Sous le même toit, mais plus dans le même monde : la cohabitation silencieuse de nombreux couples guinéens

il y a 5 heures 49
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Ils partagent la même maison, parfois le même lit, les mêmes enfants, souvent les mêmes repas. Et pourtant, ils ne partagent plus rien d’autre. Pas un mot tendre, pas un regard complice. En Guinée, de nombreux couples vivent un phénomène discret, douloureux et trop peu abordé : le divorce silencieux. Une séparation affective non officialisée, marquée par l’indifférence, le silence et les petits gestes du quotidien qui ne mentent pas.

Des mariages figés dans le silence

Notre rédaction est allée à la rencontre de couples mariés, tous engagés dans une forme de cohabitation sans communication. Le constat est souvent le même : l’amour s’est tu, remplacé par une routine distante et pesante.

C’est le cas de cette femme mariée depuis neuf ans, que nous appellerons Dame X. Elle raconte sa routine quotidienne, le sourire un peu amer : « Chaque matin, je me lève avant lui pour préparer son petit déjeuner. Il dort encore, le dos tourné, le visage contre le mur. On ne se parle plus, mais je continue à lui faire son café. Il le boit en silence, puis il sort… sans un mot. »

Elle ajoute, mi-rieuse, mi-amère : « Un jour, j’ai mis du sel à la place du sucre dans son café. Il l’a bu sans broncher. Là, j’ai compris qu’il était prêt à mourir d’orgueil plutôt que d’admettre qu’il avait senti le goût. »

« On vit ensemble, mais on ne s’aime plus »

Comme elle, Aïssatou, la quarantaine, raconte la douleur d’un quotidien muet : « On n’est pas fâchés, on n’est pas amis non plus. On est comme deux étrangers dans une gare, chacun attendant un train qui ne viendra pas. »

Pour elle, le silence est plus cruel que les disputes : « Ce qui me tue, c’est le mépris. Les choses qu’il ne dit plus. Je préfère une insulte qu’un silence. »

Dans un coin du salon, elle s’adresse parfois à son mari… sans réponse. Elle finit par se répondre elle-même.

« Un jour, mon fils m’a demandé : “Maman, tu parles à qui ?” Je lui ai dit : “À ton papa, mais dans ma tête. Parce que dehors, il ne m’écoute plus.” »

L’humour désabusé d’un mari résigné

Un chauffeur de taxi de la place partage lui aussi sa version d’un amour qui s’est dissous dans l’habitude : « L’habitude a tué l’amour. Tu dis blanc, elle dit noir. Tu lui demandes de monter, elle descend. Elle sait que je déteste la soupe, elle en fait tous les deux jours. Je mange, je dis rien. »

Il rit en se rappelant une scène révélatrice : « Un jour j’ai éternué, elle m’a dit : “Éternue doucement, même ton bruit me fatigue.” Là, j’ai compris que c’était fini. On dort dans le même lit, mais c’est comme un terrain de foot : chacun reste dans son camp. Et la couverture, c’est la ligne de démarcation. »

Et de conclure, un brin fataliste : « Quand elle veut me parler, elle passe par notre fille. On communique à travers les enfants. Le jour où elle comprendra que c’est moi l’homme, peut-être que je changerai. »

Un phénomène préoccupant, selon les spécialistes

Consulté sur la question, Moussa Sidibé, diplômé en psychologie sociale dans une université privée de Conakry, y voit un signal d’alerte : « Ce silence chronique est un symptôme sérieux. Quand un couple ne parle plus, c’est que le lien est déjà très affaibli. Le foyer devient une cohabitation glacée. Il faut recréer des moments à deux, oser demander pardon, et surtout retrouver la capacité de rire ensemble. Même dans la fatigue. »

Un espoir malgré tout

Car le plus grand drame d’un couple, ce n’est pas toujours l’infidélité. C’est l’indifférence. Derrière les murs de ces foyers silencieux, se cachent souvent des rêves brisés, des mots non dits, des « je t’aime » étouffés.

Mais parfois, il suffit d’un regard sincère, d’un geste maladroit mais tendre, d’un petit pardon discret pour rallumer une flamme que l’on croyait éteinte.

Christine Finda Kamano

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