Conakry : un gendarme jugé suite à la mort par balle de Koumba Keïta à Ansoumanya (Dubréka)

il y a 3 heures 18
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Le procès du maréchal des logis (Margis) Thierno Abdoulaye Baldé, jugé pour homicide involontaire, s’est poursuivi ce jeudi , 16 octobre 2025, devant le tribunal militaire de Conakry. L’affaire porte sur la mort de Madame Koumba Keïta, atteinte par balle le 26 août 2025 à son domicile à Ansoumanya, dans la préfecture de Dubréka. Si la partie civile  dénonce un acte prémédité, la défense évoque un accident regrettable, a constaté un reporter que Guineematin.com avait dépêché sur place.

Dans cette affaire, deux versions des faits s’opposent : celle de la partie civile, qui évoque un meurtre prémédité, et celle de la défense, qui parle d’un accident malheureux.

À la sortie de l’audience, les avocats des deux parties ont livré leurs explications respectives sur ce dossier aussi sensible que complexe.

Me Abdoulaye Keïta, avocat

Pour Me Abdoulaye Keïta, avocat de la partie civile, qui défend les intérêts de la défunte, il ne s’agit pas d’un simple accident. Selon lui, le margis Thierno Abdoulaye Baldé aurait délibérément tiré sur Madame Koumba Keïta, dans un contexte de tensions entre deux familles liées par un projet de mariage. « Mme Koumba Keïta a été atteinte par balle le 26 août 2025, par le Maréchal des logis-chef Thierno Abdoulaye Baldé. Alors, qu’est-ce qui s’est passé ? C’était un beau matin, le maréchal des logis-chef est venu au domicile de Mme Koumba Keïta. Mais avant son arrivée, il avait déjà tiré un premier coup de feu avant d’entrer au domicile de Mme Koumba Diakité.

Au salon, Mme Koumba Keïta est partie servir des jus à M. Baldé. Sur le coup, le pistolet de M. Baldé serait tombé et a atteint Mme Koumba Keïta. Finalement, celle-ci a succombé à ses blessures et a été transportée à l’hôpital, où elle a rendu l’âme », a expliqué Me Keïta.

L’avocat dénonce le traitement judiciaire réservé au dossier, estimant qu’un crime d’homicide ne peut être jugé en flagrant délit. « Dans ce dossier, après les enquêtes menées par la gendarmerie, le parquet du tribunal militaire a été saisi et le dossier a été déféré. Malheureusement, le tribunal militaire a traité l’affaire en flagrant délit, ce qui est extrêmement grave. Un dossier criminel ne doit pas être jugé en flagrant délit de cette manière. La flagrance est une mesure d’urgence, certes, mais lorsqu’il s’agit d’un assassinat, il faut renvoyer le dossier devant le cabinet d’instruction pour examen. Or, le tribunal a ouvert le débat en flagrant délit. Hier d’ailleurs, le tribunal a ordonné un transport judiciaire sans la présence de la partie civile, ce qui est anormal. Je vais donc demander au tribunal de renvoyer le dossier devant le cabinet d’instruction pour qu’on puisse comprendre ce qui a poussé le maréchal des logis à tirer sur Madame. Vous l’avez entendu à la barre : il y avait un antécédent entre les deux familles. C’est donc la cause principale. Je souhaite que le dossier soit renvoyé devant le cabinet d’instruction pour un examen approfondi. Nous verrons s’il l’a fait volontairement ou non. Regardez d’ailleurs la direction de la balle : Madame était à gauche, le pistolet est tombé à droite. Comment se fait-il qu’il puisse tomber et se retourner pour atteindre Mme Koumba Keïta à l’épaule gauche ? C’est du montage », a-t-il insisté.

Pour Me Keïta, cette affaire cacherait des enjeux familiaux et sentimentaux : la victime se serait opposée à une union entre sa fille et le prévenu. Ce qui aurait motivé l’acte. « Les deux familles ne s’entendent pas : celle de la défunte et celle du maréchal des logis-chef Baldé. Je donnerai la semaine prochaine, le 28, les raisons de cette mésentente qui existait avant le drame. En réalité, un côté ne voulait pas donner la fille en mariage, tandis que l’autre y tenait fermement. Celle qui bloquait la réussite du mariage devait être éliminée. C’est pourquoi Baldé était en mission pour supprimer Mme Keïta et que le mariage puisse se faire. Le prévenu sortait avec la fille de la défunte, ils étaient en relation. C’est ce que nous avons appris », affirme l’avocat, qui accuse même un haut gradé de la gendarmerie, le Général Baldé, d’avoir influencé la procédure.

« Je peux affirmer à 100 % que le dossier a été pris en flagrant délit grâce à son intervention. Pourtant, il s’agit d’un dossier criminel. Comment se fait-il qu’un gendarme puisse se promener avec une arme chargée ? Cela n’existe qu’en Guinée ! Au Sénégal, en Tanzanie, en Côte d’Ivoire, jamais un gendarme ou un policier en civil ne se promènerait avec une arme chargée. D’abord, il avait dit que l’arme n’était pas chargée. Hier, lors de la reconstitution, il a affirmé le contraire : qu’elle l’était. C’est une contradiction. Il y a anguille sous roche dans ce dossier. Mais je vous assure, rien ne passera. Nous allons obtenir le renvoi devant le cabinet d’instruction, car les choses sont floues. Le dossier a été renvoyé au 28 de ce mois pour la comparution d’un témoin cité », a-t-il conclu.

