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Cette décision, bien que saluée par certains observateurs pour sa volonté de moderniser l’action publique, a également suscité des critiques. Les plus sceptiques y voient une manœuvre politique, destinée à élargir la base de soutien du Comité National du Rassemblement pour le Développement (CNRD), en multipliant les postes à pourvoir. D’autres encore s’inquiètent des coûts budgétaires supplémentaires qu’impliquerait une telle expansion de l’appareil gouvernemental.
Mais au-delà des perceptions politiciennes, il y a une réforme structurelle à saluer. Il serait en effet réducteur, voire injuste, de n’envisager cette réforme que sous l’angle du clientélisme ou de la charge financière. Car en réalité, la création de ministères thématiques et autonomes répond à une exigence d’efficacité et de spécialisation de l’action publique, longtemps réclamée par les citoyens comme par les partenaires techniques et financiers.
Dans le contexte guinéen, les ministères dits « fourre-tout » ont souvent montré leurs limites. La gestion simultanée de plusieurs secteurs, parfois aux logiques divergentes, a engendré des chevauchements de compétences, des lenteurs administratives, et des politiques publiques peu lisibles. Par exemple, vouloir gérer l’Agriculture et l’Élevage dans un même portefeuille, combiner Culture, Tourisme et Hôtellerie, ou Sports et Jeunesse dans une seule entité, revient souvent à noyer les priorités sectorielles dans un magma bureaucratique.
En créant des ministères à vocation spécifique, l’exécutif fait le pari de la clarté des responsabilités, de la redevabilité sectorielle et de l’accélération des réformes ciblées. Cela permet d’avoir :
• Des ministres techniquement compétents, concentrés sur des objectifs clairs,
• Une politique publique mieux articulée autour des enjeux propres à chaque secteur,
• Une meilleure visibilité des résultats, aussi bien pour les citoyens que pour les bailleurs de fonds.
Il s’agit là d’un choix cohérent avec les exigences contemporaines de gouvernance. Car, dans un monde de plus en plus complexe, la gouvernance moderne requiert des administrations flexibles, spécialisées et réactives. La Guinée ne peut rester en marge de cette dynamique, surtout dans une période de transition où la refondation de l’État figure au centre du discours politique.
Prenons l’exemple de l’ancien département du Commerce, de l’Industrie et des PME : face à une économie dominée par l’informel, à des défis industriels colossaux et à une jeunesse en quête d’emplois durables, cette institution divisée désormais en deux entités ministérielles pourrait devenir un véritable levier de transformation économique, à condition d’être suffisamment doté, suivi et évalué.
Idem pour l’ancien ministère de l’Énergie, de l’Hydraulique et des Hydrocarbures : dans un pays confronté à des délestages chroniques et à une faible couverture en eau potable, une gouvernance sectorielle dédiée devient une nécessité stratégique, et non un luxe.
Certes, la création de nouveaux ministères a un coût budgétaire immédiat, mais elle peut générer à terme un gain substantiel en productivité, en clarté stratégique et en résultats concrets. C’est un pari sur l’efficacité, à condition bien sûr que ces entités soient animées par des femmes et des hommes compétents, intègres et responsables.
Dans une Guinée en quête de rupture avec les pratiques du passé, la multiplication des ministères n’est pas en soi un problème, tant qu’elle s’inscrit dans une logique de performance, de reddition des comptes et d’impact mesurable sur le quotidien des citoyens. C’est là tout le défi de cette réforme gouvernementale : faire de la fragmentation ministérielle une force, et non une faiblesse.
Thierno Oumar Diawara, journaliste
L’article Gouvernance en Guinée : et si la multiplication des ministères traduisait une volonté d’efficacité sectorielle ? (Par Thierno Diawara) est apparu en premier sur Mediaguinee.com.