Événements du 28 septembre 2009 : “Toumba est véridique. C’est Dadis qui a menti… Les instructions, c’est lui [Dadis] qui a tout donné” (Sékouba Konaté)

Dans un entretien exclusif accordé à la chaîne Voxafrica, l’ancien président de la transition guinéenne de 2010, le général Sékouba Konaté, est revenu sur plusieurs aspects de la vie socio-politique du pays, abordant notamment les événements tragiques du 28 septembre 2009, au stade de Conakry. Ce jour-là, plusieurs Guinéens ont trouvé la mort, des dizaines de disparus, des femmes violées, des personnes grièvement blessées ou handicapées à vie, des biens publics et privés pillés dans plusieurs quartiers de la capitale.

Durant cette interview de plus de 20 minutes, Sékouba Konaté, alors ministre de la Défense nationale, a clairement mis en cause l’ancien président de la transition, Moussa Dadis Camara. Il affirme que ce dernier a donné les instructions et soutient que les déclarations du commandant Aboubacar Diakité, alias Toumba, lors du procès, sont fondées : tout ce que Toumba a dit est vrai.

Évoquant les faits, le général Konaté affirme n’avoir pas été à Conakry au moment des événements et se dédouane :

« Moi, le 28 septembre, je n’étais pas à Conakry, j’étais à plus de 1000 km, parce que j’avais fait Guéckédou, Macenta et N’Zérékoré. Quand je suis arrivé à N’Zérékoré, dès que j’ai rejoint l’hôtel, Papa Koly, son jeune frère, est venu me voir pour m’informer qu’il y avait des problèmes à Conakry et qu’on voulait même saccager chez moi. J’ai dit : “Pourquoi vouloir saccager chez moi ?” »

Selon lui, tout semblait planifié pour le compromettre : « Vous avez entendu Toumba dire qu’en remontant, il a vu mes éléments. C’est lui personnellement qui m’a informé que des gens voulaient s’en prendre à moi. J’ai donc envoyé mon chef de protection à Taouyah pour vérifier s’il y avait un problème. Ils sont allés, et après, tout s’est calmé. »

Poursuivant, il estime que tout avait été orchestré pour l’impliquer : « Dans tout ça, j’ai compris que quelqu’un voulait me mettre dans les problèmes. En tant que ministre de la Défense, j’avais donné tout le pouvoir au directeur de cabinet militaire actuel, ainsi qu’au chef d’état-major particulier. Je leur avais dit de rendre compte directement à Dadis, pas à moi, car je n’étais jamais tranquille. »

Par rapport aux événements du 28 septembre, le général Konaté se dit serein et souhaite le transfert de l’affaire devant la Cour Pénale Internationale pour un nouveau jugement : « Si on m’a mêlé à ça, pourquoi ? J’allais dire que j’ai fait ceci ou cela. Mais non, je ne suis mêlé ni de près ni de loin. Même si le président a accordé une grâce présidentielle, ce n’est pas mal, mais je voudrais que la CPI reprenne cette affaire. Là-bas, on verra qui restera et qui partira. »

À propos de Toumba Diakité, figure centrale du procès, le général Konaté lui reconnaît une certaine intégrité : « Ce que je peux dire, c’est que Toumba est un petit véridique. Je l’avais dit il y a plusieurs années. Je ne connais pas son mensonge. Si le procès était impartial, tout ce que Toumba a dit est la vérité. »

Il accuse également Moussa Dadis Camara d’avoir utilisé la carte ethnique pour manipuler l’opinion :

« C’est seulement Dadis qui a menti. Comme d’habitude, il a manipulé la situation en jouant sur l’ethnie. La Guinée a dépassé ce temps-là. Quand tu parles de la forêt, sache que j’ai des parents à Kissidougou, Guéckédou, Macenta, Lola jusqu’à Koyama. Le forestier menteur, c’est lui. Le manipulateur, c’est lui. Pourquoi ne pas dire la vérité ? Les instructions, c’est lui qui a tout donné… »

Pour finir, l’ancien chef de la transition est revenu sur un accord politique lors de la rencontre de Ouagadougou, selon lui non respecté par Dadis :

« Moi, j’ai respecté le deal vis-à-vis de lui, mais c’est lui qui ne l’a pas respecté. Même dans l’armée, tout le monde voulait que je prenne le pouvoir, mais j’ai dit non. Il y avait un deal entre lui et moi : je te laisse la main, tu me laisses partir. Devant le président Blaise Compaoré et Diendéré, lui-même était présent à Ouaga. Quand j’ai parlé, il ne pouvait placer un seul mot. Le président Blaise Compaoré m’a dit : “Laisse-le, il est malade, il ne se sent pas bien.” »
Mamadou Yaya BARRY

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