Me Amadou Oury Diallo, avocat

Par contre, l’avocat de la défense, Me Amadou Oury Diallo, rejette catégoriquement toute idée de préméditation. Selon lui, les faits relèvent d’un accident domestique causé par la chute accidentelle de l’arme de service du gendarme. Le défenseur met en cause le personnel médical, qu’il juge responsable du décès de la victime pour négligence dans la prise en charge. « Je vais tout simplement recadrer les choses. Sachez que mon client est poursuivi ici pour homicide involontaire. Ce n’est pas un criminel. Le 26 août 2025, au petit matin, il s’est rendu au domicile de sa future belle-mère pour des salutations d’usage. Celle-ci lui a donné une chaise et lui a offert trois jus. Au cours de leur entretien, une pluie fine est tombée. Madame a demandé à ce que mon client se déplace pour venir au niveau de la terrasse. Malheureusement, ce jour-là, il n’était pas en tenue, mais il portait son arme. Lorsqu’il a voulu se déplacer avec la chaise, étant donné qu’il portait aussi un sac contenant ses habits et tous ses effets pour aller au travail, le mouvement du bras a certainement heurté le pistolet. Celui-ci est tombé à terre, et comme une balle était déjà engagée dans la chambre à feu, la détonation est partie.

La balle l’a d’abord touché à un doigt avant d’atteindre l’épaule de sa future belle-mère, Madame Koumba Keïta. Quand il a constaté le sang, il a pris la femme dans ses bras pour la conduire vers la clinique la plus proche. Lorsque le personnel médical lui a dit qu’il n’était pas compétent pour arrêter l’hémorragie et lui a recommandé d’aller à la grande clinique de T6, il a pris un taxi-motard qui les y a conduits. Malheureusement, je dis très malheureusement, ce personnel médical n’a pas été à la hauteur pour arrêter l’hémorragie. Au lieu d’embarquer la femme dans une ambulance, de la mettre sous perfusion et de stopper l’hémorragie avant de la transférer à l’hôpital national Donka, le personnel médical a abandonné cette femme blessée et ce gendarme paniqué, inexpérimenté, en leur disant : “Allez chercher un taxi pour vous rendre à l’hôpital.” Imaginez la distance entre la T6 et l’hôpital national Donka, dans un simple taxi, sans possibilité de dégagement rapide sur la route. L’hémorragie a donc continué en cours de route. C’est ce qui fait qu’à son arrivée à l’hôpital, elle avait déjà rendu l’âme. Alors, non seulement mon client ne devait pas porter une arme chargée, je le reconnais, je le reconnais en tant qu’avocat, même si je ne suis pas un homme de métier dans les armes, il n’avait pas le droit de porter une arme chargée. Mais on ne devait pas non plus lui laisser conduire cette femme blessée de T6 jusqu’à Donka. On aurait dû d’abord arrêter l’hémorragie, la placer dans une ambulance pour un transfert rapide. Il y a donc une faute du personnel médical. C’est ce qui a causé le décès de la femme..Le gendarme, lui, a tout fait pour la secourir. Il a fourni des efforts pour éviter qu’elle ne succombe. Malheureusement, les spécialistes l’ont abandonnée », a déclaré Me Amadou Oury Diallo, avocat de la défense », a-t-il laissé entendre.

Sur la question de l’orientation de la procédure en flagrance, Me Diallo défend la décision du tribunal, estimant que la nature des faits s’y prête. « Par rapport à cette question, sur l’orientation du dossier en flagrant délit, le dossier a été très bien orienté. C’est un homicide involontaire. Or, un homicide involontaire, ce n’est pas un crime. Lorsque les faits viennent de se produire et que le présumé auteur a reconnu les faits non seulement à la gendarmerie au cours de l’enquête préliminaire, mais aussi devant le procureur de la République, je ne vois pas pourquoi on devrait l’orienter vers un cabinet d’instruction pour faire d’autres enquêtes encore. Il valait mieux le juger en flagrant délit, et c’est ce qui a été fait. Si la partie civile considère qu’il s’agit d’une affaire criminelle, c’est de bonne guerre. Le tribunal correctionnel a pris le dossier, et c’est normal. Si la partie civile estime qu’il s’agit d’un crime, elle sait ce qu’elle doit faire en la matière. Nous sommes donc bien en matière de flagrant délit », a-t-il affirmé.

Concernant les accusations visant le général Baldé, ancien Haut Commandant de la gendarmerie nationale sous Alpha Condé, l’avocat de la défense parle de propos infondés et dangereux.

Général Ibrahima Baldé, ancien Haut Commandement de la Gendarmerie Nationale, Directeur de la justice militaire

« Je voulais revenir sur les déclarations faites par la partie civile à propos du Général Baldé. Là encore, je m’inscris en faux. Dire que le Général Baldé est derrière tout cela, c’est comme affirmer que c’est lui qui aurait ordonné à ce gendarme d’aller tirer sur la femme. C’est extrêmement grave. Il faut que l’opinion sache que ce jeune homme a été élevé par le Général Baldé dans sa concession, et que c’est lui qui l’a intégré au sein de la gendarmerie. Donc, lorsqu’un tel accident se produit, le Général a le devoir de mobiliser une délégation familiale pour aller présenter les condoléances et demander pardon à la famille de la victime. C’est ce qu’il a fait. Mais dire qu’il est derrière tout cela, non. Il est intervenu dans un cadre purement social. Il faut faire très attention aux déclarations qu’on tient ici », a martelé Me Amadou Oury Diallo.

L’affaire a été renvoyée au 28 octobre 2025 pour la comparution d’un témoin clé. Le gendarme est reparti à la maison centrale de Conakry où il est en détention préventive depuis le 27 août dernier.

Mamadou Laafa Sow pour Guineematin.com

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