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Le cimetière national de Cameroun est le plus grand de la capitale, avec ses 21,5 ha. Officiellement créé en 1945 par le colonisateur français, cet équipement socio-économique de l’État est géré par le gouvernorat de la ville de Conakry. Malgré sa taille et son importance, il est aujourd’hui dans un état déplorable, avec un personnel insuffisant et mal rémunéré. Malgré leur motivation, ces employés de l’État éprouvent des difficultés à entretenir ce patrimoine national, où reposent d’importantes personnalités du pays. Plus grave encore, cet espace réservé aux morts est totalement saturé et mal exploité. Un reporter de Guineematin.com y a effectué une visite.
Le cimetière de Cameroun, qui porte le nom du quartier où il se trouve, est situé dans la commune de Dixinn. Il fait partie des équipements sociaux les plus importants du gouvernorat de Conakry. D’ailleurs, dans la capitale guinéenne, l’État assure le contrôle et l’administration de plusieurs cimetières. C’est le cas du cimetière de Cameroun, du mausolée du premier président Ahmed Sékou Touré, situé à la Camayenne à quelques pas de la Grande Mosquée de Conakry, et du cimetière de Nongo, dans la commune de Lambanyi, qui recevait souvent les dépouilles d’anciens détenus du Camp Boiro.
Pour gérer ces lieux, le gouvernorat a recruté une équipe de sept personnes dirigée par Elhadj Biro Soumah, administrateur civil.

« Moi, je travaillais au gouvernorat de la ville de Conakry. Je gérais les services d’éclairage de la ville. En cas d’incendie sur un marché ou de problème sur les poteaux électriques, c’est moi qui m’occupais de tout cela, en tant que chef de service. Un jour, le général Mathurin, alors gouverneur de Conakry, a envoyé son directeur du mausolée me chercher. C’était en 2018. Depuis ce jour, je suis ici. Je vis à Kaloum avec ma famille, mais je suis là tous les jours de 6h à 19h. Pour enterrer un corps ici, il faut un certificat de décès, sinon ce n’est pas possible. Mais actuellement, le cimetière est plein. On reçoit une demande d’enterrement chaque jour, voire tous les deux jours. Il n’y a plus de place », explique Elhadj Biro Soumah.
Le cimetière de Cameroun a accueilli sa première dépouille en 1943, celle de Bintia Koïta, une ressortissante de Forécariah. Mais 82 ans après, ce cimetière, divisé en secteurs musulmans et non musulmans, n’a plus suffisamment de place pour accueillir de nouveaux corps. Les caveaux existants, rares, sont nettement insuffisants. Si certaines parties du cimetière présentent un aspect entretenu, avec des sépultures bien dressées, une grande portion du site est aujourd’hui envahie par les herbes, faute d’entretien.
« Certaines personnes quittent le cimetière le jour même de l’enterrement de leurs proches, comme si elles les avaient abandonnés. Elles ne reviennent plus voir la tombe, ni pour l’entretenir, ni pour prier. D’autres, au contraire, viennent régulièrement entretenir les tombes de leurs proches. C’est le cas de Malick Sankhon pour sa femme, du général Biro Condé et de son frère Mamady Condé pour leur mère, ou encore du général Namory Condé, actuel ambassadeur de Guinée au Maroc, pour sa femme. Il y a même la tombe du général Souleymane Kéléfa Diallo et de ses compagnons, morts dans un accident d’avion en 2013, mais personne ne s’en occupe, ni l’État ni leurs proches », déplore l’administrateur du cimetière.
Il tient néanmoins à exprimer sa reconnaissance envers l’État et certaines bonnes volontés qui viennent parfois en aide au personnel :
« Comme vous le voyez, certains ont construit ce forage, d’autres la mosquée. Il y en a aussi qui ont offert des chaises en plastique. Je n’oublie pas non plus celui qui a réparé la clôture. Car, après tout, l’État, c’est nous tous », rappelle le doyen.
Les milliers de morts qui reposent dans ce cimetière font l’objet d’attentions très inégales selon les familles et les proches encore en vie. Kandé Justin Soumah, ancien policier, maçon et fossoyeur, revient sur les principaux caveaux existants dans ce cimetière.

« Il y a beaucoup de caveaux ici. Vous avez celui de Guy Richard (ancien policier à la présidence sous Sékou Touré), ceux des familles Fernandez, Bouré, Foulah, Kampel, ou encore le caveau de la famille Gandhi Tounkara. Ils sont nombreux, environ une trentaine. Pour l’entretien d’une tombe, c’est la famille qui s’en charge. Une personne est recrutée et payée pour cela. Pour obtenir un caveau, la personne verse 2 500 000 GNF à l’administration du cimetière. C’est le tarif fixé par l’État pour louer un espace pendant 99 ans. Ensuite, c’est à elle d’aménager l’endroit. On prépare bien l’intérieur pour recevoir le corps. À chaque fois qu’un membre de la famille décède, on enlève le couvercle du caveau pour y faire descendre le corps, puis on le referme. Les démarches sont simples : tu viens voir l’administrateur, tu paies 50 000 GNF pour les formalités, et l’autorisation est donnée pour creuser la tombe… », explique-t-il.
Dans ce vaste cimetière, des personnes se relaient chaque jour pour entretenir les tombes de leurs proches. Des chapelles, chapelets, chapiteaux ou couvercles sont dressés au-dessus des sépultures et régulièrement entretenus.
Ce cimetière national accueille aussi bien des anonymes, comme Bintia Koïta, la première à y avoir été enterrée en 1943, que de grandes figures nationales. On y retrouve les tombes des députés Yacine Diallo et Mamba Sanoh, du riche homme d’affaires Elhadj Gallé Ann, du général Souleymane Kéléfa Diallo et de ses compagnons, ou encore du général Mamadouba Toto Camara et des soldats guinéens tombés à Kidal. Tous reposent dans le même secteur, mais ne semblent pas bénéficier de la visite de leurs proches ni de l’attention des autorités.
À côté du cimetière vit une grande famille, celle d’Amara Kéïta. Père de plus de 20 enfants et marié à 4 femmes, cet ancien gardien du cimetière, après des dizaines d’années de service, ne sait plus quoi faire ni où aller.
D’autres personnalités reposent également ici, telles que Ben Sékou Sylla (ancien président de la CENI), Soriba Sorel Camara (ancien gouverneur de Conakry), Elhadj Soulaymane Wansan Bah (ancien imam de Coronthie), les chanteurs Aboubacar Demba Camara et Sory Kandia Kouyaté, les anciens joueurs du Hafia 77 comme Morciré Sylla et Mamadou Aliou Keïta dit N’Jo-Léa, mais aussi des Chinois, comme Tien Jen Kie et Chin Erh Yin, martyrs décédés lors de la construction du Palais du Peuple.
S’il existe un forage (offert par Mamadouba Sankhon, ancien directeur général du port autonome de Conakry), une mosquée (construite par un homme d’affaires) et un bureau pour l’administrateur, un besoin urgent demeure : améliorer les conditions de vie du personnel. Ces travailleurs, pour la plupart, déclarent percevoir 650 000 GNF par mois, soit à peine plus que le SMIG. Il serait aussi souhaitable, comme cela se fait dans d’autres pays, de dénombrer, identifier et numériser les personnes enterrées, pour une meilleure gestion des archives. Enfin, l’État, qui doit envisager de fermer ce cimetière, devrait également proposer des solutions de relogement aux familles vivant dans des abris précaires à proximité, contraintes de cohabiter avec les morts faute de mieux.
Abdallah BALDÉ pour Guineematin.com
Tél. : 628 08 98 45
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