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Samedi dernier, le tout-nouveau président gabonais a solennellement prêté serment dans un stade comble, sous les acclamations d’une foule visiblement conquise. Au milieu de cette assemblée enthousiaste trônaient des homologues africains de tous profils, venus admirer le spectacle.
Brice Oligui Nguéma, ce général qui a troqué son treillis pour un costume trois-pièces, a officiellement « rendu le pouvoir aux civils » comme promis, après le putsch qui a mis une croix sur le long règne de la « dysnastie » Bongo. Le civil en question ? Lui-même, évidemment. « Au nom du père (Omar), du fils (Ali) et… du cousin éloigné ! », ironisent les esprits taquins.
On peut dire que l’histoire se répète, avec juste quelques variantes : pour abattre un César affaibli et honni, il suffit parfois d’un Brutus opportuniste, qui sait flairer les bonnes occasions à ne pas manquer. La fête fut belle, malgré une coupure d’électricité venue rappeler opportunément que le bail de sept ans du « bâtisseur » ne sera pas une sinécure. Dommage que l’ancien aide de camp de Bongo père, parachuté au sommet de l’État gabonais, n’ait pas pu, sans doute à cause de la solennité de l’événement, esquisser quelques pas de danse pour épater davantage la galerie. On aurait alors admiré un talent capable de faire pâlir de jalousie Michael Jackson d’outre-tombe.
Cet événement, qui clôt 20 mois de transition, invite à un parallèle savoureux avec d’autres « démocraties innovantes ». Au Mali, le général Assimi Goïta, lui, fait plutôt dans le mode sobre, voire taciturne. On l’imagine mal se laisser entraîner sur une piste de danse. Alors que la constitution prévoit que le militaire souhaitant briguer la présidence doit avoir quitté l’armée, les « consultations des forces vives » lui ouvrent grand la porte. On l’élève président de la République pour un quinquennat renouvelable, sans la moindre élection, et jette à la poubelle la pléthore de partis qui empestent le paysage politique. Après la « pacification » du pays, seules cinq formations seront autorisées. Voilà une méthode expéditive et pragmatique, à la 4-6-2 : finies les campagnes électorales ruineuses ! Au diable ces scrutins qui coûtent la prunelle des yeux alors que le peuple manque de tout ! Du balai, les parasites si doués pour la flatterie, vivant aux dépens de leaders à l’ego surdimensionné ! Terminé, les petits arrangements entre politiciens aux dents longues et bétails électoraux à la mémoire courte !
Ce « coup de génie » – inspiré des voisins de l’AES – serait-il l’avenir de la démocratie « véritablement africaine » ? Un modèle affranchi du mimétisme occidental, parfaitement adapté à nos réalités locales. Comme les épidémies de coups d’État, ainsi que le goût de plus en plus prononcé des hommes en uniforme pour les costumes griffés, des occupants de casernes austères pour les ors et lambris des palais présidentiels.
Seuls quelques « laquais néocolonisés » résistent à cette idée révolutionnaire. Heureusement, ces trouble-fêtes, qui ont osé manifester le week-end dernier à Bamako, furent vite neutralisés par un mouvement de « patriotes », spontané et déterminé à protéger les « acquis incommensurables » de la junte. Preuve que le peuple malien, fort de sa sagesse héritée de ses empires médiévaux, préfère l’efficacité des garnisons aux vaines promesses des QG politiques, même si c’est avec des méthodes que certains qualifient de moyenâgeuses.
De son côté, une autre « dynastie » du continent, celle fondée par Gnassimbé Eyadema, a trouvé le moyen de concilier démocratie dite occidentale et royauté ancestrale. Grâce à un régime parlementaire où le président du conseil des ministres, chef du parti majoritaire, tient tous les leviers du pouvoir, sans limitation de durée. À côté, un « président de la République postiche » élu par les parlementaires, mais qui n’est qu’un poste honorifique.
Chapeau l’artiste Faure ! Ton jeu de ping-pong politique est encore plus fort que celui de Poutine et Medvedev.
Avec ces exemples qui sont loin d’être exhaustifs, peut-on encore douter que sur cette veille Afrique, de fiers guerriers, avides de couronnes même usurpées, possèdent indéniablement un immense talent ?
Top Sylla
L’article Satire à vue- Présidence à vie et démocratie en trompe-l’œil : un label africain [Par Top Sylla] est apparu en premier sur Mediaguinee.com.