Edouard Zoutomou : “La nouvelle constitution semble taillée sur mesure pour servir des ambitions personnelles…”

il y a 4 heures 55
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Alors que la CEDEAO salue les avancées du processus électoral en Guinée, l’opposition reste sceptique. Dans un entretien exclusif accordé à Guinée360, Edouard Zoutomou Kpoghomou, président de l’UDRP et vice-président de l’ANAD, décrypte les messages diplomatiques de l’institution ouest-africaine, pointe les insuffisances de la transition conduite par le CNRD, et dénonce une marginalisation politique orchestrée. Sur la nouvelle Constitution, l’invitation présidentielle, ou encore l’exclusion de leaders politiques du recensement, il livre une position ferme. Lisez!

Guinee360 : Que pensez-vous des félicitations adressées par la CEDEAO au CNRD concernant le processus électoral prévu pour 2025?

Edouard Zoutomou Kpoghomou : Les félicitations adressées au CNRD par la CEDEAO, il faut les replacer dans le cadre des usages diplomatiques. Ce sont des messages de forme. La CEDEAO ne peut pas toujours s’exprimer de manière directe ou conflictuelle ; ce ne serait ni productif ni diplomatiquement acceptable. En réalité, derrière ces félicitations, il y a des non-dits, des inquiétudes profondes que l’on peut lire entre les lignes. Depuis un bon moment, il y a un silence pesant sur certaines promesses faites et sur des engagements censés accélérer le retour à l’ordre constitutionnel. Or, rien de tout cela n’a véritablement été concrétisé. Ces félicitations cachent donc une forme de préoccupation. Ce sont des signaux codés. Ils traduisent un malaise face à l’inertie observée dans le processus de transition.

Comment interprétez-vous la décision de la CEDEAO d’envoyer une mission politique de haut niveau en Guinée ?

C’est une illustration concrète des inquiétudes que j’évoquais. Si la CEDEAO était réellement satisfaite du déroulement de la transition, elle n’aurait pas jugé nécessaire d’envoyer une délégation de haut niveau, surtout si peu de temps après sa dernière mission. Ce retour rapide signifie qu’il y a un écart important entre les rapports reçus par la CEDEAO et la réalité sur le terrain. Les choses présentées ne correspondent pas aux faits. D’où cette volonté de revenir, de rencontrer toutes les parties prenantes, et pas seulement les représentants du CNRD, pour obtenir une vue d’ensemble plus équilibrée de la situation. Sinon, cela resterait un travail partiel, et de nombreuses questions demeurent sans réponse.

La CEDEAO vous semble-t-elle sincère dans sa volonté d’accompagner la transition guinéenne ?

Nous avons toujours exprimé des réserves à ce sujet. La CEDEAO a perdu de l’influence dans la résolution des crises en Afrique de l’Ouest, en grande partie à cause de la manière timide dont elle a abordé certains dossiers importants, y compris celui de la transition guinéenne. Il y a aussi des divisions internes à la CEDEAO, avec certains États comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger qui ont remis en cause sa légitimité. Nous ne voulons pas forcément nous aligner sur leur position, mais la situation guinéenne est spécifique et doit être traitée comme telle. Nous estimons que la CEDEAO a commis une erreur en négociant directement un calendrier de 24 mois avec le CNRD, sans impliquer les partis politiques ni les autres forces vives du pays. Peut-être cherche-t-elle aujourd’hui à corriger cette erreur, mais pour y parvenir, elle devra redoubler d’efforts et faire preuve d’une volonté réelle de dialogue.

Avec cette nouvelle initiative de la CEDEAO, avez-vous des raisons d’espérer ?

On ne peut jamais exclure totalement l’espoir, mais il faut rester réaliste. Si l’on se fie au passé récent, il y a peu de raisons d’être optimiste. Cela dit, tant qu’il y a une fenêtre d’ouverture, même minime, il ne faut pas la refermer. C’est pourquoi nous restons vigilants, mais disponibles.

La présidence de la République invite les partis politiques à prendre part à la remise du projet de nouvelle Constitution. L’UDRP répondra-t-elle à cet appel ?

Nous avons été constants dans notre position. Cette nouvelle Constitution a été rédigée sans notre consentement. Dès le départ, nous avons exprimé qu’il n’y avait pas besoin d’une nouvelle Constitution, sauf si elle visait des objectifs non démocratiques. Or, nous avons constaté que le texte semble taillé sur mesure pour servir des ambitions personnelles. Par exemple, les articles 46, 55 et 65 de la Charte permettaient clairement d’écarter toute possibilité pour les membres du CNRD, y compris le général Doumbouya, de se présenter à une élection. Mais les grandes lignes de la nouvelle Constitution semblent revenir là-dessus, en rendant ces candidatures possibles. Ce revirement compromet l’esprit même de la transition. Donc, participer à cette cérémonie reviendrait à valider un processus biaisé. À moins qu’on assume clairement un virage vers un régime autoritaire, ce que nous ne pouvons cautionner.

Peut-on donc conclure que, même si vous recevez une invitation officielle, votre parti n’y participera pas ?

Pour le moment, nous n’avons pas reçu d’invitation spécifique. Il s’agit d’un appel général adressé aux partis politiques. Or, dans ce groupe, certains partis sont totalement alignés sur le CNRD, d’autres non. Nous attendons de voir si une démarche concrète est faite vers nous. Ensuite, chaque formation politique devra se concerter pour décider de la conduite à adopter. Nous discuterons en interne et prendrons une décision en conséquence. Rien n’est encore arrêté.

Nous apprenons que Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo ont été empêchés de se faire enrôler. Quelle est votre réaction ?

Cet acte en dit long. Il contredit les discours d’inclusivité tenus par les autorités. On ne peut pas prétendre à un processus inclusif tout en empêchant certains citoyens de se faire recenser, que ce soit pour une élection ou dans le cadre du RGPH, qui est soutenu par les Nations Unies. Empêcher des leaders politiques de se faire enrôler, c’est une démarche d’exclusion. C’est anti-démocratique. Nous n’avons ni armes ni milices, mais nous avons le courage de dénoncer ce genre de pratiques. Nous continuerons à alerter, non seulement au niveau local, mais aussi auprès des institutions internationales. Ce type d’agissement donne l’impression qu’il y aurait deux catégories de Guinéens : ceux qu’on accepte et ceux qu’on rejette. C’est un très mauvais signal, surtout si l’on veut éviter la division du pays.

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