Analyse académique du scrutin présidentiel du 28 décembre 2025 en Guinée (Par Joachim Baba)

il y a 4 heures 21
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Introduction

Les élections en Afrique subsaharienne, et en Guinée en particulier, ont longtemps été marquées par une conflictualité récurrente. Les scrutins présidentiels étaient souvent synonymes de tensions, de violences et de contestations, au point que certains observateurs considéraient les troubles comme un indicateur de vitalité politique. Le scrutin présidentiel du 28 décembre 2025 rompt avec cette tradition et mérite une analyse académique approfondie.  

Problématique : Comment expliquer que, pour la première fois depuis 1993, une campagne présidentielle et un scrutin en Guinée se soient déroulés dans une atmosphère de sérénité, sans heurts ni incidents majeurs, alors que le contexte africain reste largement conflictogène ?

Cette analyse repose sur une approche comparative externe et interne, mettant en perspective le cas guinéen avec d’autres expériences électorales africaines (Côte d’Ivoire, Kenya, Ghana, Sénégal) et avec ses propres scrutins antérieurs (2010, 2020). Elle s’appuie sur une lecture institutionnelle, sociologique et politique des dynamiques électorales.  

Analyse comparative : externe et interne

Approche Externe 

Les élections de 2010 et 2020 en Guinée et en Côte d’Ivoire ont été marquées par des crises post-électorales sanglantes. La Guinée, en 2025, échappe à ce cycle de violences, démontrant qu’une transition pacifique est possible.

Les scrutins de 2007 et 2017 au Kenya ont révélé la fragilité institutionnelle et les fractures ethniques. La sérénité guinéenne contraste avec ces expériences, en montrant que la maturité citoyenne peut neutraliser les clivages identitaires.

Depuis 1992, le Ghana est cité comme modèle de démocratie apaisée en Afrique de l’Ouest. Le scrutin guinéen de 2025 rapproche la Guinée de ce modèle, en inscrivant son processus électoral dans une logique de compétition pacifique et institutionnalisée.

Malgré des tensions politiques au Sénégal, les élections sénégalaises (2012, 2019) ont globalement respecté les règles démocratiques. La Guinée rejoint cette dynamique en démontrant que l’alternance ou la continuité peuvent se jouer dans le respect des institutions.

Approche interne

Les élections présidentielles guinéennes de 2010 et de 2020 ont été caractérisées par des contestations massives, des affrontements violents et une polarisation extrême du champ politique.  

– 2010 : Premier scrutin pluraliste après la transition militaire, il avait suscité un immense espoir démocratique. Pourtant, la compétition entre les principaux candidats s’était rapidement transformée en affrontement ethno-politique, entraînant des violences post-électorales et une fragilisation de la cohésion nationale.  

– 2020 : Le processus électoral fut marqué par une contestation radicale de la légitimité des institutions, des accusations de fraude et des affrontements meurtriers. La logique de confrontation avait prévalu sur la confiance institutionnelle, accentuant la méfiance des citoyens vis-à-vis du système politique.  

En comparaison, le scrutin de 2025 se distingue par :  

– La sérénité du processus électoral, sans heurts majeurs ni violences post-électorales.  

– Un taux de participation exceptionnel de 85%, qui traduit une confiance renouvelée des citoyens dans les institutions.  

– Une maturité politique accrue, où la compétition électorale s’est déroulée dans le respect des règles démocratiques, rompant avec la logique de confrontation des scrutins précédents.  

Synthèse comparative

La mise en perspective externe et interne permet de mesurer l’ampleur de la rupture politique guinéenne. Alors que les élections de 2010 et 2020 illustraient la fragilité institutionnelle et la conflictualité chronique, celle de 2025 inaugure une nouvelle ère où la stabilité, la responsabilité et la confiance institutionnelle deviennent les piliers du processus démocratique.  

Ainsi, la Guinée ne se contente pas de rejoindre les modèles africains de stabilité électorale (Ghana, Sénégal) : elle se réinvente en rompant avec son propre passé conflictuel, démontrant que la conflictualité électorale est une construction sociale et politique qui peut être déconstruite par des choix institutionnels et un leadership transformateur.  

Une rupture politique

Le scrutin présidentiel du 28 décembre 2025 ne se limite pas à l’élection d’un chef de l’État : il incarne une véritable rupture politique dans l’histoire contemporaine de la Guinée. Trois transformations majeures se dessinent, chacune porteuse d’implications profondes pour la consolidation démocratique et la culture politique nationale.  

