdu une décennie de sa vie, alors que ses amis ont avancé, ont eu des promotions. Qui lui rendra ce temps volé ? Autre cas : Naby Camara, alias Boké, connu comme le plus jeune « vieux prisonnier » du pays. Condamné à mort alors qu’il était mineur. Grâce à l’abolition de la peine de mort et à l’implication d’acteurs comme Foniké Mengué et du tribunal pour enfants, il a été gracié en décembre 2021. Mais il a fallu deux ans de lutte pour ça. C’est inadmissible.

Qu’en est-il de la révision des peines et de la réinsertion des détenus ?

En théorie, seul le juge d’application des peines peut réviser une peine. Mais en Guinée, on ne désigne même pas officiellement ces juges dans les juridictions. Ce vide juridique est grave, car sans eux, pas de suivi des détenus, pas de libération anticipée, pas de réinsertion digne de ce nom. C’est un mécanisme essentiel pour désengorger nos prisons et permettre à ceux qui ont purgé leurs peine de se réintégrer.

Un mot sur la présomption d’innocence ?

La présomption d’innocence est une pierre angulaire de tout système judiciaire digne de ce nom. Tant que nous ne la respectons pas pleinement, nous continuerons à emprisonner des innocents. Il est urgent que notre société, notre justice et nos institutions y croient véritablement et l’appliquent sans discrimination.

Propos recueillis par Kadiatou Barry pour Guineematin.com

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