Aboubacar Camara à propos de l’assainissement: « En 2026, une redevance spécifique sera fixée pour les eaux usées » (Interview)

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Dans un entretien exclusif, le Ministre de l’Hydraulique et des Hydrocarbures revient sur la réforme prévue au premier trimestre 2026. Il insiste sur la vision et l’engagement constant du Chef de l’État pour l’eau et l’assainissement, rappelle les financements déjà mobilisés, et appelle chacun à prendre ses responsabilités pour transformer l’assainissement en opportunité nationale et en moteur d’emplois.

Mosaiqueguinee.com: Monsieur le Ministre, pouvez-vous nous expliquer la logique de cette nouvelle redevance sur les eaux usées ?

À partir du premier trimestre 2026, une redevance spécifique pour les eaux usées sera intégrée à la facture d’eau. Cette mesure vise à doter la Direction Générale de l’Assainissement de moyens propres pour s’autofinancer dans un délai de six mois et réduire progressivement la dépendance aux subventions de l’État.

C’est une démarche logique : dans la plupart des pays, la facture d’eau potable inclut une redevance d’assainissement. Toute eau distribuée devient tôt ou tard une eau usée qu’il faut collecter, traiter et rejeter dans des conditions respectueuses de l’environnement.

Certains citoyens estiment qu’ajouter une redevance alors que l’eau elle-même est rare pourrait être mal perçu. Que leur répondez-vous ?

C’est une préoccupation légitime. Oui, nous connaissons encore des pénuries dans certaines localités. Mais je tiens à rappeler que la question de l’eau est une priorité absolue du Chef de l’État et du Gouvernement. À chaque occasion, il y revient avec constance, et il agit. La preuve : un financement de 200 millions de dollars de la Banque mondiale vient d’être approuvé pour l’approvisionnement en eau du Grand Conakry, auquel s’ajoutent 20 millions pour l’assainissement.

Il est vrai que l’État fait déjà beaucoup, souvent sans visibilité suffisante. Mais il faut franchir un cap : transformer l’assainissement en une opportunité économique et sociale, qui profite aux jeunes, aux PME et aux collectivités.

Concrètement, comment cette redevance sera-t-elle appliquée ?

Dès février 2026, chaque facture d’eau comportera une ligne supplémentaire « Eaux usées/Assainissement ». Le montant sera forfaitaire dans un premier temps. Dès le deuxième trimestre, il évoluera vers une tarification proportionnelle au volume consommé, plus équitable et adaptée aux usages.

La contribution s’appliquera aussi aux ménages disposant de forages privés. Car même s’ils ne figurent pas sur les factures de la SEG, ils rejettent eux aussi des eaux usées dans l’environnement ou les réseaux collectifs. Ne pas les inclure serait une injustice : les abonnés du réseau financeraient deux services, tandis que d’autres utiliseraient sans contribuer.

Ce modèle existe-t-il ailleurs ?

Absolument. En Côte d’Ivoire, la SODECI facture une redevance reversée à l’ONAD. Au Sénégal, la SDE prélève pour l’ONAS. Au Maroc et en France, les factures d’eau incluent systématiquement une ligne pour l’assainissement.

La Guinée ne fait donc que rejoindre une pratique universelle. Ce n’est pas une innovation isolée : c’est une exigence de modernisation.

Au-delà du financement, où sont les opportunités pour la jeunesse et l’économie ?

C’est ici que réside l’essentiel. Pendant longtemps, nous nous sommes limités à ramasser et enfouir les déchets. Mais l’avenir, c’est la transformation et la valorisation.

  • Agriculture : les déchets organiques peuvent être transformés en compost et engrais naturels pour soutenir la productivité agricole et réduire notre dépendance aux engrais importés.
  • Construction et voirie : les plastiques et verres recyclés peuvent être transformés en pavés et dallettes écologiques, utilisables dans les programmes routiers et urbains. D’ailleurs, nous engagerons avec le Ministère des Travaux Publics l’obligation d’intégrer ces matériaux dans les DAO (dossiers d’appel d’offres) des nouvelles infrastructures.
  • Énergies renouvelables : les déchets solides et liquides peuvent devenir des sources d’énergie verte, que ce soit à travers la méthanisation (biogaz) ou des mini-centrales de valorisation énergétique.
  • PME et start-ups : des dizaines d’entreprises locales peuvent émerger dans la collecte, le tri, le recyclage, le transport et la transformation, créant ainsi des milliers d’emplois.

C’est donc une véritable filière économique qui s’ouvre, avec des retombées directes pour l’emploi, l’innovation et l’environnement.

Un mot pour conclure ?

Je voudrais dire ceci : Conakry et la Guinée seront propres, sans aucun doute. Mais cela suppose que chacun accepte de contribuer. Car les ordures, ce sont nous qui les produisons, et donc c’est à nous de les gérer.

L’assainissement est une question de santé publique, de dignité et de modernité. Personne ne viendra de l’extérieur nettoyer nos villes. Nous devons agir, ensemble, avec courage et discipline.

Ce qui est présenté comme “complexe” n’est souvent que l’argument de ceux qui craignent le changement. Mais nous allons travailler avec toutes les parties prenantes pour démontrer que cette réforme est non seulement possible, mais aussi bénéfique pour tous.

Il n’y a pas deux chemins : avec volonté, organisation et responsabilité, nous ferons de l’assainissement une réussite collective et un moteur de développement durable pour la Guinée.

Mosaiqueguinee.com

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