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Ce jeudi 2 octobre 2025 marque le 67ᵉ anniversaire de l’accession de la Guinée à l’indépendance.
Plus d’un demi-siècle après, le pays peine toujours à sortir de l’ornière. Les défis et obstacles demeurent nombreux pour le décollage économique du pays.
Pour faire le point sur la situation de la Guinée de l’indépendance à nos jours, notre rédaction s’est entretenue avec le professeur Mohamed Moustapha Diop, anthropologue et doyen de la faculté des sciences sociales à l’Université Général Lansana Conté de Sonfonia.
Mosaiqueguinee.com : Professeur Mohamed Moustapha Diop, la Guinée fête ce 2 octobre 2025 ses 67 ans d’indépendance. Dites-nous comment vous évaluez le parcours de la Guinée depuis son indépendance jusqu’à aujourd’hui, juste en quelques mots.
Pr. Diop : Merci vraiment de votre invitation, merci de me solliciter en cette journée très importante du 2 octobre 2025. C’est une question très importante. Je pense que tous les Guinéens sont fiers de leur drapeau tricolore. Ma lecture de l’histoire de notre pays se fera en trois temps, avec votre permission. Trois périodes importantes que je résumerai selon mon point de vue personnel.
La première période concerne la rupture avec l’administration coloniale française.
La deuxième période est celle de la gestion de notre indépendance.
La troisième période, je la qualifierai de dépassement de ce passé, et de refondation du pays avec ce qu’on appelle aujourd’hui la souveraineté économique de la Guinée. Voilà trois périodes sur lesquelles je peux donner mon point de vue pour caractériser un peu l’histoire de notre beau pays, la Guinée.
Mosaiqueguinee.com : La Guinée dispose d’un fort potentiel mais peine à décoller. Selon vous, quelles en sont les principales causes ?
Pr. Diop : Pour répondre à cette question, je voudrais d’abord dire que la Guinée a été très longtemps handicapée par l’exploitation coloniale. C’est pourquoi les Guinéens ont demandé l’indépendance en 1958. Le général De Gaulle avait proposé une alternative entre la communauté et l’indépendance. Très rapidement, la Guinée a été l’un des premiers pays francophones à accepter la rupture avec la France, car nous étions dans une situation d’exploitation coloniale qui ne profitait pas au pays. Mais ces 67 ans de souveraineté ont été difficiles pour la Guinée, car la France n’a quasiment pas accepté cette rupture et a continué à saboter la politique guinéenne. La gestion de l’indépendance de 1958 à nos jours a donc été particulièrement difficile. La Guinée a été isolée, et les Guinéens se sont retrouvés dans des situations extrêmement compliquées.
Malgré tout, le régime de Sékou Touré a permis à la Guinée de prendre une voie de liberté, d’autonomie et de souveraineté. C’est un pays qui a traversé beaucoup de difficultés, mais il doit être fier de sa résistance et de sa fierté face à l’oppression et à la politique coloniale.
Aujourd’hui, nous voyons que d’autres pays ayant suivi la France, comme le Mali, le Sénégal, le Burkina Faso et le Niger, reviennent sur le choix qu’avait fait la Guinée en 1958. Cela montre que c’était le bon choix.
Il faut que le peuple africain soit indépendant, libre et digne. Les obstacles ont été à la fois politiques et internes. L’histoire tumultueuse de la Guinée a été marquée par l’instabilité, les coups d’État, les divisions ethniques et les violences. Tout cela a empêché le développement économique, malgré les ressources naturelles considérables : la mer, la savane, les montagnes et la forêt.
Aujourd’hui, nous devons dépasser ce passé tumultueux pour refonder l’État et travailler ensemble, dans l’égalité, la cohésion et le patriotisme. Les Guinéens doivent réapprendre à s’aimer, à se faire confiance et à être fiers de leur histoire. Toutes les histoires de construction d’un peuple sont émaillées de violences, de divisions et d’injustices. Nous ne pouvons pas revenir sur le passé, mais nous devons le dépasser pour refonder une société guinéenne rassemblée et orientée dans la même direction.
Mosaiqueguinee.com : Selon vous, quels secteurs devraient être développés pour impulser une vraie croissance économique ?
Pr. Diop : Je pense que le projet Simandou 2040 résume parfaitement cela. C’est un projet bien pensé et conçu qui prend en compte les piliers essentiels du développement : l’éducation, la santé, les infrastructures et l’industrialisation.
Le CNRD est conscient qu’un pays ne peut se développer sans infrastructures, notamment routières. Nous avons vu les récentes inondations : le pays n’est pas suffisamment aménagé, il manque d’énergie, de routes et d’infrastructures de base. Ces quatre piliers sont fondamentaux pour relancer le développement du pays.
Mosaiqueguinee.com : Quel rôle devraient jouer les jeunes pour le développement du pays ?
Pr. Diop : Les jeunes sont au cœur du développement, mais ils doivent d’abord être bien formés. Nous avons un problème majeur de formation et d’éducation. Beaucoup de nos étudiants ne peuvent pas répondre à certains appels d’offres faute de bases solides. Une bonne formation, une éducation civique et une citoyenneté responsable sont indispensables.
Beaucoup de jeunes ont été contraints de migrer, parfois au péril de leur vie, faute de conditions favorables dans le pays. Heureusement, il y a eu des investissements dans l’éducation, les salaires des enseignants ont été revalorisés, ce qui est un pas important.
Mosaiqueguinee.com : Pour terminer, quel message souhaitez-vous adresser au peuple de Guinée à l’occasion de ce 67ᵉ anniversaire de l’indépendance ?
Pr. Diop : Mon message clé est d’abord la paix. Sans paix, aucun pays ne peut se développer. L’histoire de notre indépendance a été tumultueuse, avec des violences et des divisions sociales. Il est essentiel que la Guinée accepte la diversité d’opinions et que le peuple soit au cœur des préoccupations des élites.
Les dirigeants doivent servir le pays plutôt que de se servir de lui. Si les Guinéens se rassemblent et travaillent dans la cohésion et la solidarité, le pays pourra enfin réaliser son potentiel.
Mosaiqueguinee.com : Merci beaucoup, professeur Mohamed Moustapha Diop, pour votre disponibilité.
Pr. Diop : Merci à vous et bonne fête de l’indépendance à tous.
Entretien réalisé par Hadja Kadé BARRY