Tiébilé DRAMÉ, un baobab de la démocratie malienne (Par Kabiné Komara)

Introduction

Le grand Homme Tiébilé DRAMÉ qui a rejoint sa dernière demeure à Bamako sa terre natale ce vendredi 15 août 2025, restera pour tous les maliens, le symbole le plus précoce de l’engagement et de la témérité qui l’ont conduit à être emprisonné dès l’âge de 14 ans.

Feu Tiébilé Dramé

Ceci ne fut pour lui qu’une écorchure qui allait forger son engagement tous azimuts

En effet Tiébilé DRAMÉ (1955–2025) incarne une existence entière consacrée à la liberté, à la démocratie et à la dignité d’un pays en quête de stabilité. De leader estudiantin sous la dictature de Moussa Traoré à diplomate aguerri et homme d’État, son parcours épouse les grandes fractures de l’histoire contemporaine du Mali. Son décès, le 12 août 2025 à Paris, a suscité une vive émotion, avant que ses obsèques à Bamako ne deviennent un moment de communion nationale et d’hommage unanime à l’un des plus grands artisans de la démocratie malienne.

1. Un militant forgé dans la résistance (1977–1991)

Né à Nioro-du-Sahel, Tiébilé DRAMÉ s’imposa dès sa jeunesse comme un militant déterminé. Secrétaire général de l’ADEENSUP puis de l’UNEEM, il mena la lutte estudiantine contre le régime de Moussa Traoré. Cette opposition lui valut la prison et plusieurs séjours en détention dans le Nord du Mali.

Contraint à l’exil en 1981, il rejoignit la France puis le Royaume-Uni, travaillant notamment pour Amnesty International. Ainsi depuis Londres ; il apporta sa voix et sa plume aux combattants opprimés dans les pays africains placés sous sa sphère de responsabilité, jusqu’à faire éclaterau grand jour des difficiles situations   jusque-là enfouiessous le sceau de la dénégation.

Son combat ne se limita pas ainsi au Mali : il s’impliqua dans des réseaux africains et internationaux en faveur des droits humains et de la démocratie.

2. Un acteur clé de la transition démocratique (1991–1995)

Le changement de régime intervenu en 1991 offrit à DRAMÉ l’opportunité de revenir au Mali. Il devint Ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de transition, marquant son entrée sur la scène institutionnelle. Son action participa à l’ouverture démocratique et à la reconstruction politique du pays.

En 1992, il fonda Le Républicain, un journal devenu un pilier de la presse indépendante malienne, outil de débat public et de critique constructive.

Il n’hésita pas à ouvrir les colonnes de ce media à toute   contribution qu’il trouvait digne d’intérêt pour réveiller les consciences. Personnellement ; il m’offrit l’occasion de publier la tribune que j’avais faite sur la mort de cet autre orfèvre de la politique malienne ; je veux nommer Soumaila CISSÉ.

Sa chère épouse Kadiatou KONARÉ, affectueusement appelée « Atou » par ses intimes ; fille du Président Alpha Oumar KONARÉ n’en est moins généreuse pour contribuer à l’éclosion de l’élan littéraire des jeunes valeurs d’où qu’elles viennent, à travers sa maison d’édition Cauris Edition. C’est ainsi, qu’elle prit la responsabilité de publier le premier roman autobiographique de ma dernièrefille Sire KOMARA alors que celle-ci n’avait que14 ans.C’est ici l’occasion de demander à Madame DRAMÉ néeAtou KONARÉ et a ses enfants d’accepter lescondoléances les plus émues de ma famille ainsi que l’expression de notre gratitude infinie ainsi que nos ferventes prières pour le repos de l’âme de mon frèreTiébilé DRAMÉ.

3. L’architecte politique et le bâtisseur d’institutions (1995–2005)

En 1995, il quitta le CNID pour créer le PARENA, parti dont il fut le président. Un an plus tard, il entra au gouvernement en tant que Ministre des Zones Arides et Semi-Arides, puis fut élu député. Entre 2001 et 2002, il présida le Comité Interparlementaire de l’UEMOA. Son rôle fut également déterminant dans l’organisation du Sommet Afrique-France de Bamako en 2005.

Au-delà du Mali, il s’illustra comme médiateur de l’ONU au Burundi, en Haïti et dans la crise malgache, confirmant son statut de diplomate de renom.

4. Un candidat et un visionnaire pour un autre Mali (2002–2013)

Tiébilé DRAMÉ fut candidat à deux élections présidentielles, en 2002 et 2007, défendant l’idée qu’« un autre Mali est possible ». Son programme mettait en avant la sécurité alimentaire, l’éducation, la bonne gouvernance et le développement du Nord. Bien que ses scores aient été modestes, il s’imposa comme une voix incontournable du débat national. En 2013, par souci de transparence et de sécurité, il renonça à se présenter, montrant une fois encore que l’intérêt supérieur du pays primait sur ses ambitions personnelles.

5. Le diplomate d’ouverture et l’homme de compromis (2019–2020)

En 2019, Dramé fit son retour comme ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale. Dans un Mali fragilisé par les crises sécuritaires, il défendit une diplomatie lucide, appelant à une relecture de l’accord d’Alger tout en s’opposant à des négociations directes avec les jihadistes. Son pragmatisme, allié à sa fermeté, illustra une diplomatie de convictions.

6. Un lion politique engagé jusqu’au bout (2013–2025)

Au-delà des institutions, il fut l’un des artisans du mouvement Antè Abana en 2017, opposé à la révision constitutionnelle initiée par le Président de l’époque Ibrahim Boubacar KEITA « IBK ». En 2018, il soutint la candidature de Soumaïla CISSÉ, confirmant sa fidélité à la démocratie et son rejet des aventures personnelles. Jusqu’à ses derniers jours, il resta un orateur respecté, toujours à l’écoute du peuple.

7. Des obsèques à Bamako : un hommage national

La disparition de Tiébilé DRAMÉ fut suivie par des obsèques émouvantes le 15 août 2025 à son domicile de Sokorodji, à Bamako. Le lieu, choisi pour sa dimension symbolique et intime, rassembla une foule immense : sa famille, des diplomates, des journalistes, des compagnons de lutte et une multitude de citoyens anonymes.  De mémoire de Bamakois ; jamais une cérémonie n’aura réuni  autant de myriades de maliens de tous bords. Mêmel’ancien Président Alpha Oumar KONARÉ connu pour nejamais être aperçu en public et son épouse étaient de la partie.

Les témoignages les plus sublimes et les plus glorificateurs ont été exprimés pour révéler les multiples facettes du riche   et respectable héritage laisse par l’illustre disparu.

L’émotion était palpable, tant le pays semblait orphelin d’une figure qui avait marqué, de près ou de loin, plus de quatre décennies de son histoire politique.

Conclusion

Tiébilé DRAMÉ laisse derrière lui l’image d’un soldat de la démocratie, d’un lion politique dont la voix portait bien au-delà du Mali. Étudiant rebelle, prisonnier, exilé, journaliste, ministre, diplomate et médiateur, il incarne la complexité et la grandeur d’un destin façonné par la conviction et le courage.

Ses obsèques à Bamako ont montré que son héritage dépasse les clivages politiques : elles ont uni une nation autour de sa mémoire, rappelant que ses idéaux demeurent une boussole pour les générations futures.

                                                                                                   Kabiné KOMARA

                                                                                                      Ancien Premier Ministre.

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