Mory Condé au Forum des Alumni : « À l’Ambassade des États-Unis, on m’a demandé le passeport, mais je n’en avais pas…»

il y a 8 heures 56
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Mercredi 07 mai dernier, dans un imposant hôtel de Conakry, s’est tenu le tout premier Forum des Alumni USA-Guinée 2025. Cette rencontre a réuni les anciens bénéficiaires des programmes d’échanges du gouvernement américain autour d’une cérémonie de retrouvailles, de partage d’expériences et de réflexion collective.

Ce fut également l’occasion pour les anciens boursiers de revenir sur leurs expériences aux États-Unis et sur les nombreuses opportunités que ces programmes leur ont offertes.
Parmi les panelistes figurait le ministre de l’Urbanisme, de l’Habitat et de l’Aménagement du territoire, Mory Condé, qui a raconté comment il a obtenu son tout premier passeport pour se rendre aux États-Unis d’Amérique.

« En 2011, j’étais à Kankan, je suis né à Kankan, j’ai fréquenté tout le cycle jusqu’à l’université à Kankan. J’ai reçu une mission de l’Ambassade des États-Unis dans le cadre de l’engagement civique, avec une experte qui travaille au service culturel. Après le travail, j’ai été informé un jour que je devais participer à ce programme. Et c’était ma première fois d’ailleurs d’avoir un passeport. C’est à l’Ambassade des États-Unis. À mon arrivée, on m’a demandé que vous devez venir avec un passeport, mais je n’en avais pas. Je suis venu au ministère de la Sécurité. Il fallait que j’amène le passeport avant 16h. L’actuel gouverneur de Mamou, qui était le gouverneur de N’zérékoré, était à l’époque le directeur central de la police de l’Air et des frontières. Je viens au ministère de la Sécurité et je rencontre M. Lamine Keïta, à l’époque qui était presque la personnalité la plus crainte du ministère de la Sécurité. Je viens le voir à 13h et je lui dis « Ah, je veux avoir un passeport, mais il faut l’avoir à 16h ». Il m’a dit « Mais, vous venez d’où ? ». J’ai dit « Je viens de Kankan ». Il m’a dit « Viens dans mon bureau ». Il a appelé l’agent qui est venu faire le passeport et mon enrôlement. À 15h10, il me remet le passeport. Il dit « Tu vas aller où ? ». J’ai dit « Je vais à l’ambassade des États-Unis ». Il a appelé son chauffeur, il met un motard devant pour m’accompagner à l’ambassade des États-Unis. En fait, il l’a fait sans savoir qui j’étais. Il m’a juste demandé « tu fais quoi ?». J’ai dit « Ah, je suis à la tête d’une organisation non-gouvernementale. Je travaille dans le cadre de tout ce qui est gouvernance locale.» Il m’a dit « Ok, vas-y ». Et quand son chauffeur m’a déposé à l’ambassade des États-Unis, j’étais surpris. Son chauffeur m’a donné 500 000 FG. Il m’a dit « Ah, c’est ce que le directeur m’a dit de vous remettre ». Donc, l’argent que j’avais dépassé, il m’a restitué cet argent.

‘’J’ai participé au programme IVLP avec le thème de management et gestion des conflits et nous avons fait plusieurs États.’’

Depuis sa création dans les années 60, plusieurs milliers de Guinéens ont bénéficié de ce programme d’échange. Pour le ministre Mory Condé, cette opportunité a été un véritable tremplin dans sa carrière dans le monde des ONG, jusqu’à sa nomination au poste de ministre de l’Administration du territoire dans le gouvernement nommé par Mamadi Doumbouya.

«  La chose qui m’a le plus marqué, c’était à Tulsa, dans l’Etat d’Oklahoma. Nous avons vu un dispositif un peu similaire à ce sur lequel j’avais eu à travailler quand j’étais père éducateur au programme des Nations unies pour le développement PNUD en 2007-2008.

 ‘’En 2007-2008, l’ex-ministre de la Sécurité Damantang Albert Camara, et l’actuel directeur général de Rio Tinto, les deux étaient mes supérieurs hiérarchiques au PNUD’’

On avait un programme qu’on appelle le Centre d’information de proximité. C’est un programme qui visait un peu à aller céder auprès des autorités judiciaires la mise en liberté provisoire ou l’accélération des procès en faveur des femmes et des enfants détenus dans les prisons. Quand je suis arrivé à Tulsa on s’est rendu compte qu’ils avaient une structure à peu près similaire qui pouvait, lorsqu’il y a des conflits entre des familles ou entre des personnes dans la société, venir à la justice, récupérer le dossier, faire un règlement, et à l’issue du règlement, le procès-verbal du règlement avait force des jugements rendus entre les parties.

Donc, à mon retour, on a initié la maison de la justice dans les quatre régions administratives du pays. Aujourd’hui, ces maisons de la justice existent et ça fonctionne sous l’autorité du ministère de la Justice. Autre exemple, quand j’étais alumni aux Etats-Unis, avant la fin, nous sommes arrivés à Washington et on a été reçus par un sénateur républicain, qui m’a reçu avec un autre alumni malien, qui s’appelle Mamadou Nimaga.

Il nous a demandé, M. Condé, à votre retour au pays, c’est quoi votre rêve ? Mon collègue Nimaga a répondu que son rêve était un jour d’être ambassadeur du Mali à Washington. Et à l’époque, Nimaga était chargé d’affaires par intérim à l’ambassade du Mali en Éthiopie. Il était fonctionnaire du ministère de l’Affaires étrangères et était à l’époque intérimaire en Éthiopie.