1. Fin de la transition et passage à un régime civil légitime

La transition, souvent perçue comme une période d’incertitude et de fragilité institutionnelle, trouve ici son terme. Le passage à un régime civil légitime marque la réhabilitation du principe de souveraineté populaire. Contrairement aux précédentes expériences où la transition s’éternisait ou se soldait par des contestations, cette élection confère une légitimité incontestable aux institutions républicaines. Elle symbolise le retour à une normalité constitutionnelle, où le pouvoir émane du suffrage universel et non de l’arbitrage militaire ou de la rue.  

2. Naissance d’une nouvelle République

Cette élection inaugure une nouvelle République, non seulement au sens juridique mais aussi au sens sociopolitique. La légitimité politique ne se mesure plus à la capacité de mobiliser la rue ou d’imposer une logique de rapport de force. Elle se fonde désormais sur la confiance dans les institutions, la transparence du processus électoral et la maturité des citoyens. Ce basculement traduit une évolution culturelle : la politique cesse d’être un théâtre de confrontation permanente pour devenir un espace de compétition régulée, où l’État arbitre et garantit la paix civile.  

3. Mutation des comportements électoralistes et maturité citoyenne

L’un des acquis les plus significatifs de ce scrutin réside dans la mutation des comportements électoralistes et la maturité politique des citoyens. La Direction Générale des Élections (DGE) a annoncé les résultats provisoires :  

– Mamadi Doumbouya est déclaré élu président de la République avec 4,5 millions de voix, soit 86,72% des suffrages exprimés.  

– Le taux de participation officiel est de 80,98%.  

Ces chiffres traduisent une mobilisation exceptionnelle et une confiance renouvelée dans les institutions. La participation massive illustre une maturité politique rare, où les électeurs ont choisi de s’approprier le processus démocratique plutôt que de céder aux logiques de boycott ou de confrontation.  

Cette mutation ouvre la voie à une recomposition du champ politique. De nouveaux acteurs émergent, porteurs de discours plus pragmatiques et moins polarisants. Les prochaines élections communales, législatives et sénatoriales seront l’occasion de confirmer cette tendance, en révélant des leaders capables de s’inscrire dans une logique de gouvernance responsable et inclusive.  

Leadership du Président Mamadi Doumbouya

Le Président Mamadi Doumbouya a joué un rôle déterminant en imprimant une dynamique nouvelle à la vie politique nationale. En influençant les comportements électoraux, il a contribué à transformer une société habituée aux confrontations en une communauté politique capable de privilégier la paix civile. Son action illustre l’importance du leadership dans les processus de consolidation démocratique : un dirigeant peut, par ses choix et son exemplarité, influencer durablement les pratiques politiques et les mentalités collectives.  Son élection avec une majorité écrasante (86,72%) illustre non seulement son poids politique, mais aussi la volonté des citoyens de consolider la stabilité et d’ouvrir une nouvelle ère républicaine.  

Conclusion

Le scrutin du 28 décembre 2025 constitue un jalon fondateur dans la construction d’une culture démocratique guinéenne. Il démontre que la conflictualité électorale n’est pas une fatalité en Afrique. En se rapprochant des modèles de stabilité observés au Ghana et au Sénégal, tout en rompant avec les cycles de violences connus en Côte d’Ivoire ou au Kenya, la Guinée inaugure une nouvelle ère politique.  

Le taux de participation officiel de 80,98% et la victoire nette de Mamadi Doumbouya avec 86,72% des suffrages exprimés sont des indicateurs puissants de cette transformation. Ils traduisent l’engagement massif des citoyens, leur confiance renouvelée dans les institutions et leur volonté de s’approprier le processus démocratique.  Cette mobilisation populaire illustre une maturité politique rare, comparable aux meilleurs standards africains, et confirme que la société guinéenne aspire désormais à une compétition pacifique et institutionnalisée.  

Cette sérénité électorale n’est pas seulement un succès conjoncturel : elle est le signe d’une transformation structurelle, annonciatrice d’une République fondée sur la maturité citoyenne, la confiance institutionnelle et l’espérance collective. Elle traduit également une évolution profonde des mentalités politiques, où le dialogue et la négociation remplacent progressivement les confrontations violentes.

Joachim Baba MILLIMOUNO

Politologue, Communicant, Gestionnaire de projet

DU en Démocratie, État de droit, Engagement politique et Citoyen dans l’Afrique francophone.

Secrétaire Exécutif de LAARIANE INITIATIVES CONSULTING – LIC SARL

Porte-parole de LA CONVERGENCE RÉPUBLICAINE – LCR

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