Hydrocarbures : régulation, structuration du marché et transition énergétique au cœur des débats à Conakry

il y a 5 heures 48
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Les travaux de la table ronde sur les hydrocarbures se sont poursuivis ce jeudi dans la capitale guinéenne, réunissant experts nationaux et internationaux autour de deux grands axes : la régulation du marché aval et le rôle du gaz dans la transition énergétique. Deux panels denses, riches en analyses, propositions concrètes et retours d’expérience.

Le premier panel du jour, consacré à la régulation et à la structuration du marché aval, a permis de cerner les faiblesses actuelles du secteur et les réformes urgentes à mener. Animé par Jean Paul Kotembendouno, il a réuni des intervenants expérimentés dont Souleymane Keita (ancien cadre de Shell), Kamana Sadji Diallo (DG de FapGaz), Metch Mel (expert ivoirien) et le Colonel Souaré (représentant des Douanes).

D’emblée, le modérateur a planté le décor : « Le marché des hydrocarbures se divise en trois segments : l’amont, le midstream, et l’aval. C’est ce dernier qui structure véritablement la consommation. » Il a pointé trois défis majeurs pour la Guinée :

La faiblesse des capacités de stockage, exacerbée par l’explosion de Kaloum en 2023.

Un système de transport fragile, avec des enjeux environnementaux croissants.

L’absence d’un cadre réglementaire clair, et d’une hiérarchisation des responsabilités entre acteurs.

Jean Paul Kotembendouno a insisté : « La régulation ne doit pas être perçue comme un frein, mais comme un outil d’organisation et de coexistence autour d’une vision partagée. »

Souleymane Keita a mis l’accent sur les fondations indispensables d’une régulation efficace : « Il faut une volonté politique forte et une vision stratégique portée par la Direction nationale des hydrocarbures. » Il a plaidé pour un recensement des textes existants, même anciens, et leur adaptation aux réalités actuelles, assortie d’une veille réglementaire active.

Concernant le contrôle qualité, M. Keita a été clair : « De l’importation à la station-service, en passant par les camions-citernes, la conformité doit être assurée à chaque étape. » Il propose la création d’un laboratoire de référence national et la formation des inspecteurs.

Kamana Sadji Diallo, pour sa part, a souligné le retard du secteur gazier : « La Guinée consomme à peine 6 500 tonnes de gaz par an, contre 500 000 tonnes en Côte d’Ivoire. » Il a annoncé la construction d’une usine de fabrication de bouteilles d’une capacité d’un million d’unités par an, et un projet de réglementation du secteur gazier en cours de finalisation.

L’expert ivoirien Metch Mel a abondé dans le même sens : « Sans réglementation claire, aucune norme de qualité ne peut s’imposer. » Il a évoqué le modèle ivoirien, basé sur des inspections semestrielles obligatoires, des checklists standardisées et des guides pour les inspecteurs.

Le gaz butane, levier central de la transition énergétique en Guinée

Le second panel, intitulé « Le gaz au cœur de la transition énergétique », a permis de dresser un état des lieux de la filière gaz en Guinée et dans la sous-région. Animé par Mohamed Lamine Sylla (DGA de NN Gaz), il a réuni notamment Elhadj Thierno Abdoul Barry (Groupement des professionnels du gaz), Aboubacr Sylla (Bureau des évaluations environnementales), Ibarima Noba (ministère sénégalais de l’Énergie), et Kémoko Touré (ex-DG de la CBG).

Depuis 2018, la Guinée a mis en place une série de mesures ambitieuses pour promouvoir l’usage du gaz butane. « L’exonération fiscale de 18 % en 2018 a permis de faire chuter le prix de la bouteille de 6 kg de 135 000 à 105 000 francs », a rappelé M. Sylla.
En 2019, la création du Fonds d’Appui à la Promotion du Gaz Butane (FABGAP) a marqué un tournant. Grâce à ce fonds :

La capacité de stockage a été portée à 2 000 tonnes.

Une structure tarifaire officielle a vu le jour en 2021, faisant tomber les prix jusqu’à 68 000 francs.

Une usine (DERP Complex gazier) d’une capacité de 16 000 tonnes a été lancée en 2023.

Selon Elhadj Thierno Abdoul Barry, le FABGAP est alimenté par des taxes prélevées sur les carburants (19 GNF par litre) et sur le secteur minier (177 GNF). Cette subvention estimée à 150-200 milliards de francs guinéens finance non seulement le gaz, mais aussi la fabrication locale de bouteilles.

Il a détaillé les trois composantes du service gazier : « le contenu (le gaz), le contenant (la bouteille), et les accessoires. Il faut agir sur les trois simultanément. »

Toutefois, le taux de pénétration du gaz reste préoccupant : « En zone rurale, 75 % de la population utilise encore le bois ou le charbon. » À Conakry, l’usage est plus élevé (entre 50 et 75 %), mais des efforts sont à intensifier en milieu rural.

Mohamed Lamine Sylla a souligné l’enjeu environnemental : « La consommation persistante de charbon et de bois alimente la déforestation. » Le gaz butane, mais aussi le biogaz, offrent des alternatives. Depuis 2016, plus de 1 500 biodigesteurs ont été installés en zones rurales, produisant gaz, électricité, et fertilisants agricoles.

Le Sénégal, présenté par M. Noba, fait figure de modèle régional. Le pays a découvert 20 TCF de gaz naturel offshore, utilisé pour produire de l’électricité (programme Gas to Power) et développer l’industrie. Le pays convertit également ses centrales thermiques au gaz naturel pour réduire les émissions de CO₂ et baisser les coûts de production.

En conclusion, Kémoko Touré a dressé un constat lucide : « La Guinée subit une déforestation massive sans politique nationale de reforestation depuis l’indépendance. » Il appelle à une cohérence des politiques publiques, reliant énergie, agriculture, industrie et environnement.

« Le gaz est une énergie de transition, certes fossile, mais plus propre que le bois ou le charbon. Pour valoriser nos ressources minières, il faut une politique énergétique réaliste, efficace et centrée sur la gouvernance. »
De ces discussions, trois axes majeurs ressortent :

Une réglementation claire, à jour, adaptée et respectée ;Un système de contrôle robuste, couvrant l’ensemble de la chaîne logistique et énergétique;

Une volonté politique durable, soutenue par des investissements massifs dans les infrastructures, la formation et l’innovation.

La table ronde des hydrocarbures, qui se poursuit jusqu’au 20 juin, s’impose comme un moment charnière pour esquisser une vision à long terme du secteur énergétique guinéen. Un chantier immense, mais incontournable pour répondre aux défis économiques, environnementaux et sociaux du pays.

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