Moi, je suis promoteur d’une ONG locale. Mon rêve est d’être le premier guinéen à pouvoir créer une organisation locale, mais qui devienne une ONG internationale. À mon retour au pays, deux mois après, j’ai été appelé au service culturel de l’ambassade pour me dire qu’il y avait un courrier dont eux-mêmes ne connaissaient pas le contenu. Donc j’ai reçu le courrier, il y avait des liens dedans que je devais appliquer. Et tout de suite, c’était une opportunité pour moi d’aller faire un master en Israël. Je crois que là où j’ai été étudier en Israël, dans cette université, on n’était pas plus de trois Africains qui étudiaient. Et c’était la première fois qu’un Guinéen puisse venir étudier dans cette école.

Et c’était tout frais payé à la charge du département d’État américain à travers ce sénateur républicain. Pendant les cours là-bas, je me suis rendu compte que plus de 60 à 70 % des camarades de classe étaient des anciens alumni aussi, des différents programmes au compte du gouvernement américain. Nous sommes revenus.

Le jour de la passation entre l’ex-premier ministre Mamadi Youla et Kassory Fofana, mon ami alumni malien était chez moi ici. Il a reçu un SMS du président IBK pour dire que Nimaga ton congé n’est pas encore fini, mais le conseil des ministres a décidé de t’envoyer comme ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Mali à Washington.

Et moi, je reste là. Deux mois après, j’ai reçu une invitation de Banki Moon le secrétaire général des Nations unies. Je crois que c’est une première au monde parce que tous les travaux que je faisais pendant la gestion de l’épidémie de Ebola, à travers le réseau alumni, les résultats étaient validés partout dans le monde.

Et même une fois, sur la page des alumni, plusieurs de mes publications étaient partagées. Il y a un jeune que j’ai rencontré qui était promoteur de plusieurs médias au Nigeria. Au moment qu’on était à Oklahoma, son épouse a donné naissance à quatre bébés. Donc, le gouvernement américain avait décidé d’envoyer un avion pour chercher ses enfants. Ses enfants étaient restés. Donc, quand lui, au fil du temps, il voyait un peu les résultats qu’on faisait dans le cadre de la gestion de l’épidémie d’Ebola.

Il m’a dit, mais ton rêve d’avoir une organisation internationale, c’est facile avec ça. Donc, comme il vivait aux États-Unis, à New York, c’est lui qui amène toutes les démarches auprès de l’Ecosoft, des Nations Unies, pour qu’on puisse avoir l’accréditation d’organisations internationales. Donc, c’est pour vous dire un peu combien le réseautage peut apporter.

Également, lors de la gestion de l’épidémie de Covid, beaucoup étaient surpris de voir qu’on était quand même l’une des rares organisations à se hisser à un niveau très élevé, que ce soit à Guinée et dans d’autres pays africains. Cela, d’ailleurs, nous a permis de créer plusieurs emplois pour des Guinéens comme expatriés au Mali, en Sierra Leone, au Libéria, au Burundi, en Centrafrique et en Mauritanie. Jusqu’aujourd’hui, ces bureaux de AGIL international existent. Les collègues qui ont repris le flambeau après ma nomination comme ministre de l’administration du territoire continuent.

L’une des plus belles expériences, c’est lorsque j’ai été nommé ministre de l’Administration du Territoire et de la décentralisation. C’est un Alumni qui m’appelle, il me demande, on a appris que vous êtes dans l’administration du territoire, je lui ai dit oui. Est-ce que tu sais qu’au Nigéria, nous avons travaillé sur un programme qui a permis aujourd’hui d’offrir à l’ensemble de la population du Nigéria des numéros d’identification comme un peu aux Etats-Unis.

Il m’a dit, si tu peux m’inviter en Guinée, je pourrais venir t’aider à préparer un programme. D’où la création de ce programme national de recensement administratif à vocation d’État-civil qui est en cours aujourd’hui même.

‘’C’est à travers le milieu de l’alumni, qu’un collègue du Nigéria est venu, il a appuyé l’élaboration du programme, jusqu’à l’élaboration du décret ayant créé le programme.’’

 C’est pour vous dire combien de fois important ce réseau d’alumni et également combien ça permet, non seulement à la perfection personnelle même du alumni, mais aussi à renforcer le réseau à travers le monde.

Moi personnellement, ma participation à ce programme IVLP a permis de quitter une idée très précaire et de me retrouver aujourd’hui à un niveau très élevé. Tout ça grâce à l’appui de plusieurs cadres de l’ambassade des États-Unis. C’est dire que rien ne sort du ciel. À un moment donné, il faut croire, il faut avancer. Ça se développe, effectivement. Le dernier témoignage que je ferai, c’est l’actuel représentant de l’UNICEF qui est là, monsieur Félix Akebo.

Le jour de son adieu, quand il était là en Guinée comme représentant de l’UNICEF, il a lu son discours. Il a fini son discours et il a dit, nous sommes en pleine épidémie de Ebola. Mory vient de rentrer d’un programme de visiteurs internationaux aux États-Unis. Je quitte la Guinée avec l’espoir de revenir demain comme représentant et de trouver Mory comme ministre. J’ai été nommé ministre de l’administration du territoire le 27 octobre en Guinée, Félix Akebo a été ramené comme représentant de l’UNICEF, le 29 octobre. »

Sekou Ahmed Nabé

 

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