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Chaque fois que nous avons tendance à nous prendre pour Zeus trônant sur l’Olympe, roi des dieux et des hommes, et que nous tombons dans l’orgueil de la toute-puissance qui nous fait croire maîtres de la terre et du ciel, Dieu se rappelle à nous en se révélant et en déployant ne serait-ce qu’une infime partie de son pouvoir incommensurable. Lorsque l’homme, dans l’euphorie de la gloire et l’étourderie de ses exploits personnels d’un moment, pense être le maître des horloges et pouvoir régner sur la nature, il découvre, à ses dépens, son extrême fragilité et son impossible immortalité.
Seuls les hommes de foi, pétris d’humilité et de sagesse, capables de dignité et de sobriété, ne profitent pas des événements tragiques pour faire de la politique incongrue ou prononcer des discours clivants et misérables. Ce n’est pas le moment idéal pour les querelles de légitimité, les batailles de bilans, les exhibitions publiques théâtrales, les guerres d’images, l’auto-promotion ou les élans de sympathie folkloriques. « C’est au malheur à juger du malheur », enseigne Chateaubriand dans son essai sur… les révolutions !
Le pays pleure ses nombreux morts, les familles sinistrées et meurtries attendent une assistance spontanée et désintéressée de tous pour soulager leurs peines et leurs souffrances indicibles. Le deuil n’est ni un décor pour la parodie, ni une comédie, ni une cause de stigmatisation facile. Il interdit les polémiques stériles, les postures opportunistes et clientélistes grossières. Il ne faut pas mêler l’ego personnel et la passion à tout, et n’avoir en tête, même dans un drame national, au risque de souiller des mémoires et d’apparaître comme un sinistre croque-morts, que sa seule survie dans des fonctions éjectables. Placer l’homme qu’il ne faut pas à la place qu’il ne faut pas, c’est comme mettre un éléphant dans un magasin de porcelaine. C’est cette maladie aussi des administrations bananières. L’âge d’or, osons l’espérer, finira par arriver. En attendant, gare à l’effet de contagion façon Choguel Maïga du Mali, et surtout attention au syndrome de l’hybris, qui ressemble à un fléau national.
Pauvre Guinée ! Elle traverse des heures sombres de calamités foudroyantes, comme si la nature s’acharnait contre le pays, comme si Dieu était fâché contre son peuple et se détournait de chacun et de tous. Des pluies diluviennes, des glissements de terrain, des incendies, des accidents de la circulation : autant de calamités qui s’abattent sur le pays, autant de drames qui endeuillent des populations déjà éprouvées par le quotidien. Toutes ces catastrophes, dues aux intempéries ou qui surviennent par le fait des hommes, suscitent émotion, frayeur et profonde désolation. Tout le monde est concerné et consterné. Personne n’est indifférent à cette succession de malheurs. D’où l’élan national de sympathie et la chaîne de solidarité en faveur des victimes.
THÉÂTRE DES VANITÉS EN TEMPS DE DEUIL
Des vies précieuses ont été brutalement arrachées, des demeures souvent de fortune ont été littéralement détruites. Des familles entières ont été tragiquement anéanties. Nos cœurs à tous saignent. Tous, nous sommes affligés, orphelins de nos compatriotes disparus, trop tôt, dans l’horreur, emportés par les eaux ou engloutis sous les décombres. La nation retient son souffle. Dans les épreuves, comme dans la douleur, on réalise mieux la communauté de destin. Il semble plus facile de pleurer ensemble le malheur que de bâtir, dans un même élan de fraternité, de patriotisme et d’acceptation mutuelle, le bonheur de chacun et la prospérité du pays.
Dans la difficulté et face au danger, les Guinéens savent s’unir. Le reste du temps, ils sont doués pour se donner des coups et se détruire. On ne se sent bien qu’après avoir fait du mal, ne se sent fort que lorsqu’on a le sentiment d’avoir soumis tous à sa volonté, ne se sent tranquille que quand on n’a plus rien ni personne devant soi. Le vide profite à qui ? Comprenne qui pourra.
Et pourtant, personne ne connaît les secrets des dieux pour savoir ce que le sort lui réserve, tout ce que la nature pourrait lui infliger. Jusqu’au bout, notre destinée à chacun sera incertaine et incontrôlable, nos vulnérabilités freineront notre marche et limiteront l’horizon de nos prétentions. Nous n’avons pas le pouvoir ni les moyens de garantir le meilleur, d’éviter et de prévenir le pire. À chaque instant, la terre pourrait se dérober sous nos pieds, le ciel pourrait nous tomber sur la tête. Au propre comme au figuré.
Tous, nous ne sommes que de simples figurants et spectateurs de notre destin : aucun d’entre nous ne sait quand sa vie s’arrêtera, quand viendra la mort. On le voit tous les jours : les voies du Seigneur sont impénétrables.
L’homme, dit-on dans certaines religions, est à l’image de Dieu, dont il ne peut cependant avoir les pouvoirs ni l’infinie sagesse et miséricorde. L’homme s’efface avec les années dans le temps, tandis que Dieu, omnipotent, demeure dans l’éternité. Restons donc humains, humbles, en ayant les pieds sur terre, même si, dans l’insouciance des beaux jours, il nous arrive de nous croire aussi hauts que le ciel.
Évitons surtout de nous considérer comme Dieu le Père, parce que Lui, si jaloux de sa suprématie, pourrait, en guise de représailles, abattre ses foudres sur nous.
Chaque homme, comme chaque peuple, est, d’une certaine manière, responsable de son bonheur et demeure l’artisan de son malheur : Dieu récompense toujours le bien comme il ne manque pas de punir le mal. À chacun de choisir sa voie, à tout peuple de faire son choix.
Tibou Kamara
L’article Avons-nous conscience que nous sommes tous pécheurs et que nous vivons avec la mort ? [Par Tibou Kamara] est apparu en premier sur Mediaguinee.com.