Crise de liquidité : l’économiste Abdoulaye Guirassy invite la BCRG à rétablir la confiance avec tous les intervenants du système économique

il y a 19 heures 88
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Rien ne va actuellement dans le secteur bancaire. Une pénurie de liquidité crève les yeux. Bien plus qu’une pénurie, c’est une véritable crise qui s’est installée. C’est l’avis de Abdoulaye Guirassy.

Pour le président du cercle de réflexion et d’analyse de la conjoncture économique, les causes de cette crise de liquidité sont multifactorielles, mais la principale, à son sens, est liée à la levée des 5 000 milliards par le ministère des finances il y a moins de deux ans.

« Pour la petite histoire, le ministre des Finances d’alors, M. Moussa Cissé, pour faire face au manque de trésorerie de l’État, a trouvé un subterfuge afin de financer les infrastructures de l’État. Et donc, l’artifice trouvé était quoi ? C’était de mettre les banques commerciales à contribution, en ponctionnant les réserves obligatoires des banques commerciales détenues par la Banque centrale (….). Je rappelle que ce taux de réserve obligatoire est le deuxième instrument de politique monétaire le plus essentiel après le taux directeur. Malheureusement, l’État a procédé à ponctionner ces réserves obligatoires-là au niveau de la Banque centrale. Et aujourd’hui, il y a une pénurie de liquidité, mais malheureusement, la réserve obligatoire n’est pas encore reconstituée. Le taux de réserve est actuellement abaissé. Avant, il était à 15% il y a deux ans. Il est descendu à 13%. Aujourd’hui, il est à 12,25% », a-t-il commencé par rappeler.

D’autres raisons expliquent la pénurie de liquidité dans les banques. L’économiste parle aussi d’une crise de confiance. Selon lui, la Banque Centrale de la République de Guinée a pris une série de décisions qui ont fortement ébranlé la bonne collaboration avec les systèmes bancaires. Notamment, l’imposition des frais de retraite de 1%.

« Vous savez, comme je l’ai dit tantôt, les banques commerciales ont leur compte à la Banque centrale. La Banque centrale n’est pas une banque commerciale. C’est un service public. Elle n’a pas vocation à faire du profit. Donc, à chaque fois que les banques commerciales viennent retirer leur argent à la Banque centrale, il n’y a pas lieu de facturation. Il n’y a pas de frais à payer. Malheureusement, l’actuelle gouvernance de l’institution a décidé d’imposer un frais de retrait d’1% à chaque retrait. Cela a instauré une certaine méfiance chez les banques commerciales », a fait savoir Abdoulaye Guirassy.

Le membre correspondant de l’Académie des sciences de Guinée parle d’une troisième raison. C’est le fait qu’il y ait un système informel qui est en train de prendre le dessus à Madina.

« Le financement est un circuit. Les gens déposent leur argent dans la Banque commerciale. La banque centrale perçoit une petite partie sous forme d’argent obligatoire. La banque centrale refinance encore la banque commerciale. La machine tourne. Actuellement, la banque centrale émet un chèque de liquidité. Ça sort. Mais la confiance du public étant ébranlée, le taux de bancarisation a baissé. Il n’y a pas de retour vers les banques. Les gens ne déposent pas leur argent à la Banque. Il y a un système informel qui est en train de prendre le dessus à Madina. Il y a des banques parallèles qui sont créées à Madina. C’est une menace pour notre économie », a révélé le président du cercle de réflexion et d’analyse de la conjoncture économique.

Si cette crise de liquidité perdure, les conséquences peuvent être néfastes pour l’économie, aussi bien pour les entreprises que pour les particuliers, indique M. Guirassy.

« Dans notre système de finance directe, les banques sont le poumon de notre économie. Ce sont les banques qui financent les entreprises, qui recueillent l’argent du public et qui les donnent à crédit aux autres. Ils sont au cœur du système. Si ce système bancaire-là est en panne, c’est que les entreprises vont voir leurs sources de financement s’assécher. Ils n’ont pas de financement au niveau des banques parce qu’il n’y a pas de liquidité. Et ça, qui parle du développement d’un pays, parle du développement des PME et des PMI qui sont à la manette », a affirmé l’économiste.

Le chargé de cours d’économie monétaire à l’ESKIG pense qu’il faille trouver dès maintenant une solution à cette crise. Abdoulaye Guirassy conseille à la banque centrale d’accepter de rétablir la confiance et de remettre la machine en marche.

« La confiance, c’est l’alpha et l’oméga de l’économie. Aussi longtemps que la confiance est entamée, le système va être grippé. C’est ça la vérité. Aujourd’hui, il faut que la Banque centrale lâche de l’Est en ouvrant une large concertation avec l’ensemble des intervenants du système économique. Aussi bien les banques commerciales, que l’APB, les opérateurs économiques pour essayer de rassurer tout le monde pour dire que oui, le système a connu des failles et on va corriger », a-t-il exhorté.

Sékou Diatéya

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