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Dans la nuit du 03 au 04 août 2012, alors que tout dormait à Zowota, des éléments des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) ont semé la terreur dans ce paisible village de la région forestière. À bord de véhicules appartenant à l’armée, à la gendarmerie et à la police, ils ont déclenché une opération répressive d’une rare brutalité, sans sommation, sans justification, sans aucune légalité.
Six (6) citoyens guinéens ont été tués. Une dizaine d’autres ont été grièvement blessés. Des maisons ont été incendiées, des familles brisées, des vies mutilées à jamais.
Le Président du district, Nyankoye KOLIE, fut atteint à la gorge par une grenade. Il est mort sur le coup. Siba KPELEYAI, Foromo TOKPA, Nazouo KOLIE, Moriba Tokpa KOLIE ont été abattus. Pokpa Zaoro LOUA est décédé plus tard à l’hôpital.
La liste des blessés, dont certains porteront à vie les stigmates de cette nuit tragique, est longue, douloureuse, accablante.
Dans la foulée, plusieurs citoyens furent arrêtés, molestés, torturés. Des agents de sécurité travaillant pour la société Vale, fils du village, furent accusés à tort d’être les instigateurs des protestations et livrés à la répression sur ordre d’un officier supérieur de gendarmerie.
Treize années se sont écoulées. Et rien. Aucune poursuite. Aucun procès. Aucun acte de reconnaissance officielle. Rien.
Pourtant, dès les premières heures, des voix courageuses se sont levées. Je veux ici saluer et remercier publiquement des hommes comme Monsieur Aimé Raphael Haba, Maître Siba Michel Blégoudé, mais aussi l’ONG les Mêmes Droits pour Tous (MDT) dirigée par Maître Foromo Frederic Loua, et les avocats engagés comme Maîtres Félix MATHOS, Théodore Michel LOUA. Avec courage, rigueur et constance, ils ont :
– documenté les faits,
– accompagné les victimes,
– introduit une plainte dès le 23 août 2012,
– obtenu un arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO, le 10 novembre 2020, condamnant l’État guinéen pour violation grave des droits humains.
Mais jusqu’à ce jour, l’État guinéen refuse d’exécuter cette décision. Le silence officiel est total. L’indifférence est manifeste. L’impunité est érigée en mode de gouvernance.
En tant qu’avocat, en tant que citoyen, en tant qu’humain, je refuse cet oubli organisé. Je refuse cette injustice prolongée. Je refuse cette politique de l’oubli qui nie aux morts leur dignité, et aux vivants leur droit à la vérité, à la justice et à la réparation.
C’est pourquoi, treize ans plus tard, je prends à nouveau ici publiquement la parole pour exiger, avec force et conviction :
1. L’exécution immédiate de l’arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO ;
2. L’ouverture d’une enquête judiciaire indépendante ;
3. La poursuite effective des auteurs, co-auteurs et complices de ces exactions ;
4. L’indemnisation complète et équitable des victimes et de leurs ayants droit ;
5. La reconnaissance officielle du massacre de Zowota comme un crime d’État.
- Zowota n’est pas un fait divers. C’est une tache indélébile sur la conscience de notre République.
- Zowota n’est pas un souvenir. C’est une blessure ouverte dans le corps de notre nation.
- Zowota n’est pas un accident. C’est un crime d’État.
À ceux qui veulent tourner la page sans jamais l’avoir lue, je réponds ceci : nous ne vous laisserons pas refermer ce livre. Car la justice ne se prescrit pas. Et la mémoire est une exigence de dignité.
Zowota se souvient. Moi aussi. Nous aussi. Et nous ne cesserons jamais de réclamer justice.
Me Pépé Antoine Lama