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Assise sur une vieille chaise métallique rouillée, les jambes posées sur une autre, Marie Camara scrute l’entrée du garage où stationnent les camions de collecte. Comme ses anciens collègues, elle veille depuis une semaine à empêcher toute reprise d’activité sur le site. À plus de soixante-dix ans, cette ex-balayeuse de l’ANASP, mise à la retraite il y a un peu plus de cinq ans, dit être « à bout de souffle ».
Pourtant, chaque matin à 6 heures, elle revient, comme au temps où elle balayait les rues, décidée à réclamer une chose simple : être payée pour les années de service qui, estime-t-elle, lui sont dues.
Autour d’elle, une centaine d’anciens travailleurs de l’assainissement — chauffeurs, éboueurs, techniciens, balayeuses — partagent la même fatigue, la même colère et surtout le même sentiment d’abandon. Tous ont été remerciés après le changement de société gestionnaire du site.
« Regarde mes yeux… c’est la poussière qui m’a fait ça »
Marie parle d’une voix cassée, régulièrement interrompue par la douleur.
« Nous avons travaillé dans l’assainissement pendant 30 ans. Tu vois mes yeux ? Tout cela est l’effet de la poussière. Les nerfs de mes doigts sont raids suite au balayage de trois décennies. Je ne peux même plus me tenir debout, mes hanches sont déboîtées à force de me courber», confie-t-elle en massant ses mains déformées.
Son récit révèle un métier difficile, ingrat, souvent méprisé.
Elle se rappelle l’époque où le balayage des rues était réservé aux prisonniers, surveillés par des gardes armés.
« Nous, on a osé prendre leur place juste pour nourrir nos enfants. On était payés 2 000 sylis. Les gens nous fuyaient, les chefs tenaient leur nez en passant. On a fait ça sans congés, sans faveur. Même malade, le directeur disait qu’il n’en avait rien à faire : il fallait balayer. Si tu ne balais pas, on te prélève sur le salaire. »
« On a travaillé dans Ebola, choléra, tuberculose… »
Aux conditions pénibles s’ajoutaient les risques sanitaires.
Marie et ses collègues ont affronté les grandes épidémies : Ebola, choléra, tuberculose. Souvent sans gants adéquats, sans masques certifiés, sans véritable suivi médical.
« On a tout accepté. Aujourd’hui, on nous dit qu’on est fatigués, qu’ils n’ont plus besoin de nous. Ils sont maintenant avec une nouvelle société et nous ont mis dehors. »
Depuis leur départ forcé, certains travailleurs ont perdu leur logement, d’autres sont retournés au village. Plusieurs sont décédés « de sales maladies », faute de moyens pour se soigner.
Dossiers déposés, promesses non tenues
Selon les manifestants, leurs dossiers — contrats et documents administratifs — ont été déposés à l’Inspection générale du Travail.
L’État, affirment-ils, s’est engagé à prendre en compte 20 ans de service sur les 33 qu’ils réclamaient.
« Nous sommes tombés d’accord. Ils ont dit qu’après la réhabilitation du site, ils allaient nous payer. Aujourd’hui, le site est fini, ils veulent l’inaugurer… mais nous, on n’a rien. Silence total. »
Ce silence les a poussés à occuper le site. Ils assurent qu’aucune activité ne reprendra tant qu’ils ne seront pas rétablis dans leurs droits.
« Si je meurs sans recevoir cet argent, ce sera mon plus grand regret»
Malgré la maladie, l’âge et l’usure du corps, Marie refuse d’abandonner.
« Je suis malade mais je vais courir derrière cet argent. Si je meurs sans le recevoir, ce sera un regret total. J’ai travaillé pour ça et je le réclamerai jusqu’au bout. »
Elle lance un appel aux autorités, mais aussi aux personnes de bonne volonté
« Aidez-nous à entrer en possession de nos pensions. À la Caisse nationale de sécurité sociale, on nous dit qu’on n’a rien là-bas, alors que tout le temps qu’on a travaillé, on a cotisé. Nous sommes épuisés mais nous ne renoncerons pas. »
Une lutte pour la dignité
Sur le sol poussiéreux du dépôt, Marie Camara ne demande ni honneur ni remerciement.
Elle réclame simplement la reconnaissance de trois décennies de labeur, passées à nettoyer l’espace public dans l’indifférence générale.
Son combat, dit-elle, n’est pas seulement le sien : il est aussi celui de « ceux qui sont morts sans rien » et de ceux qui, chaque matin depuis lundi, viennent s’asseoir devant le site dans l’espoir d’obtenir enfin justice.
De son côté, le directeur général de l’ANASP rappelle qu’il s’agit d’un dossier ancien et complexe, lié au transfert des compétences vers les communes, lesquelles n’avaient pas pu absorber l’ensemble du personnel. Cela avait entraîné plusieurs vagues de licenciements. Il précise avoir hérité du dossier il y a seulement quatre mois, tout comme le ministre de tutelle, lui aussi nouvellement nommé. « Mais l’administration étant une continuité, nous examinons actuellement le dossier », assure-t-il.
Selon lui, les pièces sont éparpillées entre plusieurs ministères, ce qui nécessite du temps pour retrouver les informations manquantes et identifier les points de blocage. Il appelle donc les travailleurs à faire preuve de patience.
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il y a 12 heures